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une place parmi les Seigneurs, Commit faires du Commerce & des Plantations. A fe diftingua tellement dans cet emploi qu'il devint bientôt l'ame de toutes les délibérations. Sa fanté, l'amour du repos, fa paffion pour l'étude, l'ayant obli gé d'y renoncer, il donna une preuve bien éclatante du défintéressement le plus noble & la plus généreux. Il pouvoit faire tomber ce pofte à quelqu'un qui lui auroit acheté bien cher cette préférence, & il n'étoit pas riche: il ne balança pas néanmoins un moment à le remettre au Roi, en difant que l'avant reçu de lui gratuitement, il étoit jufte qu'il le lui re mit de même.

Nôtre Philofophe alla fe confmer Oares, à dix lieues de Londres, chez Mr. de Masham, où l'on eut tant de foin de lui, que fa fanté fe remit en peu de tems. Il y paffa le refte de fa vie, partageant fon tems entre les douceurs de l'amitié, les Lettres & la Philofophie. Il mourut le 8 Nov. 1704, âgé de 73 ans.

*Nos Lecteurs verront peut-être avec plai fr fon épitaphe qu'il avoit faite lai même. Sifle Viator. Hic fitus eft Joannes Locke. Si qualis fuerit rogas, mediocritate fuá contentum

Locke a fait plufieurs Ouvrages plus ou moins célébres. Voici les principaux: un Traité du Gouvernement Civil: trois Lettres fur la Tolerance : Quelques écrits fur la Monnoye & fur le Commerce : un difcours intitulé le Chriftianifme raifonna ble. Nous remarquerons à l'occafion de ce dernier Ouvrage, qui attira bien des perfécutions à l'Auteur, que Mr. Molineux fon ami, ayant démandé à un Sçavant Prélat ce qu'il en penfoit : je le le trouve fort bon, repondit il; mais fi L'on fçavoit que je pense de cette maniére, on m'arracheroit ma robe, Les autres pro❤ ductions de notre Philofophe font les penfees fur l'éducation des enfans, & fur tout fon fameux Effay fur l'Entendement humain, Cet ouvrage fubfiftera tant que les hommes ne fe laifferont pas duper

fe vixiffe refpondet. Litteris eoufque tantum profecit, ut veritati unicè litaret; hoc ex Scriptis illius difce, quae quod de eo reliquum eft, ma jori fide tibi exhibebunt quam Epitaphii fuf pecta Elogia. Virtutes fi quas habuit, minores Janè quam quas fibi laudi, tibi in exemplum: proponeret: vitia und fepeliantur. Morum exemplar fi quæras, in Evangelio habes; vitiorum urinam nufquam; mortalitatis certè ( quod. profit) hie & ubique

par des Hypothéfes, & qu'ils fe borne sont à fuivre les opérations de leur ef prit, fans fe laiffer féduire par cette Métaphyfique frivole qui ne porte que fur l'illufion. Nous nous arrêterons un moment fur l'objet principal de ce Traité.

Les idées viennent elles des fens ? Les Anciens te croyoient, Gaffendi le prouvoit, & Decartes le nioit, afin d'établir des ées innées que Locke a ruinées fans reffource, 19. Barcequ'el les font inintelligibles ; car il n'eft pertonne qui fe foit jamais répréfenté nettement ces caractéres imprimés dans notre ame, au moment de fa création: 2°. Elles font inutiles, parceque le jeu des fens fuffit pour produire nos pensées. 20. Elles font chimériques, & n'ont aucune forte d'exiftance ; ce que l'on démon e par l'éxemple des enfans, & de quelques imbecilles qui ne connurent jamais aucune vé-rité innée. Nous foufcrivons aux principes du Philofophe fur les idées, & stous croyons avec lui qu'elles tirent leur origine des fens ; mais avouons auffis que tous les argumens qu'ila oppofés aux idées innées, ne font pas de la même: force, & qu'il équivoque un peu trop fur le terme d'Innées, comme il feroigt

très-aifé de le faire voir. Nous fommes étonnés que Mr. Savérien ne parle pas de l'opinion de ce Métaphyficien fur la matiére, qu'il affure ne pas connoître affez pour ofer affirmer ofer affirmer que Dieu ne puiffe pas lui communiquer l'intelligence. Ce doute a produit un grand fcandale dans la Litterature; mais fans vouloir rappeller cette controverse célébre, qu'ilnous foit feulement permis de dire que l'intention de Locke a toujours été pure; & qu'il eft mort intimement perfuadé de P'Immortalité de l'Ame.

Spinofa qui vient après dans la claffe des Métaphyficiens, ne penfoit pas auffi fainement. Il étoit né en 1632 à Amfterdam de Parens Juifs Portugais. Ses prémiéres études furent celles de l'Hébreu,. après quoi il fe mit à lire l'Ecriture Sain te & le Thalmud; mais il abufa de fes connoiffances; il ne faifoit jamais un pass dans la carrière des Sciences qui ne l'ap prochat de l'Irréligion. Il eut un jourl'imprudence de confier fes doutes à deux. faux Amis qui l'accuférent dans la Syna gogue, & en consequence il fut anathé matifé, fans qu'il ait jamais voulu con→ fentir à une rétractation publique. Cepen dant pour fe fouftraire à la perfécution,,

il fe retira chez les Chrétiens, fans re noncer pour cela à la Foi de fes Pères. I travailla enfuite à mériter des protec teurs, en fe rendant célébre par fes talens & fon génie : la réputation qu'il s'acquit en peu de tems fit fentir aux Juifs la perte qu'ils avoient faite; ils lui offrirent mille florins s'il vouloit, non pas ren trer dans leur Réligion; (comme le dit par inadvertance Mr Savérien, puifque comme on va le voir, il ne l'avoit pas encore abandonnée) mais revenir avec eux. Le refus de Spinofa les rendit fu rieux, & un Zélateur lui donna un coup de couteau dans le tems qu'il fortoit de la Synagogue; il ne fut néanmoins que légérement bleffé. Il abjura alors le Judaisme, & fe fit chrétien. Cette démarche le rendit odieux à fes parens, de forte qu'il fut obligé pour fubfifter, de travailler à polir des verres pour les inftrumens d'Optique.

Cependant les Juifs ne respiroient que la vengeance; ils fe propofèren de le perdre, & ils réuffirent en partie. Il fut déféré aux Magiftrats comme un impie & un athée ; Faccufation fut reçue, & le malheureux Philofophe qui ne penfoit qu'à polir des yerres, fut chaffé de la ville comme un

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