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fonds de terre saisis, conformément aux lois, au préjudice des chanoines ou prêtres en fuite, déportés ou exécutés, ou des simples particuliers qui avaient joué un rôle, lors de la capitulation de la place, et payé leur dette au pays, dans le cours de floréal an II avril 1794), les demoiselles Henry, Barthe, Philibert Périn, J.-B. Marchal, Lamèle, Thuileur. Il importe de noter que, lorsque des membres de la famille désirent rentrer en possession de ces immeubles ou de ces parcelles de champs ou de vignes, les concurrents poussent la bienséance jusqu'à les leur laisser à très bas prix, par comparaison avec les enchères des autres articles : il y a là comme une entente tacite entre les amateurs, pour ne pas disputer leurs droits aux héritiers naturels, irresponsables des fautes commises par les leurs. Ainsi, la veuve Petit achète, de la succession de son défunt mari, Petit, vigneron, 18 verges de vignes, pour 125 livres, alors qu'à la même vacation, un lot de contenance et de qualité à peu près identiques est adjugé au prix de 1,200 livres.

La ville de Verdun, d'autre part, dans l'espoir d'améliorer la situation matérielle de la cité, s'était dessaisie, le 28 juin 1792, des domaines qu'elle ne jugeait pas utile de conserver. La vente comprend vingt et un articles, en particulier, le moulin La-Ville, acquis par Jean Cicile, pour 54,500 livres, le moulin Saint-Airy par Benoît Devaux, pour 31,000 livres, la maison « sur le quai », par J.-B. Chamby, pour 6,600 livres, la maison « Porte-de-Paris », par Nicolas Harang, pour 900 livres, le magasin de la rue des Minimes, par J.-B. Louis, pour 3,000 livres, le jardin du gouvernement, par Louis Neucourt, pour 3,425 livres. Les fermes de Baleycourt, de Nixéville, de Souilly sont cédées pour 66,200 livres, 6,700 et 1,825 livres à Chenin, de Clermont, Nicolas Robinet et Georges le jeune. Le total de l'adjudication, sans omettre les prés, dont les enchères dépassent 100,000 livres, atteint 277,715 livres, sur laquelle somme il reste à recouvrer, au 1er vendémiaire an III (22 septembre 1794), 84, 1981 41 (1). Enfin, dans une séance spéciale, les magistrats avaient aliéné « les tours et flèches de la

(1) Compte de l'administration municipale de la commune de Verdun... pendant la 2o année de la République française.

commune, » dont la démolition devait être effectuée le plus rapidement possible. (1)

A quelle classe de la société appartiennent les acheteurs, et quel est le taux moyen des adjudications?

A Verdun, les domaines nationaux furent, en général, accaparés par la bourgeoisie aisée, par les propriétaires cossus qui, en dépit de leur prudence native, se laissèrent entrainer par l'excellence des occasions; de temps à autre, un citoyen de basse origine, un simple artisan, acquiert une petite maison, un petit jardin, une petite parcelle de terre ou de vigne; mais, outre que les fonds n'abondent pas dans son épargne, l'ouvrier manque de l'audace nécessaire; il redoute vaguement le retour de l'ancien état de choses, la restitution obligée, l'argent perdu, et, sans doute, les représailles vexatoires. A partir de l'an III (fin 1794), les esprits s'enhardissent, les alarmes s'apaisent et le nombre des amateurs s'accroît; mais, néanmoins, ceux des petits qui participent aux ventes constituent l'infime minorité, et le peuple demeure d'ordinaire étranger aux transactions.

Les acheteurs? Nous les connaissons presque tous; nous les

(1) « Cejourd'hui 8 messidor an II (26 juin 1794), de la République une et indivisible et populaire, les 9 heures du matin, nous, François Huguin, administrateur du district de Verdun, commissaire délégué par icelui aux fins de procéder à la vente des tours et flèches de la dite commune, assisté du citoyen Thiéroux, officier municipal, lesquelles dites tours seront démolies jusqu'à hauteur des bâtiments qui les avoisinent. Les adjudicataires des dites tours et flèches seront chargés à leur compte de recouvrir la partie démolie, de mêmes matériaux que les bâtiments voisins, en donnant aux dites couvertures la même pente régulière de droite et de gauche au besoin, pour être faits et appropriés à dire d'experts. Les adjudicataires seront responsables des dégradations qui pourraient être occasionnées par les démolitions des dites tours et flèches; ils seront aussi obligés d'enlever les matériaux et chantiers de démolition dans le délai de six mois, et démolir de suite; tous les plombs et fers provenant des dites démolitions seront transférés dans les magasins du district aux frais des dits adjudicataires comme effets appartenant à la République... Savoir les deux tours de Saint-Vannes, adjugées au citoyen Braye, 1,075 livres; la tour des Minimes, au citoyen Pierre Delorme,915 livres; la tour de Saint-Paul, au citoyen Chappy, 470 livres ; la flèche des Augustins, au citoyen Cordier, couvreur, 55 livres; la tour de Saint-Nicolas, à Burthé, 550 livres ; la tour de la Congrégation, au citoyen Burthé, 400 livres; la tour de Sainte-Catherine adjugée au citoyen Rabut, 70 livres; la flèche de SainteClaire, au citoyen Rabut, 81 livres; la tour de la ci-devant cathédrale, au citoyen Thiéry, 1,000 livres; la tour des Carmélites, au citoyen Thiery, 62 livres ; la tour de Saint-Maur, au citoyen Thiéry, 370 livres. » Toutes furent abattues, sauf celles de la cathédrale et celles de Saint-Vannes. - VerdunRévolution, tome III. .

avons vus diriger les affaires municipales aux différentes époques de la Révolution, à Verdun: sans-culottes ou contre-révolutionnaires, ils ne dédaignent pas de veiller à leurs intérêts et d'exploiter les circonstances. Ce sont les Lespine, les Génin, les Cauyette, les Lambry, les Sibillon, les Piérard, les Benoit Devaux, les Mondon, les Paquin, les Alis, les Collard, les Viard, les Tristant, les Sauvage, les Anchelon, les Bénarmont, les Goury, les Massart, les Simon Pierrot, les Madin, les Braye, les Lajoux et, surtout, les Catoire, Romuald Catoire en particulier; quelques inconnus, politiquement, volontairement restés en dehors de l'administration de la ville, ne se montrent pas moins empressés, Nicolas et François Clément, François Guénaux, les Cicile, dont Jean Cicile, qui apparait dans presque toutes les ventes. A côté de ceux-ci, Doucet, de Thierville, Jacquemart, de Jardin-Fontaine, Fiévet, de la Galavaude, Lamarre, de Charny. Quelques négociants en immeubles, soit de la région, comme Chenin, de Clermont, soit étrangers, comme Hainguerlot, Petit Jean et Mervalis, de Paris, enlèvent des lots. importants, directement, ou par l'intervention d'intermédiaires, comme le citoyen Antoine, l'homme de confiance de Petit Jean. Des entrepreneurs de travaux publics, Claude Delorme entre autres, achètent même des édifices pour les démolir et en utiliser les matériaux.

On a déjà tout dit sur l'extraordinaire bon marché des domaines nationaux; il n'en fut pas autrement à Verdun qu'ailleurs. Il importe de remarquer, tout d'abord, que les acquisitions se soldent, dès le début, toujours en assignats et que, même aux premiers jours. de l'émission, les assignats ne représentent jamais, dans la réalité, leur valeur nominale. Or, dès la première vente, nous voyons 24 fauchées de pré, cédées au prix de 4,400', ce qui met la fauchée à moins de 200', alors qu'en temps ordinaire elle variait de 2 à 4,000 en argent ; 14 jours de terre montent, péniblement, au prix ridicule de 980', au taux de 70', le jour, alors que le jour de terre, même dans les contrées ingrates, ne tombe pas au-dessous de 400 en argent. Le 24 juin 1792, Nicolas Clément et François Guénaux prennent possession, nous le savons déjà, moyennant 61,300 en assignats, du grand Pré-Neuf entre Glorieux et Regret qui, à lui seul, vaut presque une fortune. Le taux des ventes s'élève sensiblement, en progression régulière, jusques et y compris la vente du 30 avril 1792; la hausse persiste, mais sans s'accentuer

pendant l'année 1793, malgré la dépréciation, rapidement croissante, des assignats. Puis, les temps deviennent plus troublés, les coeurs les plus hardis perdent de leur assurance, et les capitaux se cachent; aussi les ventes s'espacent-elles à de longs intervalles. Les différents lots sont adjugés, en général, à des sommes qui paraissent exorbitantes, mais, en réalité, les prix demeurent les mêmes qu'en 1791, si l'on n'oublie pas les fluctuations de cours du papier-monnaie. A partir du 5 ventose an III (23 février 1795), les chiffres ont grossi d'une façon démesurée. Le jour de terre, dans la liquidation des biens du Collège situés sur le territoire de Thierville, atteint let prix moyen de 2 000 à 2,500l, et la fauchée de pré, 7,250l. Ces prix se maintiennent pendant toute la durée de l'an III (1795), pour faire un nouveau bond, au début de l'an IV (fin 1795). La dernière vacation, celle du 9 vendémiaire an IV (1er octobre 1795), est particulièrement instructive à ce point de vue. Une fauchée et demie de pré est estimée 40,300', et un jour de terre, 34,000; il ne faut, d'ailleurs, nullement s'étonner de ce fait, puisqu'en ventose an IV (février-mars 1796), à Verdun, l'assignat de cent livres vaut cinquante centimes. Par conséquent, dans ces conditions, le prix d'un jour de terre ou d'une fauchée de pré, même lors des dernières transactions, ne s'est pas modifié de façon vraiment appréciable: les occasions restent aussi avantageuses qu'en 1791.

Malgré l'excessif bon marché des domaines mis en vente, de quelque nature qu'ils soient, et c'est précisément ce bon marché joint à un morcellement intelligent qui permet à quelques citoyens de la basse classe d'acquérir une maison ou un coin de terre, un inventaire daté du 18 prairial an V (6 juin 1797), accuse 129 articles, tant maisons que vignes, prés ou terres, invendus sur le territoire. du canton de Verdun et provenant tous des biens de première origine. Le Collège, en particulier, gardait encore la jouissance, non seulement de parcelles de vignes, terres ou prés, mais encore de sept maisons, tant dans la rue Chaussée qu'au faubourg du Pavé, non compris l'église et les bâtiments principaux occupés par l'École centrale.

Nous ne pouvons, d'ailleurs, mieux faire que de transcrire ici, à peu près intégralement, l'un des deux états dressés par la municipalité du canton de Verdun, celui qui comprend les immeubles situés dans l'enceinte de la cité, et dont quelques-uns ont été conservés pour les besoins d'un service public....

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(18 prairial an V, 6 juin 1797.)

(Archives communales, M. Biens nationaux.)

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