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bons citoyens, lors du siège apparent concerté entre l'ennemi et les traitres renfermés dans la ville, que l'ennemi n'était pas en force pour attaquer une place aussi fortifiée que Verdun, qui d'ailleurs était pourvue de toute l'artillerie nécessaire pour la défendre; que la canonnade des assiégeants n'avait fait que très peu de progrès; que les assiégés étaient en état de soutenir un siège, et qu'il était de notoriété publique que la ville était vendue à l'ennemi avant qu'il feignit de commencer le bombardement.

Péligrin, capitaine de gendarmerie, Joulin, Leclerc, Després et Milly, ses subordonnés, n'étaient pas moins convaincus d'avoir concouru à la trahison, tant par leur conduite antérieure que postérieure à la reddition de la ville.

Lorsque les Prussiens étaient sous les murs de Verdun, les gendarmes étaient les émissaires des traitres; ils rendaient furtivement les dépéches de ces derniers aux assiégeants et leur faisaient part de toutes les délibérations; d'intelligence avec leurs officiers supérieurs, ils affectaient de grossir les forces des ennemis, de publier que la place n'était pas tenable, et qu'il était de l'intérêt de ses habitants de se rendre plus tôt que plus tard, et ce, sous le spécieux prétexte d'obtenir des conditions plus avantageuses.

Lorsque les intelligences des traîtres ont prévalu, lorsque Verdun est rendu aux Prussiens, et que ces derniers en sont les maitres pour quelques instants, on voit ces mêmes gendarmes continuer leur service et même le doubler en faveur des ennemis de leur patrie; ils font plus, ils indiquent aux Prussiens le peu de patriotes qui leur sont connus et les livrent à leur rage.

C'est bien en vain que ces gendarmes ont cherché à persuader au tribunal que la violence seule avait nécessité leurs services pour l'ennemi, il était prouvé qu'ils étaient tous dévoués aux Prussiens, et qu'ils n'avaient pas attendu la reddition de la ville pour servir les assiégeants.

Les intrigues des prètres, tels que Collot, Lefèvre, la Corbière, Herbillon n'étaient pas restées sans activité à cette époque inquiétante pour la liberté; leur réintégration dans leurs prétendues fonctions sacerdotales et leur ci-devant chapitre, leur joie publiquement manifestée, leurs injures atroces aux patriotes, lors de l'occupation de l'ennemi et avant; tout les a désignés comme de vils mercenaires, toujours disposés à sacrifier l'intérêt général à

l'intérêt particulier tant soit peu lézé; comme de laches conspirateurs ne connaissant de patrie que celle qui les gorge de biens et de richesses.

Les femmes Tabouillot, Bestel, La Lance, Masson, Claire Tabouillot, les filles Henry, la Girousière, les filles Watrin et femme Croutte ne se sont pas moins montrées les ennemies de la chose publique. Elles ont affiché une joie meurtrière lors de l'entrée des Prussiens à Verdun; sans aucun égard pour leur patrie dont on déchirait le sein, elles ont eu l'impudence d'aller complimenter le tyran qui vient donner des lois à icur pays, de lui offrir des présents et de le féliciter de ses prétendus exploits belliqueux. Enfin, de tous les accusés, il n'en existait pas un seul qui n'eût émis son vote pour la tyrannie.

Parmi cette multitude de femmes, composées de mères avancées en âge et de leurs enfants, on remarquait de jeunes adolescentes; cet age qu'ordinairement la candeur et l'ingénuité caractérisent, faisait attendre de la franchise de ces jeunes personnes : il s'agissait d'éclairer un fait particulier à ce sexe faible par essence, et par cette raison, plus capable d'être induit en erreur que l'homme.

Une espèce de char avait été préparé, orné, pour aller prodiguer au tyran de fades et criminelles adulations; et toutes ces accusées, bien différentes des généreuses Romaines donnant à leurs maris l'exemple du plus entier dévouement, étaient montées dans ce char, s'étaient rendues au camp ennemi pour complimenter le Roi de Prusse, et lui présenter les fruits sucrés du pays, c'est-à-dire des dragées.

Au milieu de cette foule de coupables, le tribunal voulant accorder la justice avec l'humanité, devait trouver des innocents; il entrait dans ses vues de ne frapper que les principaux auteurs de la trahison, les premiers fauteurs et adorateurs de la tyrannie: et de ce nombre étaient sans doute ces femmes indignes du nom français qui avaient fait préparer le char dont il s'agit, et donné à leurs compagnes l'idée révoltante d'aller encenser un despote et de fléchir bassement les genoux devant lui.

Le tribunal s'est donc principalement attaché, avant de clòre les débats, à découvrir quelles étaient celles des accusées qui, conduites par un génie malfaisant, succombant à une impulsion funeste, avaient entrainé leurs camarades vers l'assassin de la

liberté, le destructeur de la patrie; il a cherché à savoir qui avait ordonné les préparatifs d'un char, qui avait proposé d'aller flagorner le tyran prussien, et s'était plu à multiplier, en quelque sorte, ses crimes, en les faisant partager à de jeunes filles, naturellement timides, et ne connaissant d'autres volontés que celles de leurs parents ou de ceux aux soins desquels elles étaient confiées.

Malheureusement, pour le triomphe de l'innocence, ces jeunes personnes, soit par une opiniâtreté mal entendue, soit par attachement pour leurs mères ou leurs co-accusées, n'ont point. secondé les vues humaines du tribunal qui s'efforçait de les soustraire au glaive de la loi; elles n'ont fait que des réponses insignifiantes, tout à la fois contraires à la vérité et à la vraisemblance; comment croire, comme ont voulu le persuader les jeunes accusées, qu'elles avaient entendu parler d'une partie faite par un grand nombre de citoyennes d'aller au camp ennemi, qu'elles s'étaient mises, comme les autres, en devoir de s'y rendre, et avaient rencontré en chemin un char dans lequel elles étaient montées, sans savoir à qui il appartenait, et sans y avoir été précédemment sollicitées par qui que ce soit?

Les débats ont donc été fermés.

L'accusateur public a pris la parole, et voici comme il a fait le resumé de cette affaire :

« Il faut, a-t-il dit, diviser les accusés en trois classes diffé

rentes.

« Dans la première, vous voyez des militaires qui, abusant de leur expérience et de leur connaissance de l'art militaire, au lieu de les employer à la défense de leur patrie, n'en font usage que pour jeter l'alarme dans l'esprit de leurs concitoyens, et leur faire croire que l'ennemi est supérieur en forces; que la défense n'est pas praticable, et que c'est une nécessité absolue et pressante de se rendre.

<< Dans la deuxième, vous voyez des prétres fanatiques qui, sous prétexte des grands intérêts du ciel, seion eux compromis, crient partout à l'anathème, lorsqu'il n'est question que des riches propriétés dont ils ont été dépouillés, comme en faisant l'abus le plus scandaleux; et, pour s'y faire réintégrer, ils appellent, ils provo

quent contre la République tous les efforts des oppresseurs cou

ronnés.

« Enfin, dans la troisième classe, vous voyez un sexe faible parmi lequel se trouvent des femmes que l'âge a mûries, et d'autres qui sont encore dans toute l'ingénuité de la nature et qui devraient en avoir toute la véracité.

« Les accusés de Neyon, Péligrin, Grimoard, de Croyé et autres ont abusé de leurs fonctions pour livrer la ville de Verdun à l'ennemi. Les autres ont usurpé une autorité dont ils avaient été dépouillés; et de ce nombre est d'Aubermesnil, qui s'est perpétué dans la Citadelle, quoique destitué du grade de major de cette place; cet homme regrettait sans cesse sa croix et sa croix et tous les ci-devant privilèges de la féodalité.

« Périn, droguiste, est convaincu, par ses propres aveux, d'avoir parcouru la ville de Verdun, pour forcer les citoyens à se rendre à la commune, à l'effet de voter la capitulation. Les gendarmes qui avaient coopéré à la reddition de Verdun devaient, par une suite nécessaire de leurs perfidies, continuer leurs services à l'ennemi, et c'est ce qu'ils ont fidèlement exécuté; vous les avez entendus avouer avoir reçu différents paquets, prétendu n'en avoir remis qu'une partie, et avoir conservé les autres; mais ces accusés, ne se fussent-ils chargés que d'un seul paquet pour l'ennemi, ne lui en eussent-ils remis qu'un seul, en seraient-ils moins coupables? Non, sans doute; ces accusés n'ont pas tardé à sentir les conséquences accablantes de ces aveux: ils ont voulu excuser leurs différents messages pour les Prussiens, en soutenant qu'ils y avaient été forcés, mais, outre que ces actes de contrainte sont fort douteux, c'est que des Républicains qui ont juré de défendre leur liberté jusqu'à la mort ne doivent être déterminés par aucun genre de violence à faire des actes qui puissent contrarier cette liberté.

<< Mais veut-on juger s'ils ont été contraints à faire les messages qui leur ont été reprochés, ou s'ils ont rempli ces différentes missions de gaîté de cœur et de leur propre mouvement, il faut examiner la manière dont ils se comportent, tant que les Prussiens demeurent sur le territoire français; combien ils se montrent jaloux de faire observer les conditions de la capitulation.

« La gendarmerie, comme corps d'élite, faisait bien certaine

ment partie de la garnison qui devait, aux termes de la capitulation, sortir avec tous les honneurs de la guerre.

«Eh bien la garnison est désarmée, et aucune des conditions stipulées dans la capitulation n'en est observée.

« Ces gendarmes accompagnent l'ennemi dans de différentes expéditions toutes nuisibles à la République ; ils osent pousser les cris infâmes de Vive le Roi, et se joindre à des émigrés forcenés, qui, désespérés de ne pouvoir détruire le règne de la liberté, reconnaissant leur impuissance contre des êtres animés, contre de fiers républicains, veulent au moins vomir toute leur rage, assouvir leur vengeance sur des êtres inanimés : ils allument donc des feux, y plongent les décrets de la République; proclament un enfant, c'est-à-dire le fils du tyran, pour leur Roi; et ce sont encore des gendarmes, des hommes qui se disent Républicains, qui partagent ces horreurs et ces infamies.

<<< Si nous considérons la conduite des prêtres, nous ne voyons pas qu'ils aient attaqué la liberté à force ouverte, mais au moins nous connaissons toutes leurs intrigues, toutes leurs menées, leurs efforts pour ressusciter leur charlatanisme, pour se réintégrer dans leur ci-devant chapitre; ils vont au devant de leur évêque émigré, dévôt conspirateur, être méprisable sous tous les rapports, de l'aveu mêne des bas courtisans qui vont lui jurer fidélité. << Lamèle et Barthe sont adjoints aux fonctions municipales, comme les affidés du despote.

« Vous souillerai-je les oreilles, Citoyens Jurés, des flagorneries adressées au Roi de Prusse lors de son entrée dans Verdun, par les lâches habitants de cette ville? Il faut vous en donner une idée pour vous faire juger du patriotisme des accusés et vous faire connaître ceux d'entr'eux qui peuvent être les auteurs de cette pièce révoltante.

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Lorsque nos principales villes subissent vos lois, disent les << habitants de Verdun, lorsque tous les bons français s'em

« pressent de se ranger autour du trône dont vous vous déclarez

«

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l'appui, c'est une loi pour nous de venir nous ranger sous vos drapeaux, de manifester nos vœux au grand Roi qui vient nous << rendre la liberté, en rétablissant l'ordre et la tranquillité, le << règne des lois religieuses et politiques, et en rendant aux nobles « leur première splendeur, et toute la prépondérance qui leur est

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