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demandes, celles sur la suppression des haras par exemple, étonnent et prouvent que les intérêts agricoles ou industriels de la région ont parfois été mal compris ; mais les cahiers forment un ensemble à la fois très énergique et très sensé. On a nettement vu, dans chacun des ordres, les principales réformes dont le succès était nécessaire à la prospérité du royaume, et nous n'étonnerons personne en répétant que beaucoup des idées exprimées sont presque absolument contemporaines.

IV. Les cahiers rédigés et adoptés, il reste à former les deux députations, ou plus exactement, les deux délégations ordonnées par la lettre royale du 7 février, et composées chacune d'un député ou délégué de la noblesse, un du clergé et deux du tiers-état, qui doivent choisir, en dernier ressort, les députés du Verdunois et du Clermontois aux États généraux. Pour la noblesse et le clergé, le mode est fort simple et consiste dans un scrutin unique pour chaque ordre.

Pour le tiers-état, la méthode est plus compliquée, en vertu du règlement de janvier et des instructions du 27 février. Il s'agit d'abord de procéder à la « réduction et nomination. du quart d'entre tous les députés » des campagnes du bailliage de Verdun, opération qui n'a pas lieu sans certaines protestations, mais qui s'exécute rapidement, le 28 mars, au matin (1). Puis, le même jour, les huit délégués du tiers-état

(1) Les suffrages se réunissent sur les sieurs Guérin, Lombard, Périn, Gárot, Robert, Violard, Georges, Doucet, Richier, Bourguin, Ternaux, Burlin, Bonal, Brion, Bouchelet, Périn, Breton, André, Toussaint, Peroux, Chatté, Lambquin, Garot, Mettavant, Vigneron, Holandre, Verdun, Gennesson, Noël, Bastien, Davrainville, Rouyer, Rouyer, François, Mangeot, Bertrand, Charonnet, Hazard, Limouzin, Dimbley, Lelorrain, Warin, Haussaire, Thiébaut, Constans, Collignon, Rolin, Siterlet, Martin, Marchal, George, Dégoutin, Henri, Périn, Naudin, Dejardin, Jacques, Gillant, Rollin, Haumont, Goujon, Mauvais, Larcher, Jacquemart, Gillon, Grégoire et Huguet.

«... L'article 33 du règlement porte que tous les députés au bailliage... et sans distinction des villes et des campagnes se réduiront au quart. L'article 7 de la sentence du règlement rendu par le bailliage de Verdun, le 27 février, le répète dans les mêmes termes. Il fallait donc, d'après tous ces règlements, que la réduction au quart fût faite au bailliage de Verdun entre tous les députés présents sans distinction de ceux de la ville et de la campagne. Cependant, lors des premières opérations, le bailliage de Verdun a jugé à

de Verdun, joints aux huit délégués de Marville et aux soixante-sept représentants formant le quart des délégués des campagnes du bailliage, élisent « quatre députés pour concourir avec ceux du Clermontois à l'élection de ceux d'entre eux

qui doivent former la députation aux États généraux. » (1)

Enfin, l'élection définitive se fait, le 1er avril, à l'hôtel de ville, en vertu d'une ordonnance rendue le 30 mars, en assemblée générale des trois états, par le lieutenant particulier (2). Les quatre députés du tiers-état du bailliage comparaissent, à 10 heures du matin, en compagnie des députés de la noblesse et du clergé du Verdunois (3), et de la députation du Clermontois (4). L'assemblée, après avoir

propos de distinguer les députés de la ville de ceux de la campagne. Il a prétendu que ceux de la ville étaient réduits et devaient rester 8; il a obligé ceux des campagnes seuls à souffrir cette réduction au quart; il a prétendu que les huit de la ville étaient de droit commissaires à la réduction de tous leurs cahiers en un seul. Par grâce, il a permis aux députés des campagnes de choisir entre eux 24 commissaires pour procéder à la réduction de tous leurs cahiers en un seul, sauf à le joindre à celui de la ville de concert avec les huit... de sorte que la ville est devenue maîtresse de la rédaction du cahier général du bailliage, malgré les réclamations des députés de la campagne, réclamations qui ont été étouffées par le silence absolu qu'on leur a imposé, par des ordonnances fugitives que l'on rendait verbalement, que l'on n'écrivait pas et dont il n'est resté aucune trace. C'était la meilleure manière d'étouffer la justice... » — Lettre de Doucet, ancien avocat au Parlement de Paris, député de la communauté de Thierville, au bailliage de Verdun, adressée, le 11 décembre 1789, au garde des sceaux, dans des circonstances que nous connaîtrons plus tard. (Archives nationales: B. III-153, page 505.) (1) Deulneau, Ch.-François ; Ternaux, Gabriel, demeurant à Tilly; Nicolas Gillon, avocat au Parlement, demeurant à Verdun; M. François Loison, avocat au Parlement, ancien prévôt de la prévôté royale de Damvillers, y demeurant. (Archives nationales : B. III-153, pages diverses.)

(2) Il ne faut pas s'étonner que la présidence des séances appartienne au lieutenant particulier; en effet, la décision prise en faveur du lieutenant général d'épée ne fut connue à Verdun que postérieurement au 1 avril.

(3) Henri-Louis-René Desnos, évêque et comte de Verdun, prince du SaintEmpire, et Sigisbert-Etienne Coster, chanoine de la Cathédrale, vicaire général, vice-official, etc., députés du clergé ; Conrad-Norbert, comte de Vignacourt, chevalier de l'ordre royal et militaire de Saint-Louis, et Claude-Nicolas de la Lance de Fromeréville, députés de l'ordre de la noblesse verdunoise et marvilloise.

(4) Pierre-Joseph Peraux, évêque in partibus de Tricome, vicaire apostolique des îles et terres fermes du Vent, de l'Amérique française, et Lambert Baudat, prêtre, curé-doyen de Quincy, députés de l'ordre du clergé du Clermontois.

décidé que son choix serait collectif, et avoir constitué le bureau, en y appelant un membre de chaque ordre, délégue aux États généraux, Coster, député du clergé, le baron de Pouilly, député de la noblesse, Deulneau, député du tiersétat pour le Verdunois et le Marvillois, et du Pré de Ballay, député du tiers-état pour le Clermontois, auxquels elle donne « tous pouvoirs généraux et suffisants pour proposer, rencontrer, aviser et consentir tout ce qui peut concerner le besoin de l'État, » avec le mandat de se conformer strictement aux cahiers des trois ordres. (1)

En résumé, les élections aux États généraux, dans le bailliage de Verdun, ne s'opèrent nullement sur un mode uniforme.

Pour la noblesse, ce fut une élection à deux degrés, chaque noble comparaissant en personne ou par procureur de son ordre, et concourant à la nomination des membres des députations ordonnées par la lettre royale du 7 février.

Pour les membres du clergé, suivant qu'ils étaient invités à se présenter personnellement en qualité de curés ou de bénéficiers, ou à désigner seulement des délégués à l'assemblée des trois ordres, ce fut une élection à deux ou trois degrés.

Pour le tiers-état, ce fut une élection à quatre degrés. En effet, les délégués du tiers-état, désignés par une première élection, ne concoururent pas eux-mêmes à la formation des députations; ils désignèrent, par une deuxième élection, les membres du tiers-état de Verdun, huit délégués, ceux du tiers-état des campagnes, soixante-sept délégués qui eux

Louis, baron de Pouilly, seigneur de Pouilly, Chaufour, Quincy, etc., chevalier des ordres du roi, maréchal des camps et armées du roi, et Jean-Louis de Bigaut de Grandrupt, chevalier de Saint-Louis, capitaine de cavalerie, ancien maréchal des logis des gardes du corps du roi, députés de la noblesse du Clermontois. Marie-Alexandre du Pré de Ballay, conseiller procureur du roi au bailliage du Clermontois à Varennes; Robert-François George, conseiller garde-scel au bailliage de Varennes, y demeurant; Jean-Nicolas Collas, demeurant à Béthelainville, avocat au Parlement et seigneur d'Ancerville; Jacques Destez, négociant, demeurant à Mont, députés du tiers-état du Clermontois.

(1) Archives nationales : B. III-153, page 429. C. 25 (liasse 169).

mêmes, par une troisième élection, nommèrent leurs quatre représentants aux députations composées suivant la lettre royale du 7 février; et ce furent ces deux députations, jointes aux deux députations du Clermontois, qui, le 1er avril, par une quatrième élection, choisirent les députés aux États généraux.

Le résultat des élections, ou plutôt le système employé pour constituer l'assemblée générale des trois ordres, ne satisfit nullement l'aristocratie ecclésiastique du diocèse de Verdun. Dans une réunion capitulaire tenue le 6 mai 1789, le chapitre de l'église cathédrale protestait respectueusement, mais un peu tardivement, contre les articles 14, 15 et 16 du règlement général (1). « Ces articles démontrent que les églises n'ont pas été représentées aux assemblées du bailliage, et que l'avantage d'y paraître individuellement, accordé à messieurs les curés, a dù les rendre arbitres des délibérations et maîtres des élections. Les dignitaires et chanoines de Verdun demandent à Sa Majesté d'être représentés, à l'avenir, proportionnellement à leurs propriétés soit aux États généraux, soit aux États provinciaux. » (2)

Si l'on en croit, d'autre part, un pamphlet intitulé : « Lettre d'un ami à un ami, » (3) il n'y aurait eu que treize chanoines présents à cette réunion, dont six s'opposèrent à la protestation; quant aux vingt-neufs absents, ils la désapprouvèrent. La décision aurait donc été prise par sept chanoines, jaloux à la fois de ce que les curés eussent désigné par acclamation leur évèque comme représentant du clergé aux députations, et de l'élection aux États généraux du chanoine Coster, le jeune « à qui ces sept tètes se préféraient sans doute. »

Il est bien possible qu'une minorité d'ecclésiastiques ait provoqué ces réclamations, mais elles n'ont rien qui doive

(1) Le lendemain 7, le chapitre de la collégiale de la Madeleine s'associait à ces conclusions.

(2) Bibliothèque municipale; ms. 210: Verdun-Révolution, tome Ier. Registre.

(3) Bibliothèque municipale; ms. 210: Verdun-Révolution, tome Ir. Registre. Imprimé s. d. Archives nationales: B. III-153 et Ba. 84, pages diverses.

surprendre. Les chapitres des chanoines ne pouvaient en effet s'estimer très honorés d'avoir été noyés en quelque sorte, grâce au mode de représentation que le roi leur assigna, dans la masse des autres membres du clergé.

Les quatre députés, élus le 1er avril, ne siégèrent pas tous à la Constituante jusqu'à la fin de la législature. En effet, le 24 août 1789, Deulneau, alléguant d'excellentes raisons (1), priait le lieutenant général du bailliage de Verdun d'obtenir de la Constituante qu'elle lui permît de se pourvoir auprès du garde des sceaux qui ordonnerait une convocation des électeurs du bailliage de Verdun, et l'élection d'un remplaçant. Les démarches aboutirent, et le 3 septembre, l'archevêque de Bordeaux, garde des sceaux, de Barentin, mandait au lieutenant général du bailliage, Christophe-Polycarpe Georgia, de convoquer tous les électeurs des communes du bailliage de Verdun qui avaient concouru immédiatement à l'élection de Deulneau, c'est-à-dire tous ceux qui avaient fait partie, en qualité de membres du tiers-état, des quatre députations réunies le 1er avril, afin de lui donner un suppléant. Le 12 septembre, en présence du lieutenant général assisté du lieutenant particulier « résident à défaut de l'àge compétent de monsieur le lieutenant général, » quatre électeurs sans plus, Gabriel Ternaux, Jean-Nicolas Gillon, François Loison et RobertFrançois George (2), désignèrent Gillon pour remplacer Deulneau à l'assemblée nationale. L'élection était irrégulière, bien que les quatre électeurs représentassent non seulement le tiers-état du Verdunois, mais encore le tiers-état du Marvillois et du Clermontois; car les députés aux États généraux ayant été choisis collectivement par les représentants des trois ordres, il eût fallu convoquer tous les membres des quatre députations, c'est-à-dire tous ceux qui avaient siégé le 1er avril; elle fut néanmoins sanctionnée par la Constituante.

(1) « J'ai perdu mon épouse et je reste avec trois enfants qui ont besoin de ma présence et ne peuvent rester abandonnés la fermentation de la province me rend aussi plus utile à ma résidence. » - (Bibliothèque municipale: ms. 209.) Les lettres de Deulneau sont au dossier Ba. 84. (2) Défaut prononcé contre Jacques Destez, absent.

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