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tudes de prières & de recueillement pourne pas obliger Dieu d'agir par des volontés particulières. Pour expliquer le mystére de la réprobation, il tait dire nettement sau Verbe éternel, qu'il ne veut pas rendre fon Temple (l'héritage du Ciel) difforme à force de le faire grand & ample. Après cette petite. digreffion que nous nous fommes permise, pour donner une idée de cet Ouvrage fingulier, revenons à l'Hiftoire du Philofophe.

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Il eut encore une autre difpute fur la Phy fique. Il foutenoit que l'on juge de la grandeur des objets non par les fens, mais par l'imagination; de forte que la Lune qui nous paroît plus grande à l'Horifon qu'au Méridien, ne paroît pas telle, non pas parce que les fens nous la réprefentent plus grande, mais parce que magination la fuppofe plus grande. Régis s'éleva contre cette opinion; on nomma des Arbitres, & Mallebranche fut condamné. Il obtint peu de tems après une place d'Honoraire dans l'Académie des Sciences. Pour mériter ce titre, il voulut travailler fur la Phyfique, & fe flatta d'expliquer la dureté des corps, leurs refforts, leur péfanteur, la génération du feu, la caufe des couleurs, & mille autres phé

noménes

noménes; mais tout ce brillant édifice ne portoit que fur les tourbillons, c'est-àdire, fur des chimères.

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Il reçut alors des nouvelles bien flatteufes de la Chine; fa réputation avoit, volé dans ce vafte Empire, & l'on y demandoit quelques inftructions de fa part; c'est ce qui valut au Public l'Entretien d'un Philofophe Chrétien & d'un Philofophe Chinois fur la Nature de Dieu. Enfin l'Action de Dieu fur les Créatures, ouvrage de Mr. Bourfier, qui parut en 1715, ayant mis aux mains les Sçavans & les Théologiens, le P. Mallebranche, malgré fon grand âge, s'éleva contre la Prémotion Phyfique, & acheva d'épuiser fes forces dans cette importante difpute. Il mourut le 13 Octo

bre de la même année.

Mr. de Fontenelle rapporte dans fon Eloge que des Princes Allemands font venus exprès pour le voir; & un Officier Anglois fe confoloit d'avoir été fait Prifonnier, parce qu'il auroit le plaifir de voir Louis XIV. & Mallebranche.

Nous convenons volontiers qu'il méritoit fa réputation. Il avoit un génie éle vé, beaucoup de connoiffances, un ftyle agréable & intéreffant dans les matiéres les plus abftraites: Son imagination brille Tom. III. Part. I.

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par-tout, dans fes principes de Métaphifique comme dans fa diction, quoiqu'il ait affecté de s'élever beaucoup contre elle; ce qui a fait dire qu'elle travailloit pour un ingrat. Le fond de tous fes Ouvrages revient à fon fameux fyftême des idées dont voici le précis.

Nous voyons tout en Dieu. Il renferme en lui même toutes les perfections, & les effences des Créatures. C'eft fur ce modéle qu'il produit tous les êtres extérieurs; il a donc une étendue intelligible; c'est cette étendue qu'il présente fans ceffe à notre ame, afin qu'elle y voie les images de tous les Corps. Si nous appercevons un Triangle, ce n'eft pas un Triangle matériél, mais c'eft un Triangle intelligible qui eft en Dieu. Pourquoi le P. Mallebranche a-t'il imaginé une Hypothese auffi finguliere ? C'eft parcequ'il ne pouvoit pas concevoir qu'une fubftance fpirituelle & finie, telle que l'ame humaine, put appercevoir des objets matériels, avec lefquels elle n'a ucune analogie. Mais ne pourroit-on as conclure de là que rien ne nous afureroit de l'exiftence des corps, pareque Dieu pourroit, fans eux, exciter en nous les mêmes fenfations; notre Phi

lofophe en convient, & femble avancer que la raifon feule ne peut prouver l'existence de la matiére, & que nous n'avons que la Foi pour nous décider. On fent combien ce fyftême est frivole & dangereux; nous n'y infifterons pas d'a vantage,il eft affez connu. Nous remarquerons feulement que le P. Mallebranche se laiffoit quelquefois pouffer à bout fur fes principes, fans qu'il put fe réfoudre à réculer. N'a-t'il pas défié Mr. Arnaud, (& ceci eft très-curieux,)de démontrer qu'il n'a point fait quelque péché, il y a dix ou vingt mille ans, en punition duquel il a ces penfées facheufes par lesquelles Dieu le punit, & le veut faire mériter fa récompenfe, en combattant contre les mouvemens de la concupifcence.

Le reste au Journal prochain.

Hiftoire du Bas Empire, en commençant à Conftantin le Grand : par Mr. Le Beau, Sécrétaire de l' Academie des Infcriptions & Belles-Lettres. Tom. Ille. à Paris chez Deffaint & Saillant 1759.

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Et Ouvrage intéreffant mérite toujours fes fuccès. Nous avons rendu compte des deux prémiers Volumes dans leur nouveauté; ceux dont nous allons parler,& qui viennent de paroître,ne font pas moins dignes de l'attention du Public.Nous commencerons par le troifiéme qui concerne principalement les Empereurs Julien & Jovien.

Julien qui fut tout à la fois Héros, Philofophe, Efprit-fort, Enthousiaste, fuperftitieux, ami & perfécuteur de l'humanité, fobre, chafte, vertueux, Conquerant illuftre, a étonné son fiécle. Nous admirons encore le grand Prince, en déteftant le déferteur du Chriftianifme. Plus jaloux de fes lumiéres que du titre d'Empereur & du fafte de la répréfentation, il oublia fouvent ce qu'il fe devoit à lui même & à fa dignité. Envi

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