Si nous avons reproduit in-extenso le récit de la fète du 14 juillet 1794, de même que l'ordre de marche de la fète de l'Etre suprême, c'est pour démontrer que ces solennités revêtent, régulièrement, à Verdun, le même caractère, et qu'elles se déroulent d'une manière identique, avec quelques variantes. Par exemple, lors des fêtes prescrites par la Convention, en mémoire des jeunes Bara et Viala, décrétées fêtes nationales et ordonnées, pour le 10 thermidor (28 juillet), dans toutes les communes de France, le cortège composé de la façon ordinaire, sauf qu'on y avait introduit deux urnes portées sur une estrade et représentant les cendres des deux héros, passa par le temple de l'Être suprême avant de se rendre sur la place de la Révolution. (1) Quant aux senti indivisible. Égalité, Liberté, Unité, Indivisibilité, Fraternité, République démocratique ou la mort. « Mallarmé, représentant du peuple français, au citoyen Lespine, maire de la commune de Verdun. Tu augmentes de plus en plus, brave républicain, l'attachement et l'estime fraternelle que j'ai voués aux sans-culottes de Verdun, en me transmettant les actes de civisme et d'énergie qu'ils développent. Je viens de lire, le cœur plein d'allégresse, la description de la fête du 14 juillet. Ah! qu'il est fait ce beau jour pour être renouvelé avec éclat; c'est à cette époque heureuse que nous avons reconquis nos droits, nos chaînes se sont brisées et nous sommes enfin devenus libres. Tâchons donc de la consolider, cette liberté, de l'affermir sur des bases larges et inébranlables; pour cela, point de tiédeur, point de sommeil, même au milieu de nos succès, et quoiqu'une ceinture de triomphe environne la République, songeons que l'aristocratie et l'intrigue forment encore l'espoir, chimérique à la vérité, de briser le câble du vaisseau révolutionnaire. Mais ce câble est entre les mains des montagnards, qui ne souffriront jamais qu'on y porte atteinte. Ils retremperaient plutôt leurs âmes que de laisser détendre d'un instant le ressort révolutionnaire. Ainsi, continuons, brave républicain, à développer sagesse et énergie, et la République ne cessera de triompher de tous ses ennemis. Salut et liberté. Mallarmé. « Le baiser fraternel aux bons patriotes de Verdun. » tion, tome III. Verdun-Révolu (1) D'autres cérémonies officielles avaient déjà eu lieu. Le 10 nivôse an II (30 décembre 1793), fête civique pour la reprise de Toulon, dont la nouvelle avait été accueillie, au conseil général, par de vifs applaudissements et les cris répétés de vive la République vive la Montagne! vivent les sansculottes ! Le 9 nivôse (29 décembre), sonnerie de cloches, salves d'artillerie renouvelées le 10 (30 décembre), au matin et à midi. Le même jour 9 (29 décembre), tous les musiciens de la garnison, de la commune et des amateurs se rendent, sur réquisition, à 4 h. 1/2, à l'hôtel de ville, pour jouer, sur le balcon, des airs patriotiques. Le 10 (30 décembre), la générale est ments dont les Verdunois faisaient montre, au cours de ces réjouissances, les autorités n'en exagéraient nullement l'expression. C'est en effet ce qui résulte d'une lettre très curieuse, adressée par un soldat en garnison à Verdun, un certain Bourgis, à une fermière dont il avait été le serviteur. Cette lettre tomba entre les mains de la société populaire de Troyes (Société régénérée des amis de la liberté et de l'égalité), qui dénonça Bourgis, pour les propos contenus dans sa missive, à la société populaire de Verdun. Bourgis, après avoir expliqué comment il esquive ses obligations militaires, ajoute : « Je vous dirai que l'on danse dans la cathédrale comme dans une halle, tous les jours de décade. La musique roule tout par les rues, avec des chansons de liberté et des larmes de tous les cœurs, du temple de la Raison; l'on dirait ma foi que la paix est faite. Le jour de la dernière décade, on a planté un arbre de la liberté sur la place (1) : il y avait bien 4,000 personnes à l'entour qui faisaient des cris de vive la République et, les sans-culottes, pour un arbre qui est gros comme mon pouce, mettent un factionnaire pour le garder et l'ont entouré de pieux, la hauteur d'environ six pieds. Vous n'avez jamais connu du monde aussi bète qu'à Verdun. La moindre des : battue à midi; à 1 h 1/2, la garde citoyenne se rend sur la place de l'Égalité; la garnison fournit un piquet de 200 hommes sur les places Marché, Mazel, d'Armes et du Gouvernement. La gendarmerie nationale, la cavalerie montent à cheval et se forment en bataille rue du Pont-Neuf. Un cortège s'organise, analogue à ceux décrits plus haut, et se dirige, à 2 heures précises, de l'hôtel de ville, par de nombreux détours, vers le temple de la Raison, où l'on chante des hymnes patriotiques, et sur la place de la Révolution, où un grand feu est allumé au bruit du canon. Sur chaque place, un héraut d'armes crie par trois fois : « L'infâme Toulon est vaincu vive la Nation! vive la République vive la Montagne! » Le soir, illumination générale. — Le 10 ventôse an II (28 février 1794), fête de la plantation d'un arbre de la liberté, sur la place de la Révolution, pour remplacer l'ancien qui s'est desséché. « L'intempérie des saisons, le contre-temps où il fut planté ne lui avaient pas permis de prendre racine. » Cette fois, on amène une sérieuse quantité de terre pour faciliter la végétation, et l'arbre est planté, le 10 (28 février), devant toutes les autorités constituées, la société populaire et une foule considérable de citoyens et citoyennes qui marquent leur allégresse par des illuminations. Enfin, tous les décadis, depuis le 5 frimaire an II (25 novembre 1793), fêtes décadaires au temple de la Raison. (1) Cf. note ci-dessus. choses qu'il y ait de nouveau, c'est des réjouissances à ne pas finir de la journée. » (1) Les opposants, s'il y en avait, ne se montraient pas, du moins en 1793 et au début de 1794. Mais déjà, en thermidor (juillet), les partisans de la contre-révolution relevaient la tête; et, le jour de la fête de Bara et Viala, il est vrai que c'était le lendemain de la chute de Robespierre, chute encore ignorée à Verdun, les membres de la société populaire se plaignaient qu'une quantité de muscadins se fussent permis de se montrer, en habits de deuil, pour braver la joie universelle. L'heure de leur revanche allait sonner. VI. Ce fut le 12 thermidor (30 juillet) que l'on connut, à Verdun, les événements qui avaient failli engendrer à Paris un mouvement révolutionnaire et qui avaient abouti à l'exécution du dictateur Robespierre. La société populaire en eut la primeur. Un des membres monte à la tribune, déclarant qu'il allait annoncer aux assistants des nouvelles de la plus haute importance qu'il fallait entendre avec fermeté. Un complot avait été ourdi contre la Convention; mais les auteurs découverts, le peuple avait aidé ses mandataires fidèles à sauver la Patrie en se saisissant des contre-révolutionnaires, Robespierre, Saint-Just, Couthon, Henriot, Dumas, etc. On comprend aisément la stupéfaction profonde qui se peignit sur tous les visages à la suite de semblables révélations; pour parer à toute éventualité, la société constituait une permanence de quatre membres qui siégeraient de 8 heures du soir à 6 heures du matin (2), et prévenait la commune, le comité révolutionnaire, le général de division, Elie, et le bureau de l'état-major. Le conseil général fut officiellement informé de cette sanglante tragédie, le 13 thermidor (31 juillet), par le bulletin de la Convention nationale « relatif à la conspiration de Robespierre et de ses complices. » (10 thermidor, 28 juillet). (1) Archives communales, C'. Société populaire, 18 ventôse an II (8 mars 1794). (2) La permanence est renouvelée le 14 et levée le 15 (1er août, 2 août). Un sentiment « d'horreur et d'indignation » s'empara de tous les membres qui se levèrent et prêtèrent un serment tout spontané: « Nous jurons de maintenir de tout notre pouvoir l'unité, l'indivisibilité de la République, la liberté et l'égalité; de rester fidèles à notre patrie, de ne reconnaître que la Convention nationale, de n'obéir qu'à ses décrets et de poursuivre jusqu'à la mort les aristocrates, les modérés, les traîtres et les conspirateurs. » Le maire et l'agent national proposent immédiatement le vote d'une adresse à la Convention, pour la féliciter « de son attitude imposante et de son triomphe sur les traîtres et les conspirateurs, >> et l'inviter à rester à son poste. Le lendemain 14 (1er août), Blanchet, agent national, lit l'adresse qu'il a été chargé de rédiger, ainsi que la proclamation de la Convention sur la conspiration de Robespierre et de ses complices. Le conseil général arrète l'impression de ces documents, et, sur la motion d'un membre, jure à nouveau, dans un élan d'enthousiasme « fidélité à la République une et indivisible, amour pour la Patrie, attachement inviolable à la Convention nationale, haine profonde contre les traitres. » (1) Le 25 thermidor (12 août), le conseil général recevait, des représentants du peuple composant la Commission des dépèches, une lettre datée du 22 (9 août), le remerciant de son adresse qui avait eu les honneurs de la mention et de l'insertion au bulletin. Le gouvernement révolutionnaire, tel que Mallarmé l'avait constitué, pouvait considérer son œuvre comme terminée; la réaction allait se produire, insensible d'abord, pour devenir bientôt maladroite et brutale. (2) (1) Cf. pièces justificatives, pages xc, XCIII. (2) Le 22 thermidor (9 août), l'agent national requiert que le conseil général s'occupe d'organiser les comités civils des 14 sections de la communc (a), et qu'il fasse choix de citoyens capables, par leur zèle, leur patriotisme et leurs talents, de remplir les fonctions essentielles qui leur seront désignees. Le 27 thermidor (14 août), ces comités sont constitués; 1o section: président, Barthélemy; membres, Cl. Defrance, Louis Demoget. — 2o section : Doré, J. François, Rabut et Bonnet. 3o section Joseph Pion, président; François Petre et Jacques Arnould, membres. 4 section : Chanonin, (a) Nous n'avons trouvé aucune trace de la création de ces comités civils, pas plus dans le Moniteur que dans le Bulletin des lois ou dans les archives locales. Ces comites civils remplacent simplement, avec les mémes attributions, les anciennes mairies des quartiers. Jusqu'au mois de septembre 1793, la ville de Verdun, nous le savons déjà, vécut dans des transes perpétuelles, redoutant toujours d'apercevoir, sur les hauteurs voisines, les silhouettes ennemies; aussi les préoccupations de la défense militaire demeurent-elles capitales. Le général Monard, commandant en chef, avait quitté Verdun pour Montmédy, après avoir fait ses adieux aux administrateurs du district, le 19 août (1). Suppléé, pendant quelques jours, par le commandant temporaire, Baille, il avait été remplacé par le général de division Elie, de l'armée des Jacques Denis, Christophe Mangin. e 5o section: Adam Witier, Beaugeois, Viard. — 6 section: Saintin Jozan, Mazilier, Évrard. -7° section: Pemmejean, Toussaint Lequy, Lauban. 8 section: Sibillon, Mangeard, Vidal fils. - 9o section: Conscience, Baudier, tailleur, Lajoux, id. 10° section: Denis, Toussaint, Gobert. 1 section: Buvignier l'aîné, Boivin, Alexandre. 12 section: Lucas, Boivin fils, Demangeot, tailleur. 13° section: Pérignon, Jobert et Blanchet. 14 section: Migeon, Legardeur et Nicolas Marchal, de Glorieux. Ces sections n'étaient pas autre chose que les anciennes divisions établies dans la ville et les faubourgs, pour la répartition des taxes contributives, dans le cours de janvier et février 1791. (Cf. plus haut, pages 105, 106.) Le Faubourg Pavé formait la 13° section, et Regret, Glorieux, Jardin-Fontaine, Maison-Rouge et Baleycourt, la 14a. La création des sections, avec un président et deux adjoints, entraîne la disparition des mairies du Faubourg et de Regret, Glorieux, etc. Nous savons que la dernière mention que les registres portent de la mairie du Faubourg remonte au 4 nivóse an II (24 décembre 1793). (Cf. plus haut, page 392.) Pour ce qui concerne la mairie de Regret, Glorieux, etc., nous lisons cette note au registre des délibérations du conseil général, le 29 juillet 1793: « Sur l'exposé du citoyen Maurice, maire de Glorieux, qui déclare n'avoir pas assez d'intelligence pour dresser d'état des citoyens du faubourg de Glorieux et Regret depuis 16 jusqu'à 25 et depuis 25 jusqu'à 35, le conseil général arrête que ledit maire sera tenu de donner sa démission ou de remplir les devoirs que la loi lui prescrit. » Or, le 11 messidor an II (29 juin 1794', l'agent national réclame des poursuites contre Migeon et consorts, parce qu'un certificat de civisme a été délivré « par le maire et gens de justice de la commune de Glorieux, Regret, etc., » et qu'il porte les signatures de Migeon, maire, Legardeur, lieutenant de maire, Jean Renaud, Legardeur Jean-Baptiste, Lajoux et Antoine Loyal. Le conseil général ne reconnaît donc plus la fonction; mais Migeon, qui a été nommé, depuis la création des sections, président de la quatorzième, et qui a oublié son nouveau titre, n'est pas le seul coupable, puisqu'il peut exhiber une réquisition signée de deux membres du conseil général et intitulée: «Au maire de Glorieux. » Migeon et autres se bornent à invoquer leur bonne foi, et le conseil général s'en tient à une simple admonestation. Ainsi disparaît jusqu'au souvenir de la mairie de Glorieux, Regret, etc. (1) Archives communales, I. Affaires militaires. |