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vente ainsi qu'une quantité de domaines ecclésiastiques suffisante pour former ensemble la valeur de quatre cents millions. » (1)

Tout en assurant aux curés des appointements convenables, la jouissance d'une maison curiale et d'un jardin, l'Assemblée ne reconnait plus les vœux religieux; le 13 février 1790, elle ouvre aux reclus la porte des cloîtres, mais laisse à chacun la faculté de reprendre sa liberté ou de continuer les pratiques de la vie monastique, et, le 20, attribue à ceux qui ont résolu de s'affranchir des règles du couvent un traitement fort décent: aux ordres mendiants, 700, 800 et 1,000 livres, et aux ordres non mendiants, 900, 1,000 et 1,200 livres, suivant l'àge des intéressés. (2)

Malgré les moyens dilatoires employés par le haut clergé pour éloigner le plus possible la date de l'échéance et pour empêcher la saisie effective de ses propriétés foncières, malgré les diversions tentées par l'abbé Maury, l'abbé de Salcède, par Cazalès, l'Assemblée poursuit directement son but; elle arrête, le 17 mars, que « les biens nationaux et ecclésiastiques dont elle a précédemment ordonné la vente.... jusqu'à la concurrence de 400 millions, seront incessamment vendus et aliénés à la municipalité de Paris et aux municipalités du royaume auxquelles il pourrait convenir d'en faire l'acquisition; » elle confie, d'autre part, à un comité de douze membres le soin de présider à ces opérations (3). Trois jours après, le 20 mars 1790, les officiers municipaux sont investis de la mission. d'inventorier par le menu, dans la huitaine, le contenu des maisons religieuses de leur ressort. « Ils s'y feront représenter tous les registres et comptes de régie, les arrêteront et formeront un résultat des revenus et des époques de leurs échéances. Ils dresseront, sur papier libre et sans frais, un état et description sommaire de l'argenterie, argent monnayé, des effets de la sacristie, bibliothèque, livres et ornements, médailles et du mobilier le plus précieux de la maison, en présence de tous les religieux, à la charge et garde desquels ils laisseront les dits objets et dont ils recevront les déclarations sur l'état actuel de leurs maisons, de leurs dettes mobilières et immobilières et des titres qui les constituent. » (4)

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(1) Cf. Duvergier, op. cit., tome Ì, pages 72-73.
(2) Cf. Duvergier, op. cit., tome I, pages 100 et 101.

(3) Cf. Duvergier, op. cit., tome I, page 123.

(4) Cf. Duvergier, op. cit., tome I, page 125.

La municipalité de Verdun s'empressa d'obéir à ces pressantes injonctions et, à partir du 11 mai 1790, se livra à des investigations minutieuses, obligée parfois, pour éviter des troubles, de se faire escorter par des détachements de la garde nationale citoyenne.

Les archives communales possèdent quelques-uns de ces inventaires qui sont particulièrement instructifs, en ce sens qu'ils nous renseignent très exactement sur le degré de prospérité des congrégations les plus importantes 1). Il en résulte que certaines de ces maisons religieuses, alors multiples à Verdun, jouissaient paisible. ment de revenus considérables et amplement suffisants aux besoins des àmes pieuses qu'elles abritaient sous leur toit. Chaque procès · verbal énumère scrupuleusement les différentes sortes de ressources qui alimentent les coffres: fermes, métairies, étangs, rivières, bois, gagnages, cens, dimes, etc.

La Congrégation de Notre-Dame qui, outre trente maisons sises à Verdun, possède des fermes un peu partout, notamment à Méréville et Remonville en Champagne, Neuville-en-Verdunois. Dannevoux, Chattancourt, Gremilly, Rampont, Rouvroy-sur-Othain, Domremy-la-Canne, Charny, Vacherauville, Manheulles, Riaville, Hautecourt, Brauville, etc., etc., accuse un revenu total de 27,166 livres, 4 sous, réparti en 58 articles, avec lequel elle pourvoit à l'entretien de quarante mères et dix sœurs. L'abbaye de Saint-Maur qui prélève les grosses et menues dimes dans une foule de villages aux alentours de Verdun, et dont les terrages considérables s'étendent sur Chaumont-sur-Aire, Courcelles, Charny, Cumières, Bras, Moulainville, Ronvaux, etc., jouit d'un revenu de 58,575 livres, 4 sous, 2 deniers, outre la maison conventuelle, luxueusement installée, où vivent trente quatre religieuses.

L'abbaye de Saint-Paul, dont les bâtiments, nouvellement restaurés, s'élèvent au nord de la ville et qui compte, parmi ses domaines les plus proches, la ferme de Villers-les-Charny, aujourd'hui Villers-les-Moines, a encaissé, en 1789, 41,774 livres, 9 sous, 1 denier, non compris la valeur des denrées que les moines récoltent eux-mêmes, en particulier, 25 pièces de vin qui sont encore dans les caves, depuis les vendanges de 1788. Les 16 religieux, que la maison nourrit, mènent une existence que les soucis du lendemain ne viennent point troubler.

(1) Documents postérieurs à 1790, dossier R. Communautés religieuses.

Douze religieux et deux frères convers habitent l'antique couvent de Saint-Vannes et disposent de 34,843 livres, 5 sous, 8 deniers, montant des revenus de l'abbaye pour 1789.

Sans doute, les 16 religieuses de choeur, les quatre converses et la novice du couvent des Carmélites doivent se contenter, pour 1790, des 5,418 livres, 4 sous, 6 deniers qu'elles ont encaissés en 1789. D'autres maisons ne sont guère plus fortunées ainsi, l'abbaye de Saint-Nicolas jouit d'une somme de 5,731 livres, 12 sous, 3 deniers, grevés de charges diverses; les Augustins accusent 2,316 livres, 17 sous, 2 deniers; les Frères Minimes, 2,721 livres, 12 sous, 3 deniers, dont il faut déduire plusieurs dettes, et les Frères Prêcheurs ou Dominicains, 1,769 livres, 16 sous, 9 deniers. Quant aux Pères Capucins, ils ne possèdent que leur église, leur maison conventuelle, les jardins, verger et potager, et les bâtiments qui en dépendent; il en est de même des Récollets, aussi pauvres que les Capucins. Il est vrai que si les Capucins atteignent encore le chiffre élevé de 17 pères et frères, les autres ordres n'ont gardé, de leur ancienne prospérité, que le souvenir les Récollets comptent 6 prêtres et 3 frères convers, les Frères Prêcheurs ou Dominicains, 3 religieux, les Minimes, 1 prêtre et frère convers, les Augustins, 5 pères et 2 frères, et l'abbaye Saint Nicolas, 6 religieux seulement. Enfin, l'économe du Collège, dont les biens se trouvent, aux yeux de la loi, dans une situation toute spéciale, malgré leur incontestable richesse, justifie, pour l'année 1789, d'un excédent de recettes de 35.997 livres, 3 sous, 2 deniers. (1)

Non seulement la municipalité s'enquérait des ressources mobi lières ou immobilières de chacune des communautés religieuses de Verdun, mais elle s'assurait des intentions de tous les membres, en les obligeant, suivant la loi, à dénoncer nettement leurs projets (2). Préféraient-ils la vie commune à la liberté ? Si les réponses

(1) Archives départementales, D. 16.

(2) « Les officiers municipaux dresseront aussi un état des religieux profès de chaque maison et de ceux qui y sont affiliés, avec leur nom, leur age et les places qu'ils occupent. Ils recevront la déclaration de ceux qui voudront s'expliquer sur leur intention de sortir des maisons de leur ordre ou d'y rester et ils vérifieront le nombre des sujets que chaque maison religieuse peut contenir. » - Décret du 20 mars 1790, Duvergier, op. cit., page 125.

furent indécises, lors des premières démarches des officiers muni cipaux, en mai et juin 1790, elle se précisèrent les 17, 18 et 19 jan vier 1791, quand la municipalité en exécution des articles 4 et 5 de la loi donnée à Saint-Cloud, le 14 octobre 1790, se transporta dans les différents établissements religieux de Verdun pour y recevoir les déclarations des intéressés. (1)

En général, les religieuses, sauf de très rares exceptions, optent pour l'ancien état de choses; au contraire, la grande majorité des religieux, sauf ceux de Saint-Vannes et de Saint-Paul, n'hésitent pas à reprendre leur indépendance. Ainsi, le 12 avril 1791, lors d'une nouvelle visite de la municipalité qui vient notifier aux Capucins la teneur d'un arrêté du directoire du département, en date du 8 avril, « révoquant le délai accordé aux dits religieux pour se compléter au nombre de 20, voulu par l'article 17 du titre Ier de la loi du 14 octobre dernier, ordonnant que leurs églises et leurs maisons seront incessamment fermées et qu'il sera procédé à la vente du mobilier, conformément à la loi du 5 novembre aussi dernier, » (2) sur les 12 Capucins qui se présentèrent devant les officiers municipaux, 11 manifestèrent ouvertement le désir de quitter les ordres.

D'autre part, le décret du 13 mars 1791 (3) avait autorisé les directoires des départements à choisir un lieu de retraite provisoire pour les religieux qui désireraient continuer la vie commune; le directoire du département de la Meuse, après avoir pris l'avis des directoires des districts de Verdun et d'Etain, et entendu les observations des municipalités, déclarait le 3 juin 1791, désigner 1o, pour les religieux de l'ordre de Saint-Benoit qui avaient sollicité le maintien d'une maison de leur ordre, et pour les religieux des ordres soumis à la même règle, la maison conventuelle de Saint-Vannes, amplement suffisante à l'établissement d'au moins 20 religieux; 2o, pour les Capucins et autres ordres de même nature, la maison conventuelle d'Etain.

Le directoire du département enjoignait, en même temps, aux districts de notifier l'arrêté aux personnages visés, de dresser le

(1) Cf. Duvergier, op. cit., tome 1, pages 395 et seq. (2) Cf. Duvergier, op. cit., tome 1, pages 427 et seq. (3) Cf. Duvergier, op. cit., tome II, page 256.

tableau des moines assemblés et de les inviter à se conformer aux dispositions de la loi du 14 octobre 1790 qui concerne le régime des nouveaux établissements. Les religieux étaient tenus, en effet, de procéder le plus tôt possible, en présence d'un officier municipal, à l'élection d'un supérieur, d'un procureur ou économe, d'élaborer sans retard le règlement relatif aux heures des offices, de travail, de repos, de clôture des portes et, en général, à tous les objets de police intérieure. Le 13 juin 1791, les 18 religieux qui s'étaient réfugiés à Saint-Vannes choisissaient, au scrutin secret, par devant le maire, Christophe, et le procureur de la commune, leur supérieur, Guillain Lefèvre, leur procureur, François Carit, et adoptaient un règlement discuté en commun. L'évacuation définitive de SaintVannes et la dispersion des religieux se produisit le 14 octobre 1792. D'autre part, les religieuses s'étaient groupées à Sainte-Catherine, en vertu de prescriptions analogues. La supérieure, sœur Robillard, recevait, le 19 octobre 1792, l'ordre d'expulser ses compagnes dans les trois jours et, le 28, elle annonçait à la municipalité qu'elle avait obtempéré aux instructions des autorités.

La saisie des biens ecclésiastiques opérée, il s'agissait d'en effectuer la vente au mieux des intérêts de l'État. Aussi, sur le rapport fait au nom du Comité d'aliénation des propriétés domaniales et ecclésiastiques par M. de Delley d'Agier, député du Dauphiné, la Constituante prenait-elle des dispositions sanctionnées par le décret du 14 mai 1790. (1)

Les municipalités pourront acquérir des domaines nationaux ; dans ce cas, elles adresseront au Comité une demande minutée en séance du conseil général. Les particuliers qui désireront acheter directement une portion de domaines feront leurs offres au Comité qui les renverra aux administrations centrales des départements, chargées de supputer la valeur des domaines et de les mettre aux enchères. Le prix capital des objets portés dans la demande sera fixé, d'après les revenus nets, mais à un taux différent, suivant la nature du domaine. Les biens mis en vente sont rangés en quatre classes e classe, biens ruraux, terres labourables, prés, vignes, marais salants, bois, batiments et objets de toute nature dépendants des fermes et qui servent à leur exploitation; 2° classe, les rentes

(1) Cf. Duvergier, op. cit., tome I, pages 173 et seq.

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