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Aucun fonctionnaire dont le nom ne se trouvera pas sur les listes nouvelles ne pourra, en raison de ce fait, être réputé suspect.

Le même jour, 14 brumaire (4 novembre), Delacroix procède à la refonte de l'administration du district. Bien que le conseil général du district se fùt déclaré en permanence, seuls, quelques dévoués, malgré les menaces du gouvernement révolutionnaire, assistaient régulièrement aux séances; la majeure partie des administrateurs s'abstenait non moins. régulièrement. Delacroix, qui connait ces détails, porte à six, y compris le président, le nombre des membres du directoire, et supprime, suivant les propositions du Comité de législation au représentant, le conseil général; cette suppression ne retardera nullement la marche des affaires et ne peut être que profitable aux finances de la République.

Dès lors, à partir du 14 brumaire (4 novembre), le district de Verdun comprend sept membres, avec l'agent national, qui tous jouissent des traitements accordés aux anciens directeurs Nicolas Burnet, Lecocq, Colson, Bastien, Huguin, Zambeaux et Louis Gérard, agent national. Les uns et les autres sont sommés de remplir scrupuleusement leurs fonc

Caron, rive gauche. Visite et surveillance des hôpitaux: Lespine (remplacé par Baudier, le 8 nivôse, 28 décembre; motif: n'assiste presque jamais aux séances); Collignon, confiseur. Visite et surveillance des prisons: Dordelut. Surveillance des seaux et pompes à incendie: Michel, Créhange. Logements: Évrard, Jobert, Nicolas, Barthélemy, Verjus. Subsistances:

Boivin, Créhange, Baudier (remplacé, le 1 frimaire (21 novembre), par Sibillon, parce qu'il ne vient jamais aux séances), Evrard, Mangin, Arnould, Jobert, Génin. - Certificats de civisme: Thiéry-Caré, Collignon, rive droite; Géminel, Boivin, rive gauche. La plupart des membres du conseil général prêtent serment, le 15 brumaire (5 novembre).- Officier public: rive gauche, Duchesne; rive droite, Thiéry-Caré (15 brumaire, 5 novembre). Le 18 (8 novembre), choix d'adjoints aux présidents des sections: 7o section, Tronchet remplacera Lequy ; 8o section, Salmon remplacera Sibillon; 10° section, Bourguin et Devivier. 28 brumaire (18 noven.bre) : Collard, marchand de fer, est désigné pour présider la e section. 9 ventôse (27 février): Cauyette

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est remplacé, sur sa demande, comme président de la 4o section, par Verjus fils Le 17 frimaire an III (7 décembre 1794), pour appliquer la loi sur les commissaires aux accaparements, le conseil général désigne, pour une décade seulement, Brodelet et Evrard; à l'avenir, les membres du conseil se succédèrent, dans ces fonctions, suivant l'ordre du tableau. - Le 5 frimaire an III (25 novembre 1794), le maire et l'agent national refusent leur indemnité.

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tions, à peine d'ètre réputés suspects et traités comme tels; mais les absences, pour être moins multipliées, n'en sont pas moins fréquentes. (1)

Sans doute, les personnages que le représentant Ch. Delacroix a cru devoir appeler à diriger les affaires publiques ne sont pas des hommes nouveaux ; nous les avons vus, en partie du moins, coopérer, pendant la Terreur, à l'administration de la cité; mais ceux qui ont occupé les situations. les plus en vue, ceux qui ont, en quelque sorte, affiché leur zèle ou dont le rôle fut alors prépondérant, ont disparu. D'autre part, les hommes de 1792 reparaissent. Enfin, des protestations, discrètes d'abord, puis bientôt éclatantes, s'élèvent contre le passé, en particulier, contre les actes du représentant Bò. (2)

Le président de la Commission des arts s'est inquiété des dégradations commises à la cathédrale et ailleurs; il s'adresse, le 13 brumaire (3 novembre), au district qui, le 17 (7 novembre), met en demeure la municipalité de Verdun de l'éclairer, sans retard, sur les scènes qui se sont déroulées au 8 frimaire an II (28 novembre 1793) (3), et sur les faits et gestes du citoyen Carrage et de ses auxiliaires.

Le district oubliait que l'impulsion avait été donnée par Bô, et que les corps administratifs, district et municipalité, rehaussaient par leur présence, l'éclat de la cérémonie.

Le conseil général nomme trois commissaires, Evrard, Boivin, Thiéry l'aîné, qui se livreront, sur ce point, à une

(1) Les bureaux du district étaient au nombre de 5; 1 bureau: intérieur ; 2o bureau des contributions; 3° bureau: militaire et des subsistances; 4° bureau des domaines; 5 bureau des émigrés. — Les bureaux occupaient 26 employés, dont les traitements variaient entre 400 et 1,800 livres. Paillet est nommé secrétaire, et Mondon père, qui a sollicité, par une pétition à Delacroix, sa réintégration dans la charge de secrétaire-adjoint, obtient satisfaction, après avis du district.

(2) Delacroix écrit au Comité de législation, le 14 brumaire an III (4 novembre 1794), une lettre dont nous extrayons ce passage : « L'esprit public y est bon: mais les cœurs sont encore comprimés et ce n'est pas sans peine qu'on en tire la vérité; cependant, je ne craindrai pas de dire que la masse de la population est entièrement dévouée à la République... » (Archives nationales, dossier D. III, 164.)

(3) Cf. plus haut, pages 380 et seq.

enquête approfondie, en s'adjoignant ceux qu'ils jugeront utiles. Le 28 brumaire (18 novembre), les commissaires remettent sur le bureau du conseil général un «< tableau appréciatif et raisonné des monuments d'architecture, de peinture et de sculpture qui se trouvaient dans la ci-devant cathédrale de Verdun et autres lieux. » Ce tableau, transcrit sur le registre des délibérations, est remis au district. Mais la Commission temporaire des arts considère, sans doute, ce tableau comme insuffisant, puisqu'elle demande, par la plume du citoyen Antide Janvier, dans une lettre très sévère, des indications complémentaires au conseil général de la commune de Verdun. « Je vous requiers, citoyens, de me donner un état circonstancié des dégradations de tout genre commises sur les monuments des arts et des sciences dans toute l'étendue de cette commune, autre que celui qui a été adressé à la Commission temporaire des arts, séante à Paris et qui rejette sur le nommé Carrage tout l'odieux d'insolentes dilapidations faites sous les yeux et la participation des autorités constituées... Je ne demande point, citoyens, l'état nominatif des hommes égarés par des magistrats ignorants ou perfides, de ces hommes qui n'ont vu peut-être qu'une mesure révolutionnaire dans le brigandage municipal d'alors. Mais s'il est vrai qu'il existe parmi vous un homme assez corrompu pour attaquer la source de la morale publique en donnant à ses chiens les pains renfermés dans un vase, sacré alors aux yeux des peuples, il faut que son brevet d'ignominie soit inséré dans le bulletin de la Convention.

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Le citoyen Janvier, fort au courant des événements du 8 frimaire (28 novembre), demandait qu'on lui donnât copie de la délibération qui avait dù précéder l'autodafé des statues, confessionnaux, boiseries, etc., allumé sur la place de la Roche, en présence de deux membres du département, du district, de la municipalité, de l'évêque constitutionnel, de tous les citoyens, conviés « à cette fête de vandales,» par les

(1) Inutile de faire remarquer qu'on ne trouve pas trace de cet incident dans les registres publics; le personnage visé n'était autre que l'ancien commissaire national, Madin.

appels de la générale que fit battre le procureur de la commune. Il exigeait qu'on le renseignàt, exactement et officiellement, sur le rôle des principaux acteurs, du procureur de la commune en particulier, et qu'on lui nommât celui qui avait porté le premier coup sur le « Dieu du trice. » (1)

Le conseil général obéit, et il entend ceux qui ont été mêlés de plus près à toute cette aventure: Félix Pierrard, Carrage fils, Baille, Marchand, Blanchet, Sainctelette, Simonet, sonneur de cloches, Bon, Févès, Pointurier, (23 frimaire, 13 décembre), Creps, le suisse, Buvignier, Burthé, Champion et Bister, (26 frimaire, 16 décembre). (2)

L'instruction était close, le 1er nivòse an III (21 décembre 1794). Mais le conseil général, après avoir pris connaissance de l'arrêté de Bô, en date du 26 brumaire an II (16 novembre 1793), considérant que l'exécution du dit arrêté était confiée aux commissaires des sociétés populaires et des comités de surveillance, que la municipalité de cette commune, en exercice alors, n'a pu être que témoin de la dite exécution, sans l'avoir ordonné, considérant que «< l'odieux d'insolentes dilapidations » dont l'accuse le citoyen Janvier membre de la Commission temporaire des arts, dans sa lettre du 23 frimaire (13 décembre), ne doit pas rejaillir sur elle, que ces expressions « de magistrats ignorants ou perfides qui n'ont vu peut-être qu'une mesure révolutionnaire dans le brigandage municipal d'alors » sont peu méritées, calomnieuses et insultantes à tous les membres du conseil général en exercice alors... » arrête, ouï l'agent national, que la lettre de Janvier et l'arrêté de Bò seront communiqués à la Commission temporaire des arts (1 nivôse an III, 21 décembre 1794). Le 6 nivose (26 décembre), 'la Commission, qui n'a rien reçu, s'étonne que les membres du conseil général n'aient pas répondu à Janvier et, le 7 (27 décembre), toutes les pièces sont expédiées à Janvier par Christophe Mondon,

(1) Le Dieu du trice ou de la friche, sorte d'oratoire aménagé au sud-ouest de Verdun, à quelques mètres des remparts; il n'est pas question de ce fait dans les registres publics.

(2) Cf. pièces justificatives, pages xciv et seq. Le principal inculpé, Carrage père, était mort.

qui croit devoir ajouter : « Je ne me permets aucune réflexion sur ces temps d'horreur; je suis bien fraternellement votre ancien voisin et ami. » La conclusion qui s'impose, c'est que Janvier, qui se montrait si parfaitement informé, le devait, sans doute, à l'obligeance de « l'ancien voisin et ami. »>< Quoi qu'il en soit, on n'entendit plus parler ni des dégradations, ni des responsabilités pécuniaires ou autres encourues par les auteurs, car il fut facile de se rendre compte que les coupables n'avaient fait que s'incliner devant les prescriptions reçues; d'ailleurs, à ce moment, ils avaient derrière eux la majorité des Verdunois, gens de nature fort changeante.

Cette première alarme n'était qu'un avant-coureur des représailles qui allaient prochainement s'exercer dans la cité. Des lois de réaction avaient été votées, et leur promulgation entraînait des disgràces pour ceux qui, à l'époque de la Terreur, avaient tenu des fonctions publiques. Le décret du 5 ventòse (23 février) enjoint à tous les fonctionnaires, civils ou militaires, à tous les agents du gouvernement, à quelque degré que ce soit de la hiérarchie administrative, qui ont été destitués ou suspendus de leurs fonctions, depuis le 10 thermidor (28 juillet 1794), de se rendre incontinent dans leur domicile, pour y subir la surveillance des autorités. (1)

Le conseil général de la commune, pour obéir à la loi, dresse la liste des individus que les prescriptions atteignent, et ouvre, à la permanence, un registre destiné à recevoir leur signature, car ils seront astreints à se présenter, tous les jours, à l'hôtel de ville, entre 9 heures du matin et 3 heures du soir (2). A peine est-il besoin de faire remarquer que la loi frappait tous ceux que Delacroix avait rayés des listes établies, les 13 et 14 brumaire (3 et 4 novembre).

(1) Décret mentionné dans Duvergier, op. cit., tome VIII, page 17.

(2) Pons Clément, membre du directoire du district, agent rational destitué, est assujetti à une surveillance très étroite « comme très terroriste ; » de même, Dieudonné père, administrateur du district; Buvignier Christophe, id. Au conseil général de la commune, François-Vincent Lambry, Thieroux, officiers municipaux; Rabut, Caré, vétéran, Guillot, Lazare Lion, Goury, Beaudart, Bénarmont, Larmenois, Thiébaut, notables, et Barrien, secrétaire, démissionnaires, avant la proclamation de la loi, sont laissés en liberté.

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