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Les 14, 15, 16, 17 et 18 mars, les membres des différents corps, communautés et corporations de Verdun élisent ceux d'entre eux à qui sera confié le soin de porter leurs doléances à l'assemblée générale des trois ordres, ou plus exactement à une assemblée préliminaire des délégués du tiers-état de la ville de Verdun, qui se tiendra, le 19, en présence du corps municipal (1). D'autre part, les habitants roturiers de la ville et des faubourgs qui n'appartiennent à aucun corps, communauté ou corporation, se réunissent en présence de la municipalité, et désignent six commissaires (2) chargés de la rédaction de leurs demandes particulières qui seront présen

:

(1) Les officiers du bailliage royal et siège présidial de Verdun élurent Madin, lieutenant criminel et Simon, doyen des conseillers. Les officiers du siège présidial: Jacques-Charles-François Deulneau, lieutenant de la maréchaussée et J.-B. Lacour, procureur du roi. Les avocats: Jean-François Couillet et Jean-Nicolas-Antoine Gillon. Les notaires: Mres Barthélemy et Dognon. Les procureurs : Mres Benoit Laurent et Nicolas Lamèle. Les médecins: Vaillant. Les officiers de la milice bourgeoise: Antoine Bellon, l'-colonel et Joseph Goze, major du corps. Les chirurgiens Nicolas de Fontpérine et Joseph Humbert. Les perruquiers: Dely et Denis. Les apothicaires : Lantenois, juré du corps. Les libraires et imprimeurs: Christophe. Les épiciers JeanLouis Leroux et J.-B.-Philibert Périn. Les merciers, drapiers et quincaillers: Pierre Caré, fils et Jean-François Sauvage, le jeune. Les chapeliers-pelletiers : Nicolas-Thomas Viard, syndic en second. Les cafetiers, limonadiers, vinaigriers, débitants J.-B. Herbin. Les laboureurs François Gillot, syndic. Les vignerons Nicolas Haucourt, Charles Laurent et J. Pierre. Les sculpteurs : Athanase Chappelier. Les peintres : Nicolas Pion. Les orfèvres, joailliersbijoutiers: Jean-Baptiste-Christophe Jonveaux. Les fourniers: Jean de Sivry. Les bouchers-charcutiers: Jacques Lambry. Les serruriers, maréchaux, ferblantiers, taillandiers, cloutiers: François Pierron. Les commissaires et huissiers de police Jean Mitour. Les vitriers: Jean-Alexandre Messy. Les peaussiers, mégissiers, corroyeurs: François-Louis Verjus. Les couteliers, fourbisseurs, armuriers: Franc-Nicolas Evrard. Les charpentiers et autres constructeurs en bois : Philippe Jacquemin. Les maçons, couvreurs, plombiers, paveurs: Christophe Martignon. Les fondeurs, chaudronniers, potiers d'étain Antoine Chenet. Les huiliers : Nicolas Dieudonné. Les selliers, bourreliers, charrons Joseph Georges. Les tisserands en toile: Armand Labarrère. Les cordonniers en neuf et en vieux : Claude Malbec. Les bonnetiers Louis Rosier. Les brandeviniers François Martin. Les tapissiers, fripiers, fabricants et vendeurs de meubles, miroitiers : Jean Beaudart. Les rubaniers, passementiers, tissuliers: Clément Guillet. Les tailleurs d'habits, fripiers, chasubliers: Jacques Lajoux. Les menuisiers et tourneurs: Pierre Conscience. Les rôtisseurs, pâtissiers: André Bourguin. Les boulangers: Simon Massart.

(2) Jean-Baptiste Boulet ; Louis Dresch ; François-Vincent Lambry ; François Sauvage; Louis Génin; Pierre Devaux.

tées par quatre députés (1) à l'assemblée du lendemain. Mais, lorsque, le 19 mars, les délégués des communautés et ceux des bourgeois et habitants libres s'assemblent devant le corps municipal pour résumer en un seul cahier leurs doléances, ils s'aperçoivent qu'il leur sera difficile d'arriver à un résultat, au milieu d'une assistance aussi nombreuse, et préfèrent s'en remettre de ce soin à huit commissaires qui opéreront sous la présidence des officiers municipaux (2). Le dimanche 22 mars, toujours par devant le corps municipal, lecture et adoption du cahier du tiers-état de Verdun rédigé par les huit commissaires choisis le 19, puis désignation, par tous les délégués du tiers-état de la ville, des huit députés investis de la mission de les représenter à l'assemblée générale des trois ordres du bailliage. (3)

Le lendemain, 23 mars, suivant l'ordonnance du 23 février, par devant le lieutenant particulier, réunion en grande pompe, dans l'église des Récollets, de tous les députés du tiers-état du bailliage (4); après l'appel nominal et la vérification des pouvoirs, chacun prête serment « la main droite nue et levée de choisir en vérité, honneur et conscience des commissaires en nombre suffisant pour l'examen et la réduction de tous les dits cahiers en un seul, et à la nomination du quart d'entre eux pour les porter à l'assemblée générale de tous les états du bailliage. » (5) Vingt-quatre commissaires

(1) Louis Dresch; François-Vincent Lambry; François Sauvage et JeanBaptiste Boulet. (Archives communales; hôtel de ville: AA. 9, liasse.)

(2) Jean-Nicolas-Antoine Gillon, avocat au Parlement; Nicolas-Thomas Viard, marchand chapelier; Jean-Louis Leroux, marchand confiseur; François-Louis Christophe, imprimeur; Louis-Nicolas Madin, conseiller du roi, lieutenant criminel; Pierre-Louis Caré, marchand mercier; Jean-CharlesFrançois Deulneau, lieutenant-prévôt de la maréchaussée et Jean-François Sauvage, l'aîné. (Archives communales; hôtel de ville: AA. 9, liasse.)

(3) Jean-Nicolas Gillon, 60 voix ; Deulneau, 50 voix; Viard, 48 voix; Leroux, 43 voix; Jean-Joseph Paillet, avocat et conseiller de l'hôtel de ville, 40 voix; Christophe, 35 voix; Madin, 35 voix; Pierre Caré, 35 voix. (AA. 9.)

(4) Le lieutenant particulier prononce défaut contre les habitants de Wameaux, Récourt, Montaubé et Rambluzin, qui ne se sont pas fait repré

senter.

(5) La réduction au quart se fit, non pas, comme on pourrait le croire, d'après les termes quelque peu ambigus du procès-verbal, sur tous les députés réunis, mais seulement sur ceux des campagnes; d'ailleurs le tiers-état de Verdun avait, la veille, désigné ses mandataires; l'opération de la réduction

sont élus par le tiers-état des campagnes (1) qui se joignent ce même jour aux commissaires de Verdun et, le lendemain 24 mars, aux huit députés de la prévòté royale et bailliagère de Marville (2). C'est à ces commissaires-rédacteurs, qu'incombe la tâche de grouper en un tout les doléances du tiersétat de la ville et des villages du bailliage et de la prévôté royale et bailliagère de Marville.

Le 24 mars, suivant l'ordonnance du lieutenant général d'épée, se tient, dans l'église de RR. PP. Récollets, l'assemblée solennelle des trois ordres (3). Après avoir décidé que chaque ordre conserverait son cahier particulier, les commissaires-rédacteurs se mettent à la besogne, sous l'œil vigilant des religieux qui, vu la rigueur de la saison, allument du feu dans les chambres, offrent du pain et du vin à tous ceux que la longueur des vacations oblige à prendre quelque nourriture, veillant ainsi avec un soin assidu sur Messieurs les députés, pendant les huit jours que durent leurs séances (4). Ces précautions n'étaient pas inutiles; car le jour même de l'assemblée plénière, le froid se trouvait tellement vif que

au quart eut lieu le 28 mars seulement. (Arch. nat.: Ba. 84 et B. III-153, pages 71 et seq.)

(1) Jean Garot, notaire royal, et J.-B. Holandre, prévôt de Fresnes, à Fresnes; Sébastien Violard, capitaine et prévôt de Charny; Nicolas Doucet, avocat au Parlement de Paris, à Thierville; Ch.-Antoine Collignon, avocat ; Maurice Thiébaut; Antoine Bourguin; Louis Toussaint; Pierre Jacques; Alexandre Rollin; Norbert Gillon ; Barthélemy Saillet; Nicolas Hazard, prévôt de Dieppe; François Bertrand; Christophe Davrainville; Joseph Arnoud ; Jean Gennesson; Jean-Fiacre le Breton; Jean-Nicolas Marchal, avocat ; Pierre-Hippolyte Warin; Nicolas-Antoine Dégoutin; Nicolas Lallemand; Jean Gillant; Nicolas-Gabriel Ternaux, chevalier de l'ordre royal et militaire de Saint-Louis.

(2) Jean-François Morel, maire de Marville; François Blanchard, à Villersle-Rond; M François Loison, avocat au Parlement, l'-maire de Damvillers; Mr Louis Saint-Remy, notaire royal à Damvillers; François-Louis de la Pierre, procureur-syndic de l'hôtel de ville de Damvillers; J.-B. Lacour, officier municipal, à Brandeville; François Nicolas, syndic de la communauté de Wavrille; J.-B. Michel, propriétaire du fief de Choppé, ancien conseiller de Marville.

(3) Messieurs de la noblesse et du clergé octroyèrent aux Récollets, par reconnaissance, une gratification de 300 livres. La municipalité suivit cet exemple et leur alloua, le 18 avril 1789, une somme de 400 livres. (Hôtel de ville: Registre des délibérations du corps municipal, 18 avril 1789.)

(4) Arch. nat.: B. III-153, pages 119 et seq.

les commissaires du tiers-état avaient dù fuir les Récollets et se réfugier à l'hôtel de ville, en la chambre du conseil, pour y continuer leurs travaux.

Alors se produisit une curieuse manifestation qui prouve l'intention bien arrêtée, chez la plupart des membres. du clergé et de la noblesse, d'assumer réellement leur part des charges pécuniaires que le tiers-état avait supportées presque seul jusqu'à cette époque. Ce changement d'attitude. était-il dicté par la crainte de réprésailles possibles, ou simplement par sympathie pour les souffrances de la basse classe? Nous l'ignorons. Quoi qu'il en soit, à peine Messieurs du tiers étaient-ils installés, que le doyen de la cathédrale, les curés de Saint-Médard et de Maizeray, le prieur de SaintPaul pénétraient dans la chambre du conseil et y donnaient, au nom de l'ordre du clergé, lecture d'une déclaration signée du secrétaire, le curé de Saint-Sauveur, Mangin; cette déclaration portait que le clergé avait « par acclamation unanime, affirmé solennellement qu'il consentait à contribuer dans l'avenir aux besoins de l'Etat en proportion de ses revenus, avec et comme l'ordre du tiers. » Puis se présentèrent, quelques instants après, Messieurs d'Ambly, d'Imbert, Hallot, La Lance et d'Alnoncourt, députés par la noblesse, et porteurs d'une délibération signée Boutheville, où l'ordre de la noblesse réclamait hautement la faveur de contribuer au soulagement de l'Etat et « à cet effet de supporter avec le tiers, et par égalité, toutes les impositions. qui seraient consenties par les Etats généraux. » Le tiers-état, justement touché d'une semblable démonstration et souhaitant « que l'accord de ces sentiments puisse être connu de l'auguste monarque et le consoler du chagrin de ne pas trouver partout la même union et le même zèle à seconder les vues de la justice et de la bienfaisance, »> déléguait immédiatement Madin, Deulneau, Loison, Blanchard, Ternaux, Genneson, Jacques et Gillant auprès des deux ordres, pour leur exprimer sa profonde reconnaissance. (1)

(1) Archives nationales: B. III-153, pages 374 et seq.

La fusion en un seul des différents cahiers du tiers est terminée le 27, grâce à l'activité des commissaires qui ont travaillé sans relâche les 25 et 26 mars. Le 27, à une heure de l'après-midi, lecture est donnée du cahier général devant tous les députés du tiers-état du bailliage et de la prévôté royale et bailliagère de Marville qui l'approuvent et le signent à l'unanimité. (1)

III. Ce cahier du tiers-état qui comprend trenteneuf pages in-4°, et se divise en cent trente-quatre articles, témoigne de la part des rédacteurs d'une extraordinaire clairvoyance et d'une connaissance vraiment approfondie des aspirations du pays. Conçus d'après les idées nouvelles, quelques-uns des articles paraissent avoir été écrits cent ans plus tard, tellement ils sont conformes aux principes politiques et sociaux que la nation s'efforce d'appliquer aujourd'hui par l'intermédiaire de ses représentants. (2)

Le tiers-état demande la reconnaissance des droits sacrés et imprescriptibles de la nation; le choix des députés du tiers exclusivement dans les rangs du tiers; le vote par

(1) Les Archives nationales, dossiers Ba. 84 et B. III-153, pages 388 et seq., reproduction exacte des pièces déposées aux Archives communales de Verdun AA. 8 et 9, et à la Bibliothèque publique, ms. 209, donnent aucun détail sur les débats des séances.

ne nous

(2) Ce cahier n'est reproduit ni au dossier Ba. 84, ni au dossier B. III-153; il n'a pas été davantage publié par Mavidal et Laurent (Archives parlementaires). Nous ne connaissons que l'exemplaire imprimé chez Christophe, à Verdun, qui appartient au n° 209 des manuscrits de la Bibliothèque de Verdun. Le seul cahier primaire qui figure dans nos Archives locales est celui des habitants de Regret, Glorieux, Jardin-Fontaine et Baleycourt (faubourgs de Verdun). A signaler aussi les doléances des habitants du Faubourg Pavė; un mémoire sur la justice, non signé; les doléances d'un soldat; les doléances d'un chirurgien; les doléances d'un orfèvre, membre du tiers-état de Verdun. (Liasse AA. 9, Archives communales.) Cf. aussi une copie du cahier du tiers au ms. 207, intitulé: Miscellanea, Bibliothèque publique.

La seule formule relative à la rédaction du cahier général des doléances du tiers-état, que l'on rencontre dans les procès-verbaux des séances, est la suivante: «MM... procèdent, en notre présence, sans interruption, à la lecture et examen de tous les cahiers particuliers, » formule répétée à chaque séance. Cf. Archives nationales: B. III-153, p. 388 et seq. Afin de donner une physionomie aussi fidèle que possible du cahier du tiers, nous en avons analysé les principaux articles dans l'ordre exact où ils se succèdent.

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