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Cette conduite ne fut pas sans réconforter les patriotes dont l'espoir grandissait de jour en jour, malgré les bruits alarmants qui circulaient dans Verdun. (1)

- De son côté, la Législative n'avait pas hésité à flétrir, comme il convient, la conduite des Verdunois et la pusillanimité des administrateurs, Ternaux et Gossin. Le 5 septembre, elle rendait le décret suivant:

« Article Ier. Il y a lieu à accusation contre MM. Ternaux, président du département de la Meuse et Gossin, procureur général syndic du même département. Article II. Les membres de l'administration du district de Bar, et ceux du conseil général de la commune qui ont pris part à la délibération par laquelle MM. Ternaux et Gossin ont été invités à obéir à l'ordre qui leur a été intimé sont destitués et déclarés incapables d'exercer en aucun temps les droits de citoyens. français. Article III. L'assemblée électorale procédera surle-champ au remplacement du conseil général du département de la Meuse. » (2) Le ministre de l'intérieur avait notifié ce décret au président de l'assemblée électorale de la Meuse, à Châlons, le 7 septembre, en lui enjoignant de s'y

pages 261 et seq. Mérat est en partie erroné sur ce point. George était alors « juge-président du tribunal du district de Clermont, séant à Varennes. » (1) « La ville de Verdun est dans un état déplorable; elle est dépavée et brûlée en plusieurs endroits. Les Prussiens publient que Thionville a été pris après s'être longtemps défendu. On croit à Verdun que les Anglais ont débarqué à Brest au nombre de 20,000. Le président du tribunal district de Varennes est arrêté et actuellement dans les cachots. La caisse d'Étain a été enlevée, elle contenait 200,000 livres. Celle de Verdun l'a été également. Nous avons vu les habitants des campagnes récolter leurs champs. Nous ne pouvons rien vous dire de plus en ce moment, mais nous réclamons des secours. » Lettre de Ternaux et Gossin, écrite, le 5 septembre, de Verdun à l'assemblée. (Voir le début page 260. Moniteur du 8 septembre 1792, et Archives nationales, F. 7, 3682-13.)

(2) Le décret, qui comprend en outre deux articles d'ordre général sur le transfert du siège des différentes administrations et les responsabilités des fonctionnaires en cas d'invasion, est précédé de ces quelques lignes : « L'Assemblée nationale, ouï le rapport de sa commission extraordinaire, considérant que MM. Ternaux, Gossin, président et procureur syndic du département de la Meuse, en obtempérant à l'ordre qui leur a été notifié au nom du roi de Prusse, ont trahi leur serment et violé par la plus inique lâcheté les droits et la souveraineté de la nation française..., décrète.. » (Moniteur, vendredi 7 septembre 1792.) Le décret est mentionné dans Duvergier, op. cit., page 425, tome IV.

conformer sans délai, et l'assemblée avait élu les 9, 10 et II septembre, trente-six nouveaux administrateurs et un procureur général syndic.

Deux jours après, le 7 septembre, la Législative votait un décret qui étendait singulièrement les pouvoirs des commandants de places en état de siège, et dont la nécessité s'imposait, en raison des événements qui s'étaient déroulés à Longwy et à Verdun. « L'assemblée nationale considérant qu'une cour conspiratrice présidée par un ministre perfide avait encouragé dans toutes les villes de guerre des intelligences tendantes à livrer les places aux ennemis à mesure qu'elles seraient attaquées ; que c'est par l'effet de ces trahisons combinées que les villes de Longwy et de Verdun ont été lâchement livrées aux ennemis de la patrie, que rien n'importe plus au salut public que de contenir les traîtres, d'intimider les conspirateurs, de chasser les lâches qui pourraient se trouver dans les places menacées, et empêcher qu'ils n'y déshonorent le nom français en imitant la bassesse et la perfidie des habitants de Longwy et de Verdun, décrète...... » (1) Enfin, le 14 septembre, sur la proposition de Choudieu, l'Assemblée adoptait ce décret relatif aux habitants de Verdun et de Longwy : « Article Ier. Les paiements qui doivent être faits par le trésor national aux habitants des villes de Longwy et de Verdun, pour offices ou autres créances nationales, sont suspendus jusqu'à ce qu'il ait été prononcé sur la conduite des habitants de ces deux villes. Article II. Il est fait défense au commissaire liquidateur de délivrer aux habitants de Longwy et de Verdun, aucune reconnaissance, soit provisoire, soit définitive, ou tout autre mandat sur la trésorerie et à tous payeurs ou tous autres agents publics de payer aucune somme sur les dites reconnaissances ou mandats délivrés ou à délivrer. Article III. Il est également fait défense à tous receveurs du district de recevoir en paiement de biens nationaux des dites reconnaissances ou mandats, sous peine pour les uns et les autres d'en être personnellement responsables. » (2)

(1) Décret mentionné dans Duvergier, op. cit., tome IV, page 431. (2) Moniteur officiel, 16 septembre 1792. Décret du 14 septembre. mentionné dans Duvergier, op. cit., tome IV, page 450.

Décret

Le séjour des Prussiens obligea la ville à des sacrifices pécuniaires considérables. La commune possédait, à l'arrivée des Prussiens, un fonds de réserve de 29,8931 4o 6a, somme qui fut amplement absorbée par les dépenses extraordinaires que nécessita l'occupation étrangère. La ville « dut fournir le bois et la lumière à tous les corps de garde prussiens, alimenter complètement pendant un mois celui mis à la maison commune, fournir la maison du gouverneur, celle des chefs de corps de la garnison et des ministres prussiens de bois, lumière et toutes ustensiles, le bois pour les fours et l'hôpital, faire construire des magasins pour loger les vivres, un hangard pour les morts, fournir la lumière pour ces deux établissements, la paille pour l'hôpital. Elle fut imposée d'une contribution de 140 sacs de froment, 380 sacs d'avoine, 48 milliers de foin et 400 bottes de paille, contrainte à faire cuire chez les boulangers à ses frais pendant quatre jours jusqu'à l'établissement des fours, le pain nécessaire à l'armée autrichienne, à subvenir aux réparations des bâtiments où l'hôpital a été placé et à fournir la paille nécessaire aux malades. Elle a été obligée aux mêmes fournitures pour la boulangerie et l'hôpital hessois et imposée à une fourniture de 20,000 pains avant l'établissement des fours. Pendant cinq semaines que l'hôpital hessois a été établi en cette ville, il a fallu fournir le pain, la viande et les légumes nécessaires, le vin, la bière et le sel. Elle a été imposée à 12,000 livres de pain pour l'armée dite royale, au bois, à la lumière et à la paille pour l'hôpital, à 1,500 paires de souliers. Huit jours. avant l'arrivée des Prussiens, le directeur de la monnaie de Metz avait envoyé une somme de 10,128 livres provenant du produit des cloches supprimées dans les paroisses de cette ville (6 milliers de métal de cloche), somme destinée à l'établissement de réverbères. Cette somme a été successivement comptée à l'entrepreneur des fortifications, pour partie des ouvrages exécutés sous les ordres du major général Laurens, ingénieur du despote prussien. Il a même fallu y ajouter 1,500 livres, en assignats. Toutes ces dépenses. forment une somme totale de 45,521' 4s 6". Elles ont été faites sur diverses réquisitions emportant peine d'exécution

militaire et mème capitale contre les officiers municipaux... Les bois appartenant à la ville ont été dévastés au point qu'il a été impossible de mettre en vente les deux coupes qui étaient en délivrance. Le quart en réserve n'a pas été plus épargné. Ces bois se sont trouvés environnés par les camps. ennemis puis par les troupes françaises. » (1) Il convient d'ajouter à cette somme le chiffre des pertes subies par les citoyens de Verdun et des faubourgs, pertes qui se montent à 309,86016 pour Verdun, à 101,1211 25 6a pour le Faubourg Pavé, à 49,397165 pour Haudainville, et à 228,244 75 6a pour Jardin-Fontaine, Glorieux et Regret. (2)

Telles furent les conséquences matérielles et morales de l'occupation prussienne qui engendra, d'autre part, un incident assez inattendu, et nous ajouterons fort regrettable au point de vue historique, la destruction ou tout au moins la disparition d'une partie des archives. En effet, le séjour des Prussiens causa la perte 1° du registre des délibérations (fin février 1790-septembre 1792); 2o de huit registres contenant les exemplaires des lois reçues jusqu'au jour de la capitulation; 3o de toutes les lois non reliées avec les lettres d'envoi du district; 4o des registres des procès-verbaux contenant réception des dites lois; 5o de tous les registres concernant la garde nationale; 6o de toutes les lettres de correspondance, de 1789 à 1792; 7° de la collection entière du mémorial ou journal des municipalités; 8° de l'état imprimé des prisons; 9o de quantité de minutes des délibérations (3). Les circonstances qui accompagnèrent cet acte de vandalisme ont été mal connues en général. (4)

Or il résulte des enquêtes et dépositions faites sur

(1) Interrogatoire des officiers municipaux. (Verdun-Révolution, tome II, copie.) — L'original aux Archives nationales, W. 1 bis, 352, 718.

(2) Archives communales, hôtel de ville, I". Siège de Verdun, liasse. (3) Archives communales, hôtel de ville, D. Actes de l'administration municipale, liasse des minutes, 5 novembre 1792.

(4) « Lorsqu'on apprit l'arrestation de Louis XVI..... la disposition de la population qui se manifesta promptement à Metz et à Verdun était un délire de fureur. Aussi le jour où les Prussiens entrèrent dans la ville, la municipa lité de Verdun jetait au feu les registres courants de ses délibérations. » Chuquet La première invasion prussienne, page 258.

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I

point, qu'à la fin de septembre 1792, deux émigrés, de Brassac et Rey, ce dernier se disant commissaire des princes, se présentaient au secrétariat de la municipalité, au nom de M. de Courbière, lieutenant-général, commandant pour le roi de Prusse et de Breteuil, « baron et ministre du roi auprès des princes, >> et ordonnaient qu'on leur remit les archives dont l'énumération précède (1). Ces archives furent déposées dans la grande salle du 1er étage de l'hôtel de ville, puis, quelques jours après, transportées, avec d'autres paperasses provenant du district, sur des hottes et sur une voiture appartenant au sieur Dony, chez Tabouillot où logeait Rey. Une petite partie de ces papiers, entassés dans des sacs, fut transférée, de là, dans la chambre occupée par M. de Breteuil, chez la mère du sieur Tabouillot; quatre ou cinq jours plus tard, vers neuf heures du matin, deux sergents de ville, Béchamps et Moulinet, sur les réquisitions de Brunelly amenaient une voiture attelée d'un cheval devant le domicile de Tabouillot. Brunelly était de fort mauvaise humeur, «< pestant, jurant qu'il était le valet de tout le monde, se plaignant de n'avoir pas même le temps de diner. » La voiture fut chargée d'une espèce de grande paillasse remplie de papiers, et conduite sous la surveillance de Brunelly, qui prit soin de ne rien perdre en chemin, aux fours de la munitionnaire. Là, les boulangers vinrent prendre tour à tour une brassée de papiers qu'ils portèrent dans leur fournil, sans doute pour les brûler. Le soir, vers trois heures de l'après-midi, nouveau voyage opéré par les mêmes personnages, toujours sous la surveillance de Brunelly, au domicile de Tabouillot ; nouvelle expédition aux fours de la munitionnaire, et, probablement, nouvelle incinération. En résumé, de ces papiers soustraits. par ordre du gouvernement prussien, ou plus exactement des émigrés, la majeure partie, sinon la totalité, fut très vraisemblablement brûlée; le reste est peut être demeuré entre les mains de Breteuil pour être sans doute dispersé ou détruit

(1) Verdun-Révolution, tome II, 5 novembre 1792; Archives nationales, W. 1 bis, 352, n° 718, 2° partie; ms. 213, copies.

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