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l'éternel qui nous jugera tous si Fouquerel est aristocrate, un homme dangereux à sa patrie, un contre-révolutionnaire, » affirment hautement qu'il s'est toujours montré ardent patriote, partisan zélé de la liberté et de l'égalité, de la République une et indivisible, et expriment le vœu qu'il soit laissé en liberté (1). Le soir venu, l'assemblée, qui n'a pas complètement rempli sa mission, s'ajourne au dimanche suivant. 7 juillet.

La suspension de Catoire et de Paillet avait laissé vacants les sièges du maire et du procureur de la commune. Sans doute, le département avait autorisé, les 29 et 30 mai, le directoire du district à nommer simplement un remplaçant à Catoire et Paillet et à choisir des commissaires pour combler ses propres vides. Mais le directoire, qui hésitait à entrer en conflit avec la partie turbulente des citoyens, avait sollicité du département des instructions complémentaires; lorsqu'il fut muni de ces instructions, parties de Bar, le 9 juin, il dut agir, et, le 12 juin, il élut pour maire, Cliquet, pour procureur de la commune, Buvignier, pour membres du directoire, Alis, professeur de mathématiques et Dauphin marchand. Ce choix, approuvé le 30 juin par le département, devait être notifié, le 6 juillet, au conseil général de la commune (2). Mais, le 6 juillet, le peuple se porta en foule à l'hôtel de ville réclamant l'exercice de ses droits; il obligea le représentant près l'armée de la Moselle, Cusset, de passage à Verdun, de tenter une démarche auprès du directoire pour obtenir qu'il consentit à suspendre l'installation de Cliquet et de Buvignier,

(1) Archives communales, C. Détenus, suspects. Des dénonciations furent portées, mais non retenues, contre Anchy et Petit. En revanche, Miraucourt, Prous, Boucton, Gossin, curé d'Esnes, Dugas furent déclarés suspects. (2) « Aux citoyens officiers municipaux de Verdun. Citoyens, nous vous invitons et au besoin requérons de faire convoquer aujourd'hui 6 juillet, pour les 5 heures du soir, le conseil général de la commune de Verdun pour être présent à la réception et à l'installation du maire et du procureur de la commune, provisoirement nommés. Nous vous prévenons que les membres du directoire du district se transporteront à la municipalité pour cette opération. Les administrateurs du district de Verdun J.-B. Richard-Batilly, vice-président, C. Pons, Dessain, Gérard, suppléant le procureur syndic, et Wandelaincourt secrétaire-commis. Archives départementales, Registre du district, L. 354.

jusqu'à ce que la Convention cût statué sur le cas de Catoire et de Paillet. Les administrateurs, qui savaient «< tout sacrifier à l'intérêt et à la tranquillité publique, » durent s'incliner (1). Ces questions, d'ordre purement municipal, préoccupaient encore et surtout l'assemblée générale des citoyens qui se tint le lendemain, 7 juillet, dans les mêmes formes que celle du 30 juin, à l'église des Jacobins. Mais ce qui lui valut un attrait tout particulier, ce fut la présence du citoyen Cusset, prié par une délégation de 8 membres, de se rendre au milieu du peuple pour recueillir ses vœux et en bien connaître l'esprit. Cusset paraît; il prend la parole et assure les Verdunois de son estime, malgré la calomnie qui les a salis. Le décret promulgué par la Législative, dit-il, était une mesure politique destinée à maintenir, par la terreur d'un grand exemple, les autres villes que des circonstances aussi malheureuses auraient pu menacer. Mais la Convention nationale a rendu justice à la population. « Quant aux persécutions ultérieures, ajoute-t-il, elles honorent ceux qui y ont été en butte; vous ne seriez point persécutés, si vous n'étiez point patriotes; continuez à maintenir parmi vous cet excellent esprit d'ordre, de paix et de fraternité qui a toujours distingué votre ville; nos ennemis communs qui n'ont de ressources que dans nos divisions frémiront de ne pouvoir ébranler notre fermeté républicaine, et alors vous mériterez bien de la patrie. » Le président, Lespine, qui fait fonctions de maire, répond brièvement, et le peuple proclame énergiquement « son dévouement jusqu'à la mort, à la liberté, à l'égalité, à la fraternité et au maintien de la République, sa soumission absolue aux lois, son horreur de la tyrannie, du despotisme, de l'anarchie et de toute espèce d'absolutisme, sa haine mortelle aux contre-révolutionnaires et aux traitres, son indignation des ordres illégaux et des arrestations nocturnes qui ont affligé cette ville. »>

(1) Archives communales, D. Actes de l'administration municipale. — Le 4, en séance publique, le conseil général avait procédé à une nouvelle dénomination des rues et places de Verdun. Cf. pièces justificatives, pages XLIV,

XLV.

A peine Cusset, dont le départ est salué par des applaudissements nourris et les cris répétés de Vive la République, a-t-il disparu, que Lespine annonce le retour des quatre délégués à la Convention, Delayant, Christophe, Piéron et Périn. Leur mission n'a pas eu tout le succès désiré. Les délégués ont présenté, le 11 juin, à la Convention, leur pétition qui a été favorablement accueillie et remise aux Comités de législation et de salut public. Ces Comités minutaient, le 23 juin, un projet de décret conforme aux vœux des Verdunois et qui a été renvoyé au Comité de sûreté générale. Le Comité de sûreté générale, qui devait déposer son rapport, le 30 juin, puis le 3 juillet, n'a rien fait, et les délégués, lassés d'attendre, ont quitté Paris, après avoir confié tout le dossier au représentant Drouet. (1)

Cet intermède n'a point fait oublier à l'assemblée, qui manifeste d'ailleurs toute sa satisfaction aux délégués, que le principal souci du moment réside dans le nouveau différend entre le district et le conseil général de la commune. Sans doute, Cusset a pu obtenir que le district ne persistat pas dans son dessein d'imposer aux officiers municipaux un maire et un procureur syndic; mais on raconte que dans un entretien particulier qu'il a eu avec le représentant, le district a su lui inculquer l'idée que l'opposition ne venait pas de tout le peuple, mais de quelques factieux seulement. Le moment est donc venu pour le peuple de se prononcer ouvertement. L'assemblée, consultée, considère que le nom de factieux donné aux magistrats et aux citoyens dénoncés par les administrateurs doit s'étendre à l'universalité des citoyens de Verdun, que les membres qui composent le conseil général de la commune ont toujours bien mérité de leurs concitoyens, et que le maire et le procureur syndic continuent à jouir de la confiance publique.

Cusset, qui, en cette occurrence, prend nettement parti contre le district, informé de ce vote, se présente à nouveau

(1) Les papiers du Comité de sûreté générale (F.7 4566, Meuse), aux Archives nationales, ne contiennent, sur cette affaire ou sur d'autres, aucun document intéressant Verdun.

pour engager les membres du corps municipal à se retirer; de cette façon, ses ennemis ne pourront alléguer que l'assemblée n'a pas eu l'audace de prendre une décision. contraire devant le conseil général qui préside officiellement les débats. La municipalité se retire, et, comme on pouvait le prévoir, les citoyens réunis « formant, dit le procès-verbal, la presque totalité des citoyens de Verdun, » (1) renouvellent leurs précédentes déclarations. Les motifs de suspension invoqués par les représentants de la Convention près l'armée des Ardennes, contre Catoire et Paillet, sont faux. Les administrateurs du district qui ont voulu installer, à leur lieu et place, des hommes de leur choix, ont démérité de leurs concitoyens. Le peuple de Verdun ne reconnaîtra, pour magistrats municipaux, que ceux qu'il aura choisis. Le citoyen Buvignier, membre du conseil général, qui a refusé les fonctions de procureur de la commune, les citoyens Cusset, Delayant, Christophe, Piéron, Périn, sont spécialement félicités et Dessain, « le calomniateur, » (2) (2) a perdu la confiance générale.

Personne ne proteste contre cette diatribe qui est adoptée à l'unanimité. Le procès-verbal de la séance sera imprimé, affiché, et un exemplaire en sera délivré à chacun des citoyens que cela concerne particulièrement.

Piéron qui, depuis l'intervention de Cusset, a occupé le fauteuil de la présidence, assisté du secrétaire, Périn, informe la municipalité des résolutions qui ont été adoptées, et les magistrats témoignent à leurs concitoyens « leur sensibilité et leur reconnaissance, » jurant de rester unis ou de périr pour l'exécution des lois, pendant que les citoyens, de leur

(1) Les assistants étaient au nombre de 450 environ, alors que le chiffre des citoyens âgés de 25 ans et au-dessus se montait, au 11 septembre 1793, à 2,250.

(2) Harmand, député de la Meuse, avait appris aux quatre délégués près la Convention qu'il existait contre eux une dénonciation lancée au Comité de sûreté générale, où il était dit qu'ils n'étaient nullement envoyés extraordinaires de Verdun, mais simplement porteurs d'une adresse dont les signatures avaient été mendiées de porte en porte. Cette dénonciation portait quelques signatures dont une seule lisible, celle de Dessain.

côté, font le serment « de défendre leurs magistrats contre toutes les persécutions que leur attireraient leur amour pour la liberté et la fidélité de leur devoir. >>

Les jours s'écoulent et la Convention ne se prononce toujours pas sur les cas qui lui ont été déférés. Aussi, le 19 juillet, Christophe donne-t-il, au conseil général, lecture d'un projet de lettre, d'ailleurs adopté, où la municipalité rend d'abord un compte rapide de la promulgation dans Verdun de. l'acte constitutionnel (1), et où elle supplie instamment la Convention de voter le décret si impatiemment attendu : « Rendez, citoyens représentants, rendez au peuple de Verdun ses magistrats illégalement et sans fondement destitués ou suspendus. Que le règne de la loi fasse enfin disparaître les autorités tyranniques qui assassinent la liberté en assassinant les personnes et les propriétés, ces prétendus pouvoirs constitués que la Constitution, que nous venons d'accepter avec empressement, réprouve et proscrit. » (2)

Mais si, d'une part, le conseil général de la commune proteste de son dévouement à la Convention, de l'autre, la société des Amis de la liberté et de l'égalité, qui traînait à sa remorque le conseil général dans l'affaire Fouquerel, qui dirigeait

(1) Reçus par le conseil général, le 12 juillet, l'Acte constitutionnel, dit de l'an I, et la Déclaration des droits de l'homme avaient été proclamés, le 14, en grand appareil, devant les assemblées primaires, convoquées le 13. Les trois sections de la ville et des faubourgs de Verdun acceptèrent à peu près à l'unanimité la Déclaration des droits de l'homme et l'Acte constitutionnel, cependant que les salves d'artillerie, les sonneries de cloches et les illuminations mettaient la ville en joie.

Cf. aux Archives nationales (B. 112, 19) les procès-verbaux d'acceptation des trois assemblées primaires (section du Collège, unanimité, 352 votants; section des Minimes, unanimité, 290 votants; section des Augustins, unanimité moins deux, 327 votants).

(2) Le conseil général adressait, en outre, le 25 juillet 1793, une longue lettre aux représentants du peuple près l'armée des Ardennes, où il retraçait, avec quelques inexactitudes, toute l'histoire des différends survenus entre le département et le district d'une part, et la municipalité d'autre part. I se plaignait amèrement d'être oublié, et de la Convention, et de Drouer, auquel le dossier avait été remis; il réclamait, de nouveau, avec énergie, la liberté pour Fouquerel et le retrait de la suspension qui frappait Catoire et Paillet. Cf. pièces justificatives, pages XLVI et seq.

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