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compagnie ne pourra s'assembler, hors le cas de service commandé, sans une autorisation du colonel ou de son représentant. La compagnie prononcera elle-mème la peine qu'auront méritée ceux qui manqueront aux rassemblements sans excuse valable; mais son jugement ne sera exécutoire que de l'avis du capitaine ou de l'officier, commandant en son absence. Les bas-officiers et soldats ne chargeront leurs armes que sur l'ordre des officiers supérieurs. Les officiers supérieurs passeront l'inspection deux fois par an, aux dates fixées par la municipalité. Défense expresse de jouer à des jeux de hasard, de donner ou recevoir à boire et à manger dans le corps de garde. Dans chaque corps de garde sera scellée une boîte, fermant par une clé dont le commandant du poste sera dépositaire, et contenant des cartouches en proportion du nombre des hommes de garde, pour leur être distribuées au besoin; chaque jour, à la garde montante, vérification de la boîte et des cartouches. (1)

Le 15 février 1790, MM. Georgia, lieutenant général, Collard, le jeune, notaire, Pons, avocat et Houzelle, substitut, députés des citoyens actifs, apportent au corps municipal le consentement des habitants de se constituer en garde nationale, et d'adopter le règlement élaboré le 12 décembre; ils espèrent que la municipalité voudra bien armer et équiper rapidement les soldats citoyens. Les officiers municipaux décident, à l'unanimité, comme mesure provisoire, de rétablir dans l'arsenal les fusils qui en ont été tirés et confiés aux Verdunois dans le cours de l'année. Ces fusils, après avoir été examinés et remis en état, seront distribués aux citoyens actifs qui composent la garde nationale. Le 20 février, la municipalité adresse aux habitants une proclamation annonçant qu'un registre est ouvert à l'hôtel de ville jusqu'au 10 mars, où les citoyens de bonne volonté pourront se faire inscrire en indiquant leurs nom, prénoms, âge, qualité et demeure; ces citoyens seront groupés en compagnie suivant le règlement du 12 décembre (2). Le 25 avril, les compagnies

(1) Ms. 210: Verdun-Révolution, tome lor, registre. le registre; de l'imprimerie Christophe, à Verdun.

Imprimé inséré dans

(2) Hôtel de ville: Registre des délibérations du corps municipal, 12 décem bre 1789.

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définitivement organisées se forment en bataille sur la place Sainte-Croix. Les officiers municipaux, revêtus de leur écharpe, se rendent sur la place, précédés par les citoyennes qui ont tenu à offrir leurs drapeaux à la garde nationale. Ces citoyennes, accueillies au bruit des tambours et de la musique, parcourent le front des bataillons et se placent au centre, aux côtés de Messieurs de la municipalité : l'une d'elles, Madame Sauvage, reniet alors les drapeaux au nom de ses compagnes et prononce quelques paroles (1); le colonel Georgia exprime sa reconnaissance, et les invite à assister à la cérémonie de la bénédiction; et, de suite, accompagnées des officiers municipaux et des officiers des détachements de Clermont, Varennes, Dun et Damvillers, elles prennent place au milieu de la re compagnie et s'acheminent, ainsi escortées, vers la cathédrale en un cortège salué par le son des cloches et les salves d'artillerie. La garde nationale se range dans l'église, les dames dans la chapelle de la Vierge, les officiers municipaux, les délégués étrangers, les officiers de la garnison et de l'état-major de la place dans le chœur, autour de l'évêque. Monsieur de Bassinet, aumônier de la garde nationale, célèbre la messe; puis, l'évêque, revêtu de ses habits pontificaux, bénit les drapeaux que lui présentent Georgia et le commandant en second, Sauvage le jeune, prononce un discours, et la cérémonie s'achève dans le fracas des salves d'artillerie, des roulements des tambours et des fanfares militaires. Les deux bataillons, après avoir défilé en parade devant l'évêque, dans la cour de l'évêché, regagnent la place Sainte-Croix.

Le même jour, à cinq heures, les officiers municipaux qui

(1) Messieurs, nous venons offrir à votre patriotisme un faible gage du nôtre. Agréez ces drapeaux; qu'ils soient les signaux inviolables et sacrés de l'union et de la liberté. Ralliés sous eux, vous n'aurez d'autres sentiments que celui de l'amour de la Patrie; il vous imprimera un courage invincible qui déconcertera les projets destructeurs des ennemis de la Révolution. Maintenez de toutes vos forces cette sage constitution qui doit assurer le bonheur des Français et le nôtre. N'oubliez jamais que vous en êtes autant redevables aux vertus sublimes d'un roi citoyen qu'à la constance courageuse des augustes représentants de la nation. Remplissez le plus cher de leurs en assurant par des mesures sages votre tranquillité et celle des citoyennes dont le sort est intimement lié au vôtre.

vœux

viennent d'assister, suivant l'usage, « à la procession géné rale (1) gagnent l'esplanade de la Roche, où ils trouvent sous les armes les deux bataillons de Verdun joints aux délégations de Damvillers, Dun, Clermont, Varennes et Mogeville. Lecture donnée de la loi qui prescrit le serment (2), le maire prononce distinctement la formule: « Officiers, basofficiers et soldats, vous jurez d'être fidèles à la nation, à la loi et au roi, de maintenir de tout votre pouvoir sur la réquisition des corps administratifs et municipaux la constitution. du royaume, et de prêter pareillement sur les mêmes réquisitions main-forte à l'exécution des ordonnances de justice et à celle des décrets de l'assemblée nationale acceptés et sanctionnés par le roi. » Tous s'avancent successivement devant l'estrade où siègent les officiers municipaux, et répondent, la main droite et levée : « Je le jure. » Les délégations étrangères ajoutent à ce serment celui de rester fraternellement unis aux soldats citoyens de Verdun, à l'effet de « se secourir mutuellement au besoin et à toutes réquisitions. » La foule des citoyens présents à cette scène pousse les cris répétés de << vive la nation! » que couvrent les accents des musiques militaires et les salves d'artillerie, pendant que le cortège se reforme pour revenir sur la place Sainte-Croix où il se disloque. (3) L'effectif de la garde citoyenne s'accrut bientôt d'une deuxième compagnie de volontaires nationaux, recrutés parmi les jeunes gens de bonne famille, âgés de 18 à 26 ans accomplis, qui se fondit de suite avec la première, et d'une compagnie de canonniers, complètement constituée en juillet 1791. Les canonniers, d'après la copie d'une pièce délivrée par le sieur Guillot, garde d'artillerie à Metz, disposaient de deux pièces de canon du calibre 4, avec leurs affûts et leurs accessoires. Mais, en réalité, la garde nationale était officiellement organisée et reconnue dès le 25 avril 1790. (4)

(1) La procession de Saint-Marc.

(2) Décret du 7 janvier 1790 concernant le serment à prêter par les gardes nationales. Cf. Duvergier, op. cit., tome I, page 92.

(3) Hôtel de ville: Registre des délibérations du corps municipal, délibération du 15 février 1790. Cf. Ms. 210: Verdun-Révolution, tome ler, registre. Copie de la délibération.

(4) Ms. 210: Verdun-Révolution, tome 1, registre. Nous devons noter

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III. La garde nationale établie, une grave question, dans le dénouement de laquelle la proclamation de la loi martiale joue un rôle, allait bientôt se poser : quelle place la Constituante réservait-elle à Verdun dans la nouvelle division territoriale de la France? (1)

La proclamation de la loi martiale (2) s'était faite le 29 novembre 1789, à la suite de la prestation du serment par les cavaliers de la maréchaussée des brigades de Verdun, Manheulles, Dombasle, assemblés dans la cour de l'hôtel de ville, sous les ordres du lieutenant-prévôt Deulneau et du sous-lieutenant Marchand. Les officiers, puis les cavaliers avaient juré devant les officiers municipaux, en robe, et les membres du comité patriotique « de rester fidèles à la nation, au roi et à la loi et de ne jamais employer ceux qui seraient à leurs ordres, contre les citoyens, s'ils n'en avaient été requis par les officiers civils ou les officiers municipaux. » Les assistants s'étaient alors formés en un cortège qui, le drapeau rouge déployé, avait procédé à la publication dans toutes les rues, places et carrefours de la ville, à son de caisse, « quoique sans apparât, » de la loi martiale contre les attroupements, décrétée par l'assemblée nationale le 21 octobre (3).

ici la protestation adressée, le 21 août 1790, à l'assemblée nationale par la société : « Les Amis de la constitution » contre la tiédeur de certains Verdunois, des « anciens privilégiés» en particulier, qui évitent de se faire inscrire sur les rôles de la garde nationale. Sur les 1,887 citoyens actifs de Verdun, 1,561 seulement, dont plus de 300 âgés de moins de 25 ans, se sont volontairement embrigadés. (Archives nationales: dossiers du Comité de constitution, D. IV, 43, liasse.)

(1) Nous avons utilisé, sur cette question de la formation du département de la Meuse, outre les nombreuses copics de pièces des Archives nationales contenues dans le Registre Ms. Verdun-Révolution, tome ler, les dossiers originaux eux-mêmes: D. IV, 1 (correspondance des commissaires du roi avec le comte de Saint Priest, ministre de la maison de Sa Majesté... pour la formation des départements, Meuse, 2 pièces). D. IV bis 2, dossier 50: Division en départements de la Lorraine, Barrois, etc. Dossier 113: Procèsverbaux de division et de dénomination: dossiers versés dans la série NN*. (Meuse, NN* 13). D. IV bis 11, dossier 239: Rapport de Dupont de Nemours, etc. D. IV bis, 38, dossier 616 Tableau des districts, cantons, municipalités. (2) Décret contre les attroupements ou loi martiale, 21 octobre 1789. Cf. Duvergier, op. cit., tome 1er, page 53.

(3) Hôtel de ville: Registre des délibérations du corps municipal.

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Or cette cérémonie devait avoir son écho dans les séances qui précédèrent, à Paris, le sectionnement de la France en départements.

Dès que l'assemblée nationale eut annoncé son intention de travailler au remaniement des circonscriptions du royaume, le député Gillon recommanda aux officiers municipaux de combiner tous leurs efforts pour obtenir que Verdun devint le chef-lieu d'un département. Immédiatement, les officiers municipaux désignèrent quatre commissaires qui rédigèrent un mémoire adressé aux députés du bailliage à l'assemblée, ainsi qu'à Bousmard, député de la noblesse du bailliage de Bar et capitaine du génie à Verdun. Le 29 octobre, Bousmard annonçait à la municipalité l'échec de ses démarches. Sans se décourager, la municipalité et le comité patriotique réunis adjoignirent un de leurs membres, d'Espondeilhan, aux quatre rédacteurs pour dresser un nouveau mémoire, «< avec un plan de division de la Lorraine, >> et après avoir pris, le dimanche 6 décembre, connaissance des deux mémoires et de la correspondance échangée avec Bousmard, choisirent deux délégués chargés de porter le second mémoire aux députés de la province et à Bousmard. J.-B. Marchal, conseiller aux bailliage et siège présidial de Verdun, officier de la municipalité, et Louis Dresch, membre du comité patriotique, recevaient pleins pouvoirs pour présenter leur requête soit à l'assemblée nationale, soit au comité de constitution, soit aux commissaires nommés par l'assemblée, de concert avec les députés du Verdunois, du Clermontois et de Saint-Mihiel. Ils devaient mettre tout leur zèle, toute leur ardeur, à faire ressortir l'importance de la position de Verdun, ses avantages comme centre d'un département. Les autorités s'engageaient d'ailleurs, par avance, à ratifier leur mission et à couvrir leurs frais de voyage.

Immédiatement après le départ des délégués, il s'établit, entre eux et leurs mandants, une active correspondance, de laquelle il résulte que les Verdunois jouissent, auprès des membres de l'assemblée, d'une réputation détestable. On leur reproche de n'avoir pas publié la loi martiale avec suffisamment d'apparât, d'avoir différé le rétablissement des

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