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l'évêque et le chapitre de Verdun jouissent sont des propriétés immémoriales ou des dons de leurs prédécesseurs, ou des acquisitions faites par échange ou par argent. Les dimes ecclésiastiques sont non seulement des don; aussi anciens que l'Eglise, mais encore des propriétés acquises. Les archives de l'évêché et du chapitre de Verdun sont remplies d'actes de vente et d'échanges faits dans le xio, xшe et xive siècles. Ces chapitres en ont reçu des évêques, des chanoines, des seigneurs à des conditions qu'ils continuent à remplir.» (1)

Sans doute la Constituante ne tient aucun compte de ces représentations; mais dès lors, on voit se développer, à l'ombre de l'évêché, comme un premier ferment de discorde, on perçoit comme une première menace d'opposition qui ne tardera pas à grossir, au fur et à mesure que les décrets de l'assemblée ou l'initiative de la municipalité introduiront, dans la vieille cité épiscopale, d'inévitables transformations.

II. La première innovation apportée dans Verdun, par le désir d'imiter la capitale, fut l'établissement d'une garde nationale.

L'assemblée générale des citoyens, tenue, le 12 août 1789, en l'église des RR. PP. Récollets (2), avait décidé la création d'une milice citoyenne, « qui, en principe, n'excluerait pas la milice bourgeoise. » Le 13 août, les officiers municipaux expédient aux maires des vingt-deux mairies l'ordre de convoquer, pour le lendemain matin, les citoyens de tout ordre, tant ecclésiastiques que laïques, à l'effet d'élire quatre députés par chaque mairie. Ces quatre députés se réunissent le même jour, à deux heures, à l'hôtel de ville, et choisissent, parmi eux, les membres d'un comité permanent dit aussi comité patriotique permanent, chargé avant tout d'instituer une milice nationale et d'en déterminer sa composition, mais qui, à partir de ce jour, siégea presque régulièrement aux côtés

(1) Ms. 210: Verdun-Révolution, tome Ir. Registre. (2) Cf. page 55.

de la municipalité (1). La milice nationale citoyenne sera divisée en dix compagnies, outre une compagnie de jeunes volontaires et la compagnie des habitants du Faubourg Pavé. Formée le 18 août, elle comprend, comme officiers élus, un commandant en chef, un commandant en second, deux capitaines adjudants-majors, 10 capitaines, 10 lieutenants, 10 sous-lieutenants, deux porte-drapeaux et deux adjudants (2). Le 23 août, le corps municipal et le comité permanent se rendent de l'hôtel de ville à la place de la Roche, où le commandant en chef, Hallot, prête entre les mains du sieur Phelippes de Souville, commandant de la ville et de la citadelle de Verdun, en exécution du décret de l'assemblée constituante daté du 10 août, le serment de « rester fidèle à la nation, au roi et à la loi, et de ne jamais employer ceux qui sont sous ses ordres contre les citoyens, à moins d'y être requis 'par les officiers civils et les officiers municipaux, serment renouvelé ensuite par les officiers, à la tête de leur compagnie. Les gardes nationaux eux-mêmes, « jurent obéissance à la nation, au roi, à la loi, de bien fidèlement servir pour le maintien de la paix, de la défense des citoyens. et contre les perturbateurs du repos public. » (3) Cependant

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(1) Nous ne connaissons pas la composition exacte du Comité patriotique permanent dont faisaient partie Phelippes, Hallot, Boutheville, Christophe, imprimeur, Lespine, de Bermond d'Espondeilhan, Sauvage le jeune, Caré fils, Boulet, Grandpierre, Mangin, curé de Saint-Sauveur, Rouyer, lieutenant particulier, de la Basse-Boulogne, Gillon, avocat, de Vignacourt, Géminel, Marchal. Cf. BB. 39: Registre des délibérations du corps municipal (délibération du 23 août 1789).

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(2) Hallot, général, commandant en chef; le comte de Vignacourt, commandant en second. Capitaines adjudants-majors: Hémard, de la Lance le jeune. Capitaines : Dugas, de Bellavène, Robert, Lestrignier, Fanart, Gérard, Claussin, Soleirol, Chauvigny, Bellon. Lieutenants Périn, Collignon. Anchelon, de Boisset, Goze, Collard, Dauphin, Le Bachelé, Jobart, Sauvage l'aîné. Sous-lieutenants: Gabriel, avocat, Sainctelette, Thiébaux, Haucourt, Houzelle, Lambry, avocat, de Moncel, Périn, orfèvre, Masson, de Lève, Leroux, Catoire, changeur, et J.-B. Louis, marchand, porte-drapeau — Adjudants Devaux, Chazelle.

(3) Archives communales: Registre des délibérations des corps municipaux (23 août). Ms. Verdun-Révolution, tome I (n° 210), registre copie de la délibération du 23 août. - A noter que ce serment, dont nous avons reproduit exactement la formule, diffère sensiblement de celui imposé aux troupes régulières « Nous jurons de ne jamais abandonner nos drapeaux, d'être

la garde nationale ne fut sérieusement organisée que dans le courant d'avril 1790; jusqu'à cette époque, en effet, les compagnies n'existaient que sur le papier, car les gardes nationaux disposaient de très peu d'armes et s'abstenaient par suite de s'exercer. Déjà, plusieurs habitants de Verdun jugeant qu'il était indispensable d'établir aux portes de la ville « des gardes-citoyennes pour surveiller et maintenir la police, tant de jour que de nuit, » les officiers municipaux et les membres du comité patriotique avaient invité, le 17 octobre, les maires des différents quartiers à assembler leurs administrés pour délibérer sur cette proposition; l'avis fut unanime et bien que « jusqu'à présent cette ville ait joui d'un calme que la vigilance et l'activité de messieurs ont toujours maintenu, par le bon ordre qu'ils ont établi, >> (1) on estima, dans toutes les mairies, qu'il était nécessaire de garder sévèrement les portes de Verdun pendant la nuit, de ne les ouvrir que dans les circonstances tout à fait urgentes, et qu'il importait de remettre, entre les mains de ceux à qui serait confiée cette garde, des armes et des cartouches. Quant à la milice bourgeoise, elle avait disparu sans laisser de trace.

fidèles à la nation, au roi et à la loi et de nous conformer aux règles de la discipline militaire. >> - Cf. Duvergier Collection complète des lois, décrets, ordonnances, règlements, etc., tome Ier, page 37.

Le ministre de la guerre, comte de La Tour du Pin, ordonnait d'autre part au commandant de la ville et de la citadelle, par une lettre en date du 20 août, de recevoir aussi le serment des troupes actives. Le mercredi 26 août, à 10 heures du matin, au Pré-l'Evêque, en présence de MM. les officiers municipaux dûment convoqués, M. Phelippes recevait le serment des officiers de tout grade de l'état-major, de l'artillerie et du génie attachés à la place, du corps royal des mineurs, des hussards de Lauzun. Ce serment, prêté en présence des troupes sous les armes, « de rester fidèle à la nation, au roi et à la loi, de ne jamais employer ceux qui seront sous leurs ordres contre les citoyens, si ce n'est sur la réquisition des officiers civils ou municipaux, laquelle réquisition sera lue aux troupes assemblées, » fut suivi du serment des troupes, qui jurèrent de ne jamais abandonner leurs drapeaux, d'être fidèles à la nation, au roi, à la loi, et de se conformer aux règles de la discipline militaire. Les officiers du régiment suisse de Courten firent un serment particulier: « Nous jurons de rester fidèles à la nation, au roi, à la loi, en tout ce qui n'est pas contre les traités et capitulations de nos souverains et de ne jamais employer ceux qui seront à nos ordres contre les citoyens, si nous n'en sommes requis par les officiers municipaux. »

(1) Avis de la mairie du Prillon. Ms. 210, tome I", registre.

Le 1er décembre, les officiers municipaux et les membres du comité patriotique permanent se réunissent à l'hôtel de ville pour collaborer à la rédaction d'un règlement. Quatre commissaires, Paillet, Georgia, Dresch et Caré sont désignés pour examiner le règlement appliqué par la ville de Metz, et essayer de l'adapter à la garde citoyenne de Verdun. Le 12 décembre, nouvelle réunion où assistent 18 députés des mairies; les commissaires rédacteurs présentent un projet qui est agréé après lecture faite, à la très grande majorité des voix. Ce règlement restera en vigueur, après avoir été imprimé, publié et distribué dans la ville et les faubourgs, jusqu'à ce que l'assemblée nationale ait achevé le travail qu'elle prépare sur l'unification des gardes citoyennes du royaume.

La garde nationale citoyenne de Verdun demeure subordonnée à la municipalité ; le marquis de la Fayette sera invité d'en accepter le commandement en chef. En feront partie, pour prendre le service quand les circonstances l'exigeront, tous les citoyens à l'exception des domestiques, mariés ou non mariés, nés français ou naturalisés, âgés de 18 à 60 ans « et de bonne volonté. » Les compagnons, journaliers ou manoeuvres qui ont besoin de tous leurs instants de travail ne seront pas inscrits sur les contrôles, mais seront néanmoins censés faire partie de la garde nationale, et admis dans les rangs, aux cas extraordinaires.

Outre la compagnie du Faubourg Pavé, qui conservera son organisation actuelle en tout ce qui ne sera pas opposé au présent règlement, et celle des jeunes gens qui prendra le nom de compagnie des volontaires nationaux, et qui sera soumise aux dispositions générales, il y aura deux bataillons de quatre compagnies chacun, le bataillon de la ville haute qui s'assemblera sur la place Madeleine, celui de la ville basse qui s'assemblera sur la place Sainte-Croix. Chaque compagnie comprendra un capitaine, un lieutenant, un souslieutenant, un sergent-major, deux sergents, quatre caporaux et un tambour. L'état-major se composera d'un colonel commandant, d'un commandant en second, d'un major, de deux

aides-majors, de deux porte-drapeaux, de deux adjudants, d'un chirurgien-major, d'un aumônier et d'un tambourmajor. Nul ne pourra prendre les armes s'il ne figure sur les rôles et s'il n'est commandé pour le service. Les officiers seront élus en présence et sous la présidence des officiers municipaux ceux de l'état-major, les porte-drapeaux, adjudants, chirurgiens-majors, aumôniers, par la garde nationale assemblée; les capitaines, lieutenants, sous-lieutenants, sergents-majors, sergents et caporaux, par chaque compagnie et parmi les citoyens de la compagnie sachant lire et écrire. Les gradés seront titulaires de leur grade pendant un an, à compter du jour de la prestation du serment, et rééligibles. « L'uniforme de la garde nationale de Verdun sera: habit de drap bleu de roi, revers et parements de drap blanc, collet montant et passe-poil de drap écarlate, doublure blanche, les poches en travers garnies de cinq boutons; l'écusson au retroussis de l'habit sera une fleur de lys couronnée en drap écarlate. Veste et culotte de drap blanc: les distinctions et boutons jaunes timbrés aux armes de la ville; guètre de drap noir avec boutons de cuir pour l'hiver et les temps pluvieux; guêtres de toile blanche avec boutons de fil pour l'été ; chapeau bordé en soie et la cocarde nationale. » Les citoyens seront priés, mais non obligés, de faire la dépense des habits d'uniforme. La ville fournira un drapeau à chaque bataillon, et des armes et des gibernes à ceux qui n'en possèdent pas en propre ; les frais de l'armement seront supportés en partie par ceux que leur àge exclut de la garde nationale, ainsi que par les ecclésiastiques et toutes les communautés religieuses, exception faite pour les ordres non rentés et les hôpitaux de charité. La garde nationale constituée sera convoquée, avec la compagnie auxiliaire du Faubourg Pavé et celle des volontaires nationaux, en présence de la municipalité, pour la réception des officiers et bas-officiers de tout grade et la prestation du serment. Le colonel commandant ou son représentant ne pourra ordonner une prise d'armes ou le rassemblement de sa compagnie, qu'en vertu d'ordres émanant de la municipalité, ou lorsque la générale sera battue. Aucune

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