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fet de la Haute-Savoie avait organisé, dans la commune de Chamounix, une compagnie de guides, destinée à diriger les voyageurs sur le Mont-Blanc. Les nommés Folliguet, Bozon et Pacard furent poursuivis pour infraction à cet arrêté ; ils furent absous. Le pourvoi, formé contre la décision, fut rejeté; mais la Cour, s'expliquant sur la force obligatoire de l'arrêté, déclara « que, si, aux termes de l'art. 9 de la loi du 18 juillet 1837, le maire, comme agent du Gouvernement, est chargé, sous l'autorité de l'administration supérieure, de l'exécution des mesures de sûreté générale, il faut nécessairement admettre que l'autorité supérieure, représentée par le préfet, a le droit de faire des règlements à l'effet d'ordonner des mesures de cette nature; que, dans le cas de l'art. 11, le maire, agissant en qualité de représentant de la commune, sous la surveillance de l'administration supérieure, peut prendre des mesures locales sur les objets, confiés à sa vigilance et à son autorité, mais que ses règlements ne sont exécutoires que dans les limites de sa commune ; qu'il est sans droit pour en étendre les effets au delà dans le cas où il serait nécessaire de prendre des mesures d'ensemble; d'où il suit que les préfets sont compétents pour pourvoir, dans l'étendue de leurs départements, aux mesures de sûreté générale et que leurs arrêtés régissent les diverses communes de leur territoire considérées collectivement; que, par l'arrêté du 8 mars 1862, le préfet de la HauteSavoie a organisé, dans la commune de Chamounix, une compagnie de guides, destinée à diriger les voyageurs et les touristes sur le Mont-Blanc, dans la vallée et dans les régions circonvoisines, et que, par l'art. 54, il déclare cet arrêté applicable aux guides de Saint-Gervais, Sallanches, les Houches,

Servoz, Sixt et autres communes du département, qui auraient à en invoquer le bénéfice; que cette mesure a pour objet de prémunir les personnes qui fréquentent, en grand nombre, la montagne, contre les dangers qu'y présentent les excursions; que ces dangers ne sont pas purement locaux et particuliers à la commune de Chamounix ; qu'ils existent dans la plupart des communes du département; que, pour les prévenir, il faut des mesures d'ensemble, auxquelles les maires des différentes communes ne peuvent pourvoir; qu'il y a là une question d'intérêt général, et que ce n'est pas le cas de prétendre qu'il s'agit d'un intérêt purement local que le maire seul, dans chaque commune, aurait dû réglementer; que, dans de telles circonstances, la mesure, ordonnée par le préfet, est une mesure de sûreté générale ; que, par suite, l'arrêté qui l'a prescrite, est légal et obligatoire ». 28 décembre 1866 (B., no 276).

Si l'on résume la doctrine de ces différents arrêts, on reconnaît que deux conditions sont exigées pour la validité des arrêtés pris par les préfets sur les matières confiées aux corps municipaux; l'une, c'est que l'arrêté concerne une mesure de sûreté générale; l'autre, c'est que l'arrêté s'étende à toutes les communes du département. J'admets volontiers la première de ces conditions, mais sous la réserve que la sûreté générale ne s'arrêtera pas aux mesures de sûreté, proprement dites, et qu'elle s'étendra à toutes les mesures intéressant la police générale. J'admets également la seconde, mais sous la réserve que, s'il existe dans une commune une cause de désordre physique ou moral, qui puisse gagner tout le département, le préfet aura le droit, dans ce cas exceptionnel, d'imposer un arrêté de police à cette commune, pour étouffer le mal dans son principe

et l'empêcher de se propager. Sous ces réserves j'adopte la jurisprudence, et je la crois conforme à l'esprit et à la lettre de la loi du 18 juillet 1837 (1). 229. Les maires tiennent leur pouvoir réglementaire :

1° De la loi des 16-24 août 1790 (titre XI, art. 3 et 4). Les objets confiés, par cette loi, à leur vigigilance sont : 1° tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques; ce qui comprend le nettoiement, l'illumination, l'enlèvement des encombrements, la démolition ou la réparation des bâtiments menaçant ruine, l'interdiction de rien exposer aux fenêtres ou autres parties des bâtiments qui puisse nuire par sa chute, et celle de rien jeter, qui puisse blesser ou endommager les passants ou causer des exhalaisons nuisibles; - 2o le soin de réprimer et punir les délits contre la tranquillité publique, tels que les rixes et disputes, accompagnées d'ameutements dans les rues, le tumulte excité dans les lieux d'assemblée publique, les bruits et attroupements nocturnes, qui troublent le repos des citoyens; -3° le maintien du bon ordre dans les endroits où il se fait de grands rassemblements d'hommes, tels que

(1) L'art. 99 de la loi du 5 avril 1884, dont le texte a été reproduit plus haut, p. 317, à la note, a consacré une théorie plus absolue. Il reconnaît aux préfets le droit de prendre pour toutes les communes du département ou plusieurs d'entre elles, lorsqu'il n'y aurait pas été pourvu par les autorités municipales, toutes les mesures relatives au maintien de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité publique, et d'exercer le même droit à l'égard d'une seule commune, sous l'unique condition d'une mise en demeure au maire restée sans résultat.

Mais il n'appartient pas aux préfets de modifier les arrêtés pris par les maires ou d'y déroger, 29 avril 1876 (B., no 113). Ils peuvent seulement les annuler ou en suspendre l'exécution (L. 5 avril 1884, art. 95).

les foires, marchés, réjouissances et cérémonies publiques, spectacles, jeux, cafés, églises et autres lieux publics; 4° l'inspection sur la fidélité du débit des denrées, qui se vendent au poids, à l'aune ou à la mesure, et sur la salubrité des comestibles, exposés en vente publique ; -5° le soin de prévenir, par les précautions convenables, et celui de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et fléaux calamiteux, tels que les incendies, les épidémies, les épizooties, en provoquant aussi, dans ces deux derniers cas, l'autorité des administrations de département et de district; - 6o le soin d'obvierou de remédier aux événements fâcheux, qui pourraient être occasionnés par les insensés ou les furieux, laissés en liberté, et par la divagation des animaux malfaisants ou féroces; 7° le soin de permettre et d'autoriser les spectacles publics;

2o De la loi du 18 juillet 1837, qui les charge, dans son art. 10, de pourvoir aux nécessités de la police municipale, de la police rurale et de la voirie municipale, et dans son art. 11, qui a remplacé l'art. 46 (titre 1er) de la loi des 19-22 juillet 1791, de prendre des arrêtés, à l'effet d'ordonner des mesures locales sur les objets confiés à leur vigilance et à leur autorité, et de publier, de nouveau, les règlements de police, et rappeler les citoyens à leur observation (1);

3o De quelques dispositions spéciales, notamment du décret du 23 prairial an xu, relatifs aux sépultures, et des lois des 22 janvier 1790, 8 juillet 1791, 23 mai 1792, 18 janvier 1793, 7 août 1810, 15 mai 1818, concernant les logements militaires.

(1) Dispositions remplacées par celles des art. 89, 5, 90 et 94 de la loi du 5 avril 1884, conçues en termes à peu près identiques.

Je ne chercherai pas à rappeler tous les règlements municipaux, dont la Cour de cassation a eu l'occasion d'affirmer ou de nier la légalité; ce serait un travail qui m'entraînerait beaucoup trop loin et qui n'aurait pas une très-grande utilité car, ne comprenant que les règlements discutés devant cette Cour, il serait loin d'indiquer tous ceux que les maires peuvent légalement faire. Je me bornerai à donner des exemples, relatifs à chacun des objets confiés à la vigilance de ces fonctionnaires. En y recourant, on reconnaîtra, par la voie d'analogie, si les arrêtés dont la validité serait contestée sont ou ne sont pas obligatoires.

230. Comme chargés de pourvoir à tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques, les maires ont qualité pour prendre les différents arrêtés que j'ai indiqués sous le n° 5 de l'article 471 (1).

Ils peuvent en outre :

Prescrire aux habitants de nettoyer le pavé des rues devant leurs maisons. 22 avril 1813 (B., no 81) ; 28 août 1818 (S., coll. nouv., 5. 1. 531; B., n° 118); 6 septembre 1822 (S., coll. nouv., 7. 1. 136; B., no 123); 2 août 1850 (B., n°245) (2) ;

(1) Leur pouvoir réglementaire s'étend à toutes les voies publiques, même à celles qui font partie de la grande voirie, et par conséquent aux rues qui sont le prolongement des routes nationales, 8 janvier 1885 (B., no 17).

(2) Prescrire aux habitants de la commune de placer des chénaux et des tuyaux de descente aux toitures des maisons en façade sur la rue, et de ne pas dépasser, pour les avant-toits, la largeur qu'elle détermine, 8 janvier 1885 précité.

Mais si l'autorité municipale a le droit de faire tous règlements intéressant la sûreté et la salubrité publique, il ne rentre pas dans ses attributions de prescrire des mesures relatives à la régularité et à l'ornementation des constructions élevées en façade sur la voie publique, 13 juillet 1878 (B., no 154).

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