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de l'histoire de Verdun, les ventes chôment presque complètement; les rares adjudications prescrites par les administrateurs portent presque uniquement sur des domaines éloignés de Verdun. (1)

Les ventes n'ont, en général, rien d'ordonné, et les adjudications se font au hasard des offres. Tel jour, après une proposition d'un simple particulier, les enchères s'ouvrent sur une pièce de terre appartenant à l'abbaye de Saint-Paul, par exemple. Le terrage vendu, la pièce voisine, de même valeur et de même origine, n'est mise en adjudication, faute d'amateurs, que deux ans plus tard.

Au début, les enchères ne portent que sur des terres labourables, des prés, des vignes d'une étendue plutôt restreinte, rarement sur des maisons de quelque importance. Les acheteurs ne sont encore que très incomplètement rassurés; ils manquent le plus souvent de hardiesse; seuls, quelques spéculateurs habiles se hâtent de profiter de l'excellente occasion qui se présente; c'est ainsi que, lors des premières vacations, les « grosses affaires » sont relativement rares; signalons la vente d'une ferme de Saint-Airy, sise sur le territoire de Verdun, pour 33,200 livres, au profit de Louis Génin (2), du grand Pré-Neuf, entre Glorieux et Regret, le long de la Scance, provenant de Saint-Vannes, à François Guénaux et Nicolas Clément, pour 61,300 livres (3), de la ferme de Wameaux, du domaine de Saint-Paul, à François Clément Catoire, pour 74,100 livres (4), d'une autre ferme de Saint-Paul, située sur le territoire de Thier ville, à François Sauvage l'aîné, pour 40,500 livres (5). Les 8 et 9 mars, on vend une douzaine de maisons sises à Verdun et appar tenant à la Congrégation, à Saint-Maur ou à la Cathédrale; mais ces immeubles sont sans importance, et leur prix varie entre 200 livres et 1,225 livres ; une seule atteint le chiffre de 9,350 livres. Le 7 avril, un sieur François Domange, de Lissey, achète 185,600 livres la ferme de Villers-les-Charny, revendue, le 10 août, à Charles-Cécile Mervalis, de Paris, 146,300 livres Les enchères les plus élevées portent sur les propriétés foncières, en particulier, les prairies; le seul immeuble qui paraisse exciter les convoitises,

(1) Archives départementales de la Meuse, Inventaire des biens nationaux, district de Verdun, no 8.

(2) 23 janvier 1791.

(3) 24 janvier.

(4) 25 janvier.

(5) 7 mars 1791.

à Verdun, c'est le moulin, dit le Moulin-l'Évêque, acheté, le 30 avril 1792, 45,700 livres, par Charles Neucourt. Le 11 mars 1793, les administrateurs mettent en adjudication la démolition de l'église Saint-Pierre, qui seule fut effectuée, et de l'église SaintVictor, adjugées, la première, à Jean Robert et Nicolas Goeury, de Verdun, pour 1,225 livres, et la seconde, à Fiévet, pour 2,900 livres.

Les riches domaines du Collège subissent le sort commun, à partir du 13 mai 1793. En effet, l'administration centrale était longtemps demeurée indécise sur la conduite à tenir. Le 28 octobre 1790, l'Assemblée constituante déclarait « ajourner tout ce qui concerne : 1o les biens de fabriques; 2° les biens de fondations établies dans les églises paroissiales; 3° les biens des séminairescollèges, des collèges, des établissements d'études ou de retraite et de tous les établissements destinés à l'enseignement public. » (1) Le 3 décembre, l'Assemblée précisait, en décidant que « l'ajournement prononcé par l'article 1 du titre Ier de son décret du 28 octobre.. ne s'entend que des maisons dans lesquelles l'hospitalité, les études, retraites et les autres destinations indiquées dans le dit décret étaient publiquement et notoirement exercées à l'époque du 2 novembre 1789... » (2) De plus, la municipalité avait dû se conformer aux articles 15 et 16 du même décret du 28 octobre: « Art. 15. Quant aux établissements d'enseignement public et de charité qui étaient administrés par des chapitres et autres corps ecclésiastiques supprimés, lorsqu'ils seront dans des villes de district, ils le seront par l'administration du district ou son directoire, sous l'autorité de celle du département ou de son directoire... et à la charge de rendre compte, ainsi qu'il est prescrit par l'article 13... le tout aussi provisoirement et jusqu'à ce qu'il y ait été autrement pourvu. — Art. 16. Il en sera de même des établissements qui étaient administrés par des bénéficiers ou des officiers supprimés sous le concours des officiers municipaux ou d'autres citoyens élus ou appelés à cette administration; à l'égard de ceux dans l'administration desquels la municipalité ou d'autres citoyens concouraient, elle sera continuée par les municipalités et les autres citoyens qui seront élus ou appelés par le conseil général de la commune, sous la surveillance des administrations de district

(1) Cf. Duvergier, op. cit., tome I, pages 427 et seq. (2) Cf. Duvergier, op. cit., tome II, page 68.

et de département, et à la charge de rendre compte ainsi qu'il est ci-devant prescrit, le tout pareillement jusqu'à ce qu'il en ait été autrement ordonné. »

Le 3 janvier 1791, le conseil général convenait de fixer à 12 le nombre des citoyens adjoints à l'autorité municipale pour gérer, de concert, l'hôpital de Sainte-Catherine et le Collège « seuls établissements de cette ville dans l'administration desquels la municipalité concourait.» (1) Les 12 citoyens, immédiatement élus, entraient de suite en fonctions. Enfin, le 12 octobre 1791, une loi rendue sur un décret de l'Assemblée, en date du 26 septembre, portait « que tous les corps et établissements d'instruction et d'éducation publique existant à présent dans le royaume continueront provisoirement d'exister sous leur régime actuel et sous les mêmes lois, statuts et règlements qui les gouvernent. » (2)

Le Collège vécut ainsi jusqu'aux premiers jours de l'année 1793, sans être inquiété dans la libre possession de ses domaines. Mais si, le 8 février 1793, les officiers municipaux et les administrateurs prétendaient soustraire le Collège à la condition générale des autres congrégations, le département de la Meuse différait profondément de cet avis, témoin la lettre transmise par le district aux officiers municipaux, le 11 février, lettre reçue en réponse aux questions posées par les autorités locales, le 26 janvier, à l'autorité centrale du département: « Vous nous demandez, par votre lettre du 26 janvier dernier, si les biens immobiliers dépendant du Collège de votre ville sont dans le cas de l'aliénation; cette question se trouve décidée par l'article 1 du titre II de la loi du 18 août 1792 qui détermine que les biens formant la dotation des corporations sous le nom de congrégations séculières ecclésiastiques ou laïques sous quelque dénomination qu'elles existent, seront vendus dans la même forme et aux mêmes conditions que les autres domaines nationaux, à l'exception, d'après l'article 2 du même titre, des bâtiments et jardins à l'usage des collèges encore ouverts en 1789. D'après ces dispositions, il n'y a pas de doute que tous les biens immeubles appartenant au Collège de Verdun ne doivent être vendus...» (3) Le district invitait la municipalité à se conformer

(1) Archives communales, F'. Instruction publique.
(2) Cf. Duvergier, op. cit., tome III, pages 367–368.
(3) Cf. Duvergier, op. cit.. tome IV, pages 324 et seq.

à cette opinion, quelque différente qu'elle fût de celle des magistrats de la cité. (1)

D'ailleurs, le 8 mars 1793, la Convention prenait, à ce sujet, une décision formelle : « ... Les biens formant la dotation des collèges. des bourses et de tous autres établissements d'instruction publique français, sous quelque dénomination qu'ils existent, seront dès à présent vendus dans la même forme et aux mêmes conditions que les autres domaines de la République sauf... les bâtiments servant ou pouvant servir à l'usage des collèges... les logements des ins-tituteurs, professeurs et élèves; ensemble jardins et enclos ou ceux qui, quoique séparés, sont à l'usage de l'instruction publique, tels que jardins des plantes .. » (2)

Les administrateurs du directoire de Verdun enjoignent, le 20 avril 1793, à la municipalité de faire dresser, outre les catalogues prescrits, un état général des biens immobiliers, dotation du Collège. Le 6 mai, Ch. Ève et Philippe Jacquemin, officiers municipaux, commissaires-délégués par la municipalité, en présence de l'économe Géminel, commencent l'inventaire des ressources de l'établissement qui comprennent, en dehors du bâtiment principal et de ses dépendances immédiates, quatorze maisons, à Verdun, dont le Coulmier, les hôtelleries de la Bannière et de l'Écu de France, la maison des Trois Rois, des fermes à Charny, Regnéville, Brabant, Champneuville, aux Roises, à Mangiennes, à Rampont, à Samogneux, le prieuré de Mont-Saint-Martin, près de Longwy, quantité de pièces de terres, de prés, de vignes, aux alentours de Verdun, des rentes foncières, etc. (3)

Le 13 mai, la vente commence par les fermes de Champneuville, de Charny, de Samogneux, de Regnéville, adjugées respectivement à Pierre Laurent, de Forges, Nicolas Trousselard, de Damvillers, Richard Chrétien, de Grand-Failly, Jean Richard, de Saint-Laurent, aux prix de 20,000 livres, 50,000 livres, 18,500 livres et 40,100 livres. Le domaine le plus considérable, la grande ferme de Regnéville est acquise, le er juillet 1793, par Fulgence Fiévet, de Verdun, au prix de 200,500 livres. La vacation du

(1) Archives communales, F'. Instruction publique. (2) Archives départementales, L. 476. pages 187-188.

Cf. Duvergier, op. cit., tome V,

(3) Archives communales, F'. Instruction publique.

5 ventose an III (23 février 1795) roule presque toute sur les biens du Collège quarante-deux articles sont, ce jour-là, mis aux enchères, dont quarante et un sur Thierville, qui atteignent le prix total de 181,100 livres. (1)

C'est seulement après les premiers mois de l'an III (fin 1794) que les amateurs se décident à miser sur les maisons abbatiales et conventuelles. Le 11 prairial an III (30 mai 1795), l'église, le couvent et les jardins des Augustins sont cédés, pour 90,900 livres, à Nicolas Thiébaut, de Verdun. Saint-Airy est divisé en sept lots, et partagé entre différents preneurs, pour la somme de 192.400 livres; l'église de Saint-Sauveur est adjugée au prix de 47,200 livres, une partie de Sainte Claire, 117,200 livres. La Congrégation, dont les bâtiments forment sept lots, en y comprenant la petite chapelle qui donne sur la Place-Marché jointe aux domaines qui en dépendent, monte à 396,800 livres. Le 9 vendémiaire an IV (1er octobre 1795), la propriété que le séminaire possède à Jardin-Fontaine, avec les dix jours de terre y attenant, est acquise par Collard-Pons, de Verdun, pour 322,000 livres. Enfin, le dernier article mis aux enchères porte le n° 1267: il consiste en une ferme provenant de la fabrique de Saint-Amand, et vendue à un sieur Philippe Jean Petit, de Paris, pour 250,000 livres.

Les biens immeubles de seconde origine, c'est-à-dire qui appartenaient aux émigrés ou condamnés, furent l'objet de trente ventes successives, à partir du 11 nivòse an II (31 décembre 1793), et fixées respectivement aux dates ci-après : 11 nivòse (31 décembre), 15 pluviose (3 février 1794), 2 et 21 ventose (20 février, 11 mars), 21 germinal (10 avril, 18 floréal (7 mai), 11, 25 prairial (30 mai, 13 juin), 27 messidor (15 juillet), 15 et 25 thermidor (2, 12 aoùt), 5,11 et 26 fructidor an II (22, 28 août, 2 septembre 1794), 2 et 21 vendémiaire an III (23 septembre, 12 octobre 1794), 5, 15 et 25 brumaire (26 octobre, 5, 15 novembre), 11 et 25 frimaire (1er, 15 décembre), 5 nivòse (25 décembre), 17 et 28 pluviose 5 et 16 février 1795), 17 et 25 ventòse (7 et 15 mars), 18 germinal (7 avril, 18 floréal (7 mai), 6 thermidor an III (24 juillet 1795) et 6 brumaire an IV (28 octobre 1795).

Pour Verdun, ces ventes portèrent sur les maisons et les quelques

(1) Archives départementales de la Meuse, Inventaire des biens nationaux, district de Verdun, Registre n° 8.

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