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visoire engageait, le 23 octobre, ses concitoyens à célébrer « par tous les signes extérieurs qui sont en leur pouvoir et usités en pareille circonstance en illuminant les façades de leurs maisons (1) » l'expulsion, hors de la terre de France, des hordes ennemies. Mais les réjouissances publiques furent surtout multipliées cinq jours après, le 28 octobre, lors de la fète ordonnée par la Convention pour accompagner la publication du décret proclamant la République, et l'annonce des succès remportés par les armées françaises en Savoie. Ce jour-là, dès neuf heures du matin, les membres de la commission extraordinaire et ceux de la commission municipale provisoire, fraternellement confondus, sans ordre de préséance, prennent place entre deux haies de troupes de la garnison, et donnent lecture, au milieu des cris répétés de « vive la République! » du décret abolissant la royauté et établissant la République. A midi, plantation solennelle, sur la place de la Roche, appelée depuis ce jour place de la Révolution, d'un arbre de la liberté, « un chêne avec tous les moyens de précautions nécessaires pour qu'il prenne de profondes racines. » Une foule considérable, encadrée par des détachements de cavalerie, d'infanterie de ligne, de volontaires nationaux, écoute, recueillie, le discours « bref mais énergique » du citoyen Sommellier, président de la commission extraordinaire, et salue aux cris redoublés de « vive la liberté ! vive l'égalité! vive la République ! » l'arbre de la liberté d'abord, puis l'apparition d'un bonnet phrygien juché au sommet d'une longue aiguille de sapin dressée à côté de l'arbre. Les choeurs de la cathédrale, auxquels se sont mèlés des musiciens amateurs, chantent, au milieu de l'enthousiasme universel, la Marseillaise dont on a distribué la veille six cents exemplaires, et qu'accompagnent les décharges de mousqueterie, les salves d'artillerie et les sonneries de cloches. Puis, comme toute cérémonie officielle conserve, jusqu'à cette époque du moins, un caractère nettement religieux, les corps constitués se rendent, escortés d'un détachement de volontaires nationaux, à la cathédrale où l'évêque constitutionnel, qui a assisté à la

(1) Archives communales, Registre de la commission municipale provisoire.

plantation de l'arbre de la liberté, entonne un Te Deum d'actions de grâces pour les succès de l'armée française, et les réjouissances publiques se terminent par l'exécution, sous les voûtes de l'édifice, de l'hymme des Marseillais.

VIII. — Pourtant ceux qui, dans Verdun, détenaient le pouvoir n'étaient pas sans inquiétude sur la façon dont la Convention apprécierait leurs actes. Avaient-ils le droit de réintégrer, en quelque sorte, de leur propre autorité, les Verdunois dans leurs droits de citoyens en les conviant à célébrer, comme le reste des Français, l'avénement d'une ère nouvelle et le triomphe de nos soldats? Les commissaires s'étaient d'abord montrés perplexes, puis, en l'absence de représentants du peuple, ils avaient pris sur eux d'organiser la fête. Mais les craintes n'étaient pas calmées, et l'on se demandait si l'on n'avait pas tout à redouter des rigueurs de l'assemblée nationale. Aussi, avec quelle satisfaction la commission municipale provisoire apprit-elle, le 19 novembre, que le citoyen Ybert et le général Galbaud avaient courageusement pris, devant l'assemblée, la défense de la cité. Ce jour-là, en effet, l'un des commissaires déposait, sur le bureau, deux brochures intitulées, l'une : « Pétition présentée à la barre de la Convention nationale, par le citoyen Ybert, » l'autre : « Observations sur la pétition présentée à l'assemblée nationale, dans la séance du 28 octobre 1792, par F. T. Galbaud, maréchal de camp, ancien commandant de Verdun. » La commission municipale décidait, après lecture faite, d'en ordonner l'impression à 1.200 exemplaires qui seraient adressés aux principales municipalités de la République. (!)

(1) La municipalité, nouvellement élue, remerciait Galbaud, le 29 novembre, en lui adressant l'une des deux lettres suivantes, proposées en assemblée générale laquelle ? nous l'ignorons.

1° Citoyen général. S'il est du devoir de l'honnête homme de voler au secours des opprimés, il en est un plus sacré encore, c'est celui de la reconnaissance. Permettez, général, que les nouveaux magistrats du peuple consacrent, en son nom, les premiers moments de leur administration, à vous en offrir le sincère témoignage; il est cher à leur cœur; vos observations sur la calomnie présentée à la Convention nationale a bien des titres à notre gratitude; les circonstances où elles parurent, le noble sentiment qui les a dictées, les vérités qu'elles énoncent, l'innocence qu'elles défendent, tout concourt à

Sans doute, la Convention avait prèté une attention bienveillante à ces éloquents plaidoyers; mais si cette considération suffisait à ranimer les courages, les difficultés matérielles qui résultaient de la situation particulière faite aux habitants de Verdun n'en subsistaient pas moins. En effet, l'époque des élections aux différents corps administratifs approchait. Ces élections se feraient-elles, à Verdun, comme dans les autres districts de la nation? C'est, du moins, le sens de la question posée, le 8 novembre, au directoire du département de la Meuse, par la commission extraordinaire qui lui demande, en même temps, de prendre une décision sur ce point. Le 18 novembre, le directoire répondait : « Considérant que la Convention nationale a déclaré par la loi du 14 septembre dernier les citoyens de Verdun traitres à la Patrie, que les commissaires à la suite de l'armée du Centre ont établi dans cette ville une commission prise dans le département pour informer contre les coupables, que le rapport de cette commission étant adressé à la Convention, il est intéressant, avant de procéder à aucune élection, d'attendre une décision qui fera connaitre les citoyens de cette ville qui seront justifiés pour éviter que, sous prétexte de suspicion, ceux qui sont restés fidèles à leur devoir ne soient privés du suffrage de leurs concitoyens et l'administration de sujets dignes de la confiance publique... arrête que les élections seront suspendues dans l'étendue du district de Verdun pour la nomination. des membres de l'administration et du tribuna! du district ainsi que de la municipalité, des juges de paix et leurs greffiers,

leur donner dans notre cœur le prix qu'elles reçoivent du vôtre. Général, soyez persuadé comme nous, que rien n'égalera jamais ce que nous vous devons, sinon nos sentiments d'admiration pour vos vertus civiques et vos talents militaires. Les membres du conseil général de la commune de Verdun. »

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2o« Citoyen général. Les habitants de Verdun ont vu, non sans verser des larmes d'attendrissement, le mémoire que l'amour de la vérité vous a inspiré en leur faveur; il porte une lumière si vive sur les causes multiples de leur infortune qu'ils espèrent être bientôt remis au nombre des enfants de la Patrie. Ce bienfait qu'aucune reconnaissance ne saurait égaler, nous vous le devons, et nos enfants répèteront après nous : l'opinion publique avait pensé flétrir notre pays, Galbaud la fit taire. »

Archives communales, I" Siège de Verdun, brouillons.

dans le territoire de la ville de Verdun seulement, ensemble la nomination des directeur et contrôleur des postes... » (1)

En dépit de cette décision, le procureur syndic de la commission extraordinaire, Périn, convoquait, pour le 18 novembre, à 9 heures du matin, les électeurs du district de Verdun, dans la grande salle de l'évêché, afin de procéder, en exécution du décret de la Convention nationale en date du 19 octobre (2), au choix: 1o du procureur syndic de l'administration du district, 2o des membres du directoire, 3o des autres administrateurs, 4° des juges, commissaire national, suppléants de juges et greffiers du tribunal de commerce, 6o des membres du bureau de paix du district, 7o du directeur des postes.

Les électeurs réunis assistèrent tout d'abord à une messe solennelle dans l'église cathédrale, puis l'assemblée procéda aux élections dans les formes ordinaires, éminemment compliquées comme on a pu s'en rendre compte plus haut (3). Les président, secrétaire et scrutateurs installés, le bureau jura « d'être fidèle à la nation, de maintenir la liberté et l'égalité ou de mourir à son poste. » Les électeurs répétaient ce serment, lorsqu'un messager déposa sur le bureau de l'assemblée une copie des arrêtés de la commission extraordinaire et du directoire du département ordonnant la suspension des opérations électorales, dans le district de Verdun, jusqu'à ce que la Convention eût statué sur le sort des citoyens. Les électeurs refusèrent d'obtempérer à ces arrêtés, « considérant

(1) Une expédition du présent arrêté était envoyée au ministre de l'Intérieur et aux commissaires de l'armée du Centre. Verdun-Révolution, tome II, et Archives du département de la Meuse, directoire du département. (2) Cf. Duvergier, op. cit., tome V, page 23.

(3) Archives départementales, Registre des procès-verbaux de l'assemblée des électeurs. Président provisoire, le plus ancien d'àge, Dominique Babin, électeur de Verdun; secrétaire et scrutateurs provisoires, Ch.-J.-B. Hémonet, électeur de Verdun; François Caillaux, électeur de Souilly; Vincent Lambry, électeur de Verdun; Louis Toussaint, électeur de Manheulles. Bureau définitif Président, J.-B. Aubry, évêque de la Meuse; secrétaire, J.-P. Collard, notaire à Verdun; scrutateurs, Jean-François-Etienne Lavocat, membre de la commission provisoire, électeur de Tilly; Jean Gillant, ancien officier de carabiniers, électeur de Consenvoye; Nicolas-Hyacinthe Picard, notaire et électeur à Dannevoux. 68 votants.

que la loi du 14 septembre contre Verdun, énoncée dans le dit arrêté, ne peut frapper en aucune manière la généralité du district que la disposition du dit arrêté tend à faire envisager comme coupable, ce qui ne peut se présumer, que la commission extraordinaire formée à Verdun par le département et non par les commissaires de la Convention nationale à l'armée du Centre mais seulement autorisée par eux, a été composée en partie par des citoyens de cette ville, malgré les observations du département à cet égard, ce qui prouve évidemment que le glaive de la loi est suspendu seulement sur quelques individus et non sur l'universalité des citoyens qui la composent, et que le rapport de la commission extraordinaire à la Convention nationale ne peut intéresser ni regarder en rien le corps électoral; considérant, en outre, les raisons alléguées par le département pour différer les élections des corps administratifs et judiciaires de ce district jusqu'à ce que les citoyens de Verdun soient lavés de tout reproche, afin que ceux restés fidèles à leur devoir ne soient pas privés du suffrage de leurs concitoyens, et l'administration de sujets dignes de la confiance publique... enfin que le décret de la Convention nationale qui ordonne le renouvellement des corps administratifs et judiciaires, en date du 19 octobre, est bien postérieur à ce décret du 14 septembre invoqué par le département, plus encore à la reddition de la place effectuée le 1er du mois de septembre, qu'il n'y a dans cette loi pour toute la République aucune exception directe ou indirecte portée à l'égard du district de Verdun, que, depuis, aucune loi n'en a arrêté ou suspendu l'exécution, ce que la Convention n'eût pas manqué de faire si elle l'eût jugé convenable et expédient..... » L'assemblée, frappée, en conséquence, de tous ces motifs, arrêtait qu'il serait, sans désemparer, procédé aux élections ordonnées par la Convention nationale; et, le même jour, à deux heures de l'après-midi, elle inaugurait les opérations électorales qui durèrent les 18, 19, 20, 21 et 22 novembre (1). Il est à

(1) Archives départementales, Registre des procès-verbaux de l'assemblée électorale. 18 novembre: 72 votants. Jean-Nicolas Garot, notaire à Fresnes, élu procureur syndic, accepte; Joseph Dessain, demeurant à Dugny; Clément

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