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qu'un maire peut agir en la double qualité d'agent du pouvoir exécutif et de représentant de la commune; qu'il peut, en la première, prendre des arrêtés sur les objets confiés à sa vigilance et à son autorité; en la seconde, souscrire des marchés pour assurer un service public et stipuler des clauses pénales en cas d'inexécution des conditions; que les actes du représentant de la commune ne peuvent jamais paralyser le droit de l'agent du pouvoir de prendre des arrêtés, et que les clauses pénales, qu'il a stipulées dans l'intérêt de la commune, ne peuvent pas davantage soustraire à l'application de la loi pénale, dans le cas de contravention, l'entrepreneur, avec lequel le marché a été contracté ; que, dès lors, Fourcassies, entrepreneur de l'éclairage de la ville de Castres, étant poursuivi pour contravention à l'arrêté pris par le maire, il s'agit de savoir si l'objet de cet arrêté était de ceux confiés à la vigilance et à l'autorité de ce fonctionnaire; que l'éclairage des rues, places et voies publiques procure aux habitants l'avantage d'en parcourir sûrement tous les quartiers pendant l'obscurité de la nuit ; qu'il est un des moyens les plus utiles, que la police emploie, pour prévenir les désordres et les crimes et pour veiller à la sûreté publique ; que, par conséquent, il rentre essentiellement parmi les objets, confiés par les lois des 14 décembre 1789, 16-24 août 1790 et 19-22 juillet 1791, à la vigilance et à l'autorité des maires; qu'il est, d'ailleurs, expressément rangé au nombre de ces objets et mis sur le même rang que le nettoiement de la voie publique, par l'art. 3 du titre XI de la loi des 16-24 août 1790, qui porte que les objets confiés à la vigilance et à l'autorité des corps municipaux sont: 1° tout ce qui intéresse la sûreté et la com

modité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques, ce qui comprend le nettoiement, l'illumination, l'enlèvement des encombrements, etc...»; que cette expression illumination désigne, non-seulement l'éclairage des lieux publics tels que les auberges, hôtelleries, et celui des encombrements, mais encore l'éclairage général des rues, places et voies publiques; que c'est en ce sens que cette expression a toujours été entendue, notamment lorsqu'il s'est agi de l'éclairage des villes, donné à l'entreprise; qu'on lit en effet, dans l'art. 1° de l'ordonnance concernant l'illumination de la ville et des faubourgs de Paris, du 15 novembre 1778: «< Enjoignons aux entrepeneurs de l'illumination, leurs commis ou préposés, de veiller, avec le plus grand soin, à ce que les lanternes soient bien nettoyées et le service fait avec toute l'exactitude possible » ; qu'il suit, de là, qu'on doit tenir pour légal et obligatoire l'arrêté du 28 décembre 1865; attendu que la sentence attaquée excipe vainement de ce que l'entrepreneur ne serait pas soumis par son traité aux peines de police, et de ce que l'arrêté, invoqué contre lui, ne s'étendant pas à l'universalité ou à une certaine classe de citoyens, manquerait du caractère essentiel d'un règlement de police; attendu, en premier lieu, que, lorsque la matière, sur laquelle contracte la commune, est par sa nature, matière de police, susceptible d'être régie par des règlements, toute clause spéciale, de la part de l'entrepreneur, de se soumettre au règlement de police, qui pourra intervenir, est inutile, puisque, la loi elle-même ayant imprimé à cette matière le caractère qui lui appartient, ce caractère ne peut être modifié par les conventions particulières des parties; attendu, en second lieu, que, si les arrêtés, pris en matière de police par l'autorité

municipale, doivent nécessairement avoir un intérêt général et public pour objet et ne peuvent statuer exclusivement et uniquement dans l'intérêt privé, il ne s'ensuit pas que ces arrêtés ne puissent, dans un intérêt général et public, contenir des dispositions spéciales soit à un établissement particulier, soit à une entreprise ou une personne déterminée, puisqu'il est des cas où l'intérêt de la salubrité et celui de la sûreté et de la tranquillité dans les rues peuvent ne requérir qu'une mesure individuelle, et que toute disposition, prise en pareille matière par l'autorité compétente, est évidemment obligatoire pour celui qu'elle concerne ; d'où il suit qu'en refusant d'appliquer les peines portées en l'art. 471, § 15, C. pén., à Fourcassies, entrepreneur de l'éclairage de la ville de Castres, prévenu de divers faits de défaut d'éclairage, le jugement attaqué a violé ledit article et l'art. 3, titre XI, de la loi des 16-24 août 1790 ». 3 août 1866 (S. 67. 1. 271; B., no 202).

Si l'entrepreneur n'est pas compris dans le règlement général de police, indiquant les personnes obligées à l'éclairage, et que, ne le faisant pas comme il le doit, il ne manque qu'aux conditions de son marché, se rend-il coupable de contravention?

On a fait ici une nouvelle distinction.

Dans le traité, qu'il a passé avec la commune, ou l'entrepreneur a déclaré se soumettre, en cas de contravention à l'art. 471, ou il n'a pas donné ce consentement. Au premier cas, cet article serait applicable. Au deuxième, il n'y aurait lieu qu'à une action civile en-dommages-intérêts.

Cette distinction a été admise par la Cour de cassation dans l'espèce suivante.

Le commissaire de police d'Evreux avait dressé un procès-verbal, constatant que Pierre Petit, entre

preneur de l'éclairage de cette ville, avait contrevenu aux conditions de son adjudication, en se permettant d'allumer les réverbères de plusieurs rues, après six heures du soir, au lieu de les avoir allumés, comme il le devait, à cinq heures et demie. Petit fut cité devant le tribunal de police. Le ministère public requit contre lui l'application de l'art. 471. L'inculpé répondit qu'il n'avait contrevenu qu'à son cahier des charges, et que, par suite, il n'était soumis qu'à une action civile en dommagesintérêts. Le tribunal le condamna à l'amende. Sur son pourvoi, la décision fut annulée, « attendu qu'il faut distinguer, dans les actes faits par l'administration municipale, ceux qu'elle fait, comme agent du pouvoir et dans l'exercice de l'autorité, qui lui est déléguée, et ceux où elle stipule, comme partie contractante, dans l'intérêt de la généralité des habitants; que, dans les premiers, elle prescrit, elle ordonne, et qu'elle soumet, par suite, les contrevenants aux peines, prononcées par la loi, dans les matières, dont le soin et la surveillance lui sont confiés ; qu'à l'égard des contrats où elle intervient comme partie seulement, et agissant toutefois dans l'intérêt de la commune, elle ne peut, ainsi que les particuliers, invoquer que les règles ordinaires des contrats et l'application des peines qui y sont stipulées, ces peines se résolvant toujours en dommagesintérêts ou en condamnations pécuniaires; qu'il convient de ranger dans cette dernière classe les actes d'adjudication des divers services publics, faits par les maires, lorsque les adjudicataires ne se sont pas soumis, dans ces actes, par une clause expresse, aux peines de police déterminées par les lois; que, lorsque cette clause est renfermée dans le contrat, qu'elle a été stipulée par le maire et acceptée par

l'entrepreneur, le maire, d'une part, a joint à l'autorité des conventions, et pour leur donner une nouvelle force, l'exercice de la puissance publique et le concours des lois répressives; que, d'un autre côté, l'entrepreneur s'est alors subrogé à l'obligation des habitants et s'est soumis aux peines, qu'ils auraient eux-mêmes encourues en négligeant d'exécuter les lois ou règlements de police; mais qu'en l'absence d'une pareille stipulation on ne peut voir, dans l'acte d'adjudication, qu'un contrat, régi par les lois propres aux contrats et capable seulement de produire des obligations civiles; attendu, dans le fait, que, dans l'acte d'adjudication de l'éclairage de la ville d'Evreux, l'adjudicataire ne s'est pas soumis, en cas d'inexécution, aux peines de police portées par les lois; qu'il résulte, au contraire, de l'ensemble de cet acte, que toutes les stipulations sont relatives à des intérêts purement civils; que les cas prévus de l'infraction de ces stipulations doivent uniquement donner lieu à des peines civiles, à des retranchements proportionnels sur le prix de l'adjudication; d'où il suit que le tribunal de police était incompétent pour connaître de l'action, intentée devant lui contre l'adjudicataire, et qu'il a mal à propos reconnu les caractères d'une contravention de police dans les faits, reprochés à cet adjudicataire; en quoi il a violé les règles de sa compétence et l'art. 159, C. d'instr. crim. ». 26 juillet 1827 (B., no 196).

La distinction admise par cet arrêt est-elle conforme aux principes?

Il est permis d'en douter.

La question doit recevoir, ce me semble, la même solution, soit que l'entrepreneur ait déclaré se soumettre, en cas de contravention, aux pénalités du

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