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Délibération des corps administratifs et judiciaires.

Les corps administratifs de la ville de Verdun, considérant que la loi du 26 juillet 1792 relative aux places fortes et aux moyens de les conserver, ne peut être mise à exécution par la manière dont l'armée combinée attaque cette place; qu'en effet il ne peut être question ni de brèches ni d'assauts, que l'attaque porte sur les maisons et les propriétés des citoyens, que la garnison militaire ne pouvant pas les défendre et se trouvant dépourvue de tous les moyens pour les conserver, l'exécution de cette loi devient impossible;

Considérant en outre que la ville se trouve ouverte en plusieurs de ses parties qui peuvent et doivent être réputées comme de véritables brèches; que le bombardement qui a eu lieu 12 heures cette nuit et auque! la garnison ni aucune force humaine ne pouvaient parer est un véritable assaut ;

Considérant, en troisième lieu, que l'Assemblée nationale, même l'Assemblée constituante n'a pu ignorer le véritable état de cette place, non plus que le dénuement absolu de ses ressources et moyens de défense, puisque les corps administratifs n'ont cessé de l'en instruire, et singulièrement encore lors de la prise de Longwy, dont elle a paru douter; que ces mêmes corps ont prévenu à diverses reprises les armées françaises qui l'environnent, de sa position avec les plus fortes instances de renforcer la place;

Considérant enfin que le bombardement qui fut fait cette nuit et qui a réduit en cendres ou considérablement endommagé les maisons de plusieurs habitants, et que tous leurs concitoyens ont émis leur vœu sur la reddition de la place, et vu la défense notoirement impraticable;

Ont l'honneur d'observer au conseil militaire défensif, que pour éviter la ruine et la subversion entière de la place, il leur paraît indispensable d'accepter les conditions offertes à la garnison de la part de M. le duc de Brunswick, au nom de Sa Majesté le roi de Prusse, puisqu'elle conserve à la nation sa garnison et ses armes, et que la ruine de la ville ne serait d'aucune utilité pour la patrie.

Fait à l'assemblée des corps administratifs et judiciaires, réunis à Verdun le 1er septembre 1792.

Signé: LAMBRY CATOIRE; CARE fils, maire; N. PIERARD; HEBERT; COLLARD; DE PÉRONNE; CAUYETTE; CAJOT; THIRION; DEVAUX; E. TRISTANT; HERBIN; SIMON-PIÉROT; VIARD, procureur de la commune; SAUVAGE, Vice-président; HENRY; LESPINE; COLLARD; MARCHAL, procureur syndic; GEORGIA, l'ainé; MONDON, fils, secrétaire.

Bibliothèque de Verdun: ms 210, Verdun-Révolution, tome III. Archives du ministère de la guerre: section historique, carton septembre 1792, armée du centre, pièce n° 7.

Pièce justificative no 6, à la suite du rapport de Cavaignac à la Convention.

Reproduit par M. Dommartin: op. cit., pages 138, 139.

Note de M. Mondon publiée par M. Desclozières dans son opuscule intitulé: Recherche de la vérité sur les causes de la mort du commandant Beaurepaire, défenseur de Verdun en 1792. »

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«On a dit que le cabinet (la chambre occupée par Beaurepaire) « avait une autre entrée sur le balcon de l'hôtel de ville et qu'on « avait aperçu deux individus qui se sauvaient au moment où Beaurepaire avait cessé d'exister. Il est vrai que le cabinet a une <«< issue sur le balcon ou terrasse de l'hôtel de ville, mais la porte « de cette issue se fermait en dedans par deux forts crochets comme << encore aujourd'hui, et rien ne justifie, même moralement, que «< cette porte fût restée ouverte ; d'ailleurs on ne pouvait pénétrer «< sur le balcon que par cette porte et par une autre parallèle dans « l'autre aile du bâtiment, occupée par les bureaux de l'adminis<< tration du district. Or, ni mon père, secrétaire en chef, ni moi, «< son adjoint, n'aurions laissé ouvertes les portes d'entrée des « bureaux, ni du côté du petit escalier, ni du côté du balcon, « après dix heures du soir et dans un moment où tous les travaux « étaient suspendus.

« La garde des papiers nous était confiée; mon père et moi << avions seuls la clef des bureaux et on ne peut donc, sans preu

«< ves, nous attribuer aucune négligence. D'ailleurs j'avais mon << logement attenant au bureau principal et prenant jour sur la rue << avec une issue sur le balcon: il eût fallu que les assassins péné<«trassent dans cette chambre pour passer sur le balcon et dans « celle occupée par M. de Beaurepaire. Elle était soigneusement « fermée. Dira t-on que les assassins sont parvenus sur le balcon << par escalade pratiquée soit de la rue soit de la cour. Je répondrai « que la garde de douze hommes placés, en exécution de l'article 5 « de la délibération du Conseil du 29 août, à la maison commune << et dans le corps de garde qui touche la porte d'entrée intérieure <«<sous le balcon, ne permet pas qu'une tentative d'escalade ait pu « être faite d'aucun côté lorsqu'un officier municipal et plusieurs << hommes de garde se promenaient dans la cour au moment où le « bruit de l'explosion a été entendu, et lorsqu'il y avait une sentinelle à l'extérieur dans la rue. Et si des étrangers eussent tenté

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« d'assassiner Beaurepaire, qu'on ne peut croire si profondément endormi, n'eût-il pas appelé à son secours les militaires qui peu <«< d'instants auparavant l'avaient vu rentrer et auxquels il avait << parlé ? »>< M. Desclozières ajoute: « Après avoir rappelé les constatations, les pistolets déchargés trouvés à côté du cadavre, les trous formés par deux balles placées à 6 pouces environ l'une de l'autre, vestiges qui ont existé pendant plus de 15 ans, et dont on peut encore se rendre compte, même après la réparation du plafond, M. Mondon dit : « Tout repousse l'idée d'un assassinat, tout se réunit, au contraire, pour prouver qu'il y a eu suicide. »

Délibération du Conseil de défense.

Du dimanche 2 septembre, 5 heures du matin.

Le commandement de la place étant vacant, par le décès inopiné de M. Beaurepaire, après avoir vérifié l'ancienneté du service de chacun de Messieurs les lieutenants-colonels, le Conseil a déféré le commandement de la place à Monsieur Neyon, l'un des lieutenants-colonels du second bataillon des volontaires du département de la Meuse commandant les dépôts de plusieurs bataillons de volontaire en garnison dans Verdun. M. de Neyon a accepté.

Le Conseil, considérant que le général des armées combinées de l'Empereur et du Roy de Prusse, ne lui donne que 24 heures pour se décider sur l'alternative de la capitulation la plus honorable ou de la certitude de la destruction totale d'une cité qui lui est chère et de la captivité de la garnison; considérant qu'il est bien plus avantageux à la nation de conserver cette garnison pourvue de ses armes, que de retarder de quelques heures peut-être ou au plus de quelques jours la reddition de la place, a la conviction la plus intime que le parti évidemment le plus avantageux à la patrie est celui qui doit être embrassé et que celui que les circonstances et l'état de la place lui dictent de prendre est conforme sinon à la lettre du moins à l'esprit de la loi du 26 juillet 1792.

Car Il est impossible de parer ni même de combattre en aucune manière le terrible effet des bombes dont la ville vient de faire la funeste expérience, attendu l'extrême supériorité du terrain d'où partent ces mobiles, sur celui de la place qui ne permet pas à l'artillerie de celle-ci d'y atteindre.

2o La place en état de réparation avancée dans la plupart de ses parties, manque de parapets dans quelques endroits, n'a ses chemins couverts palissadés nulle part et ne peut par conséquent en faire usage avec quelque assurance, d'autant que dans quelques endroits ils sont informes et sans traverses ni contre-escarpes.

3o Une portion de vielle enceinte de plus de 200 toises de longueur n'est point terrassée et n'a qu'un parapet de mauvaise maçonnerie, de moins de deux pieds d'épaisseur, sans autre terre-plein qu'un espace ou ruelle de 8 à 10 pieds de largeur formé par des murs de clôture de jardins, dont les éclats inévitables joints à la chute du parapet ne permettraient pas d'y tenir le plus petit nombre de défenseurs, qui auraient d'autant plus besoin d'y être plus nombreux que déjà plusieurs brèches y sont ouvertes.

4o Enfin, cette vieille enceinte ne pourrait manquer d'être mise en brèche par les premiers coups de canons ennemis, et ces brèches deviendraient praticables à l'instant où ce même canon romprait les vannes du moulin qui soutiennent les eaux du fossé de cette enceinte dont rien ne lui dérobe la vue.

5o Le nombre de 32 pièces de canon de tout calibre, déjà bien insuffisant pour la défense d'une place de cette étendue, le devient bien davantage par la vétusté de la plupart des affûts dont déjà 4

vont se trouver hors de service. De douze mortiers des deux calibres, déjà deux se trouvent hors de service par celui qu'ils ont rendu la nuit du 31 au 1er septembre, et toute cette artillerie n'avait par pièce qu'un canonnier expérimenté dont les forces ne pourraient suffire au travail continuel de ce service sans pouvoir y être relevé.

6o L'état de fermentation, on peut dire de désespoir où la vue de l'incendie de leurs maisons jette les citoyens de Verdun, fait entrevoir de la manière la moins équivoque qu'une résistance prolongée allumerait dans ses murs une guerre civile, qu'il serait d'autant plus impossible de soutenir concurremment avec le siège, qu'environ 2,000 hommes venus des districts voisins dans l'intention de préserver la place d'un coup de main, n'ont ni l'intention, étant presque tous pères de famille, ni les moyens étant mal armés et exercés de soutenir les extrémités et de partager avec la garnison les périls d'un siège dont chaque jour pourrait être celui d'un

assaut.

En conséquence, le Conseil défensif pense être dans l'esprit de l'art Ier de la loy du 26 juillet, en opinant à ce que le commandant de la place la rende dans les 24 heures, attendu qu'il est certain qu'il ne se passerait pas 24 heures sans qu'il y ait au corps de la place une plus grande quantité de brèches praticables dans une partie qui n'a ni ne permet aucun retranchement intérieur derrière les brèches et qu'il ne peut balancer à profiter de l'offre qui lui est faite de conserver à la nation une garnison de 3,500 hommes dont les armes lui seront plus utiles que ne pourrait l'être le faible retard de la prise de la place.

Signé: V. GORCY; LOMBARD; BOUSMARD; TROCHEREAU;
POUSSIVET LATACHE; O'BRIEN; L.-F.-G. MIOREL ;
THIÉRY-CARE; BLIARD; GRIVEL; PICHON; VERCLY; THE-
VENON; HUET; E. LEMOINE, commandant en second;
C.-F. MARTIN, le jeune ; RADET, adjudant-général.

Archives communales: I"., pièce no 2, Registre des délibérations du Conseil de défense.

Reproduit par M. Dommartin: op. cit., pages 139, 140, 141.

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