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tobre de nôtre fiécle, malgré les prétextes futiles dont on prétend l'étayer. Qu'il feroit trifte pour l'humanité, qu'on l'adoptat dans l'adminiftration publique !

Enfin l'Auteur termine fes fpéculations par quelques idées fur la vie préfente; il la regarde avec indifference auffi bien que fes fuites; il exige néanmoins qu'on en forte courageufement & avec réfignation. Quò Deus, & quò dura vocat Fortuna, fequamur.

Voilà le précis de cet Ouvrage, qui ← d'ailleurs eft écrit d'un ftyle plein de chaleur & d'énergie. L'Auteur cache la foibleffe de fes paradoxes fous les ornemens de la Poëfie & de l'éloquence; il femble, en un mot, que défefpérant de pouvoir convaincre, il ne fe fuit appli qué qu'à fé duire.

Hifioire des Philofophes Modernes : par
Mr. Savérien, &c.

DEUXIÈME EXTRAIT.

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Ous ne croyons pas devoir nous arrêter fur la vie de N cole & fur fes écrits; fa Logique eft entre les mains de tous le Monde; & d'ailleurs cet Ou

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vrage n'appartient pas directement à la Métaphyfique. Nous penfons de même d'Abbadie; le Traité de l'art de fe con nostre foi même, n'a pas plus de droit de se trouver ici que tout autre ouvrage de Morale. Paffons aux autres Ecrivains qui forment proprement la claffe des Métaphyficiens. Nous commencerons par Locke.

Cet homme célébre vint au monde à Wrington près de Briftol, en 1632. Son: Pére étoit Officier dans l'Armée du Par-lement, pendant les guerres civiles. Il fit fes prémiéres études à Londres, d'où il paffa en qualité d'Aggrégé dans le Collége de Chrift à Oxford. Quoique très-habile dans la fçience de l'Ecole & dans les chimé res du Peripatétisme, il n'avoit cependant: rien appris qui put le fatisfaire. Le hazard fit tomber un jour entre fes mains la Philofaphie de Defcartes; il fut frappé de fa méthode & de fa clarté. Le principe du Doute: méthodique furtout, lui fit efperer qu'il trouveroit la vérité. Il revint fur lui mê me & fur fes prémieres notions, fans en croire d'autre autorité que l'aveu de la raifon. Il fe livra enfuite à l'étude de la: Médecine, &. excella..

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Locke avoit alors trente-deux ans.. II

faivit un Envoyé en qualité de Sécrétaire, mais il revint bientôt dans fa Patrie & s'appliqua à la Phyfique. Ce fut à peu près dans ces circonftances qu'il se lia avec Milord Ashley, fi connu depuis fous le nom du Comte Shaftsbury. Le Duc de Buckingham & Milord Halifax, deux des plus beaux Efprits de la Cour de Char les II, lui accordèrent auffi leur eftime & leur amitié. Le trait fuivant fait voir dans quelle familiarité & quelle intimité il vivoit avec eux Le Philofophe les régardoit un jour jouer aux cartes ; mais comme la partie duroit longtems, il s'im patienta, il tira des Tablettes de fa po che, & le mit à écrire avec beaucoup d'at tention. Comme on lui demanda ce qu'il faifoit: Milords, dit-il, je tache de profi ser autant que je puis en vôtre compagnie; car ayant attendu avec impatience l'hon. neur d'être préfent à une affemblée des plus fages & des plus fpirituels hommes de no tre tems, & ayant enfin eu ce bonheur Lai cru que je ne pouvois mieux faire que d'écrire votre conversation, & en effi j'ai mis ici ce qui s'eft dit depuis une heure on deux. Ce trait fit tomber les cartes de la main des joueurs, & on paffa le refte dų jour à s'entretenir utilement..

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Locke fit un voyage en France avec le Comte de Northumberland: après la mort de ce Seigneur, il revint dans fa Patrie, où après avoir perfectionné l'éducation du jeune Shatsbury, il résolut: de fe retirer dans une folitude pour fe li vrer entiérement à fes fpéculations. Ce fut là qu'à l'âge de 38 ans, il forma le pro jet de fon Effay fur l'Entendement hu main; mais l'amitié vint l'arracher à fa retraite. Le Comte de Shaftsbury devenu grand Chancelier d'Angleterre, le força: d'accepter un appartement dans fon Hotel, & le gratifia de la charge de Sécré taire de la préfentation des Bénéfices. La difgrace du Comte qui arriva bientôt après, entraîna celle du Philofophe, qui, pour fe mettre en fureté, prit le parti de paffer à Amsterdam, où il reprit fes tra vaux Litteraires.

Guillaume Penn qu'on a regardé comme un Citoyen fage & vertueux, & qui fut cependant le Patriarcke des fanatiques Quakers, étoit ami de Locke. Comme il jouiffoit d'une grande faveur auprès de: Jacques II. qui venoit de fucséder à fon frére, il offrit au Philofophe de lui obtenir fon pardon du nouveau Ron Mais Locke répondit que n'ayant point come

is de crime, il n'avoit pas besoin de pardon. Cette herté deplut, & l'on trou va moyen de l'envelopper dans la conf, piration du Duc de Montmouth, (conf piration dont il n'avoit jamais entendu parler) & fur ce prétexte on le demanda aux Hollandois avec quatre-vingt quatre perfonnes profcrites comme lui. Il fe refugia à Utrecht où il fe tint caché pen dant quelque tems. Cependant l'infortu né Jacques II. ayant été précipité du trô ne, Locke revint en Angleterre. Il pou voit alors atpirer à des emplois confidérables; mais comme il étoit fans ambi-tion, itse contenta d'être l'un des Com miffaires des Appets, charge qui lui don◄ noit 200 liv. fterl. de revenu. Le Minif tére voulut le charger des affaires de la Nation dans quelque Cour d'Allemagne, avec le caractère d'Envoyé, mais il préfera une retraite Philofophique à tout le fafte des dignités. On croit à Londres, plus que par tout ailleurs, que l'intérêt ́ des Peuples peut être confié avec le plus grand fuccès entre les mains d'un fage Litterateur, parce que la même juftelle. d'efprit qui forme le hilofophe, caractérife auffi l'Homme d'Etat. C'eft fur ce principe que l'on força Locke d'accepter

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