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tous les représentants du tiers-état de la ville de Verdun et du pays verdunois fussent admis à voter aux Etats généraux, en nombre égal à ceux de la noblesse et du clergé réunis. Notification de cette décision fut immédiatement expédiée au garde des sceaux, au secrétaire d'Etat dont relevait la province, au contrôleur général des finances, à l'intendant, au maréchal de Broglie, gouverneur, enfin à tous ceux de qui dépendait le succès de la requête. (1)

Louis XVI qui accorda, nous le savons, le doublement du tiers, ordonnait par lettre datée de Versailles, le 7 février 1789, et contresignée Chastenet de Puységur, de convoquer dans le plus bref délai, à Verdun, les représentants des trois états du bailliage, à l'effet de nommer aux Etats généraux qui devaient se tenir à Versailles, le 27 avril, « quatre députés sans plus pris dans les trois ordres, tous personnages dignes de cette grande marque de confiance par leur intégrité et par le bon esprit dont ils seraient animés. » Comme l'annexion à la couronne de la province des Trois-Evêchés n'avait été consommée que postérieurement à la dernière réunion des Etats généraux, c'est-à-dire postérieurement à l'année 1614, et que les prescriptions édictées alors étaient en grande partie respectées en 1789, le roi jugeait bon de joindre à sa lettre un règlement explicatif pour la province.

L'exécution des ordres royaux occasionna, dans la ville de Verdun, un conflit entre François-Théodore Rouyer de la Cour, lieutenant particulier aux bailliage et siège présidial et Jean-François Rouyer de Chérauville, lieutenant général d'épée. Deulneau, lieutenant de la maréchaussée, avait remis la lettre de convocation adressée par le roi « au bailli ou à

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(1) Brochure de 10 pages, sans nom d'imprimeur. Ms. Verdur. Révolution, tome I. La délibération est signée de Gabriel, maire; de Péronne, échevin; Maucomble, Marchal, de Simonnot, Thirion, conseillers; Humbert, chanoine; Herbillon, doyen urbain, curé de Saint-Médard; Rouyer, lieutenant général d'épée; Garaudé, président honoraire et ancien maire; Gobert, secrétaire du point d'honneur. (Gobert représentait sans doute, à Verdun, l'antique juridiction spéciale dite Tribunal des Maréchaux, qui connaissait des litiges relatifs au « point d'honneur »); Vidal, maître en chirurgie; Collard, marchand; Lespine, maitre en chirurgie; Maclot, marchand orfèvre; Viard, marchand chapelier, notables de différents corps; Tabouillot, procureur du roi, et Mondon, secrétaire.

son lieutenant, » au lieutenant général d'épée, par suite de la vacance des offices de bailli et de lieutenant général de robe longue. Mais, d'autre part, le lieutenant particulier avait reçu le même jour, du garde des sceaux, de Barentin, la mission de diriger les opérations électorales. Les officiers intéressés, et désignés en quelque sorte tous deux pour occuper la même fonction, s'entendirent tout d'abord pour exposer, le 16 février, au garde des sceaux leurs prétentions respectives, et le prier de décider souverainement, affirmant d'autre part que cette contestation ne les empêcherait pas de travailler, de concert, à l'accomplissement des volontés royales. Le 3 mars, le garde des sceaux déclarait que les mandements avaient été remis par erreur au lieutenant général d'épée ; la mention figurant sur l'adresse « à monsieur le Bailli ou à son lieutenant »> ne devait s'appliquer qu'au lieutenant de robe longue ou, à son défaut, au lieutenant particulier, car la procédure à suivre, dans les opérations électorales, entraînait une suite d'actes judiciaires qui ne pouvaient émaner que d'un officier chargé de l'administration de la justice; et le 10, le lieutenant général d'épée recevait l'ordre de remettre provisoirement au lieutenant particulier les dites lettres, afin que les assemblées du bailliage de Verdun n'éprouvassent aucun retard. Or le lieutenant général d'épée, n'acceptant pas cette décision, put produire la preuve que les sentences du bailliage de Verdun «< s'intitulaient régulièrement de son nom, » pendant la vacance de l'office de bailli. Aussi, le 20 mars, le conseil tranchait-il définitivement le différend en faveur du lieutenant général d'épée qui fut informé du succès de ses démarches, par lettre signée à Versailles le 23 mars. Inutile d'ajouter que l'accord avait cessé d'exister entre les deux compétiteurs qui, cependant au début, fidèles à leur promesse, avaient agi d'un commun accord. (1)

(1) Le dossier des Archives nationales, Ba. 84 : « Etats généraux de 1789, » contient toute la correspondance du lieutenant général et du lieutenant particulier avec le garde des sceaux au sujet de ce conflit (liasses 212-213). Le dossier B. III-153, Archives nationales, qui comprend un registre grand in-folio de 1,173 pages (Collection générale des prccès-verbaux, mémoires, lettres et autres pièces concernant les députations à l'assemblée nationale de 1789, tome CLIII, bailliages de Verdun et Clermont-en-Argonne) renferme une copie de la même correspondance.

En effet, le 27 février, en audience extraordinaire et publique du bailliage, par devant le lieutenant général d'épée et le lieutenant particulier, le procureur requérait la lecture, l'enregistrement, la publication et l'affichage, non seulement à Verdun, mais dans toutes les villes, bourgs, villages et communautés du ressort 1° des lettres royales données à Versailles, à la date du 7 février; 2° d'une ordonnance élaborée par le lieutenant général d'épée, au sujet de l'application du règlement électoral.

La lettre royale ne contenait qu'un exposé des dispositions générales. Les mandements de convocation seront adressés au gouverneur des Trois-Evêchés et du Clermontois qui les fera parvenir aux baillis ou à leurs lieutenants. Ceux-ci réuniront les assemblées générales des trois états du bailliage, où il sera nommé un certain nombre de députations (1) dont le chiffre est de deux pour le bailliage de Verdun, et de deux pour le bailliage du Clermontois: chaque députation sera composée d'un membre du clergé, d'un membre de la noblesse et de deux membres du tiers-état. Ces délégués, groupés par bailliages, procèderont, le jour fixé par le bailli ou son lieutenant, dans les villes de Metz, Toul, Verdun et Sedan, au choix, par voie du scrutin « et par forme de réduction, » de vingt d'entre eux qui constitueront cinq députations aux Etats généraux pour la province des Trois-Evèchés et du Clermontois. (2)

(1) Nous nous permettons d'appeler l'attention sur ces députations, qui ne sont que des délégations du 2o ou du 3° degré, et qu'il ne faut pas confondre avec les députations envoyées à Versailles.

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L'ordonnance du lieutenant général d'épée prescrivait, par application du règlement royal, le mode des élections à l'assemblée générale des trois états qu'elle fixait au 24 mars, à 8 heures du matin, dans l'église des Récollets. Le clergé, corps, chapitres et communautés ecclésiastiques, élira des députés dans la proportion suivante : 1° le clergé séculier, un député par dix chanoines présents, deux de dix à vingt, etc.; 2o le clergé engagé dans les ordres, mais attaché par quelque fonction au service du chapitre, un député pour vingt ecclésiastiques présents, deux de vingt à quarante, etc. Tous les autres corps et communautés ecclésiastiques régulières des deux sexes, ainsi que les chapitres et les communautés de filles ne pourront être représentés que par un seul député. Les séminaires, les collèges, les hôpitaux ne seront pas représentés. Tous les bénéficiers, les nobles possesseurs de fiefs paraîtront en personne ou par procureur pris dans leur ordre. Les curés, éloignés de Verdun de plus de deux lieues, se feront représenter par un procureur de leur ordre, à moins qu'ils ne soient secondés par un vicaire ou desservant résidant dans leur cure, auquel cas le curé comparaîtra en personne, pendant que le vicaire ou desservant sera tenu d'administrer provisoirement la cure. Tous les autres ecclésiastiques engagés dans les ordres et tous les nobles de noblesse acquise et transmissible, mais ne possédant aucun fief, se rendront en personne à l'assemblée, exception faite pour les ecclésiastiques qui habitent Verdun ; ceux-ci se réuniront chez le curé de leur paroisse, et éliront un ou plusieurs députés, dans la proportion de un député pour vingt ecclésiastiques et au-dessous, deux de vingt à quarante, etc., qui se joindront au curé, tenu d'assister à l'assemblée en qualité de bénéficier. Les membres du tiers-état des villes, bourgs et communautés des campagnes du bailliage, nés

Bibliothèque municipale: ms. 209, lettre du roi. Reproduit dans Brette: Recueil des actes relatifs à la convocation des Etats généraux, tome I, p. 220. - Archives nationales : dossier B. III-153. Bailliages de Verdun et Clermonten-Argonne. Le règlement royal pour l'élection aux Etats généraux, dans le bailliage de Verdun, est imprimé au tome I des Archives parlementaires, page 671.

français ou naturalisés, àgés de vingt-cinq ans, domiciliés dans la communauté et compris aux rôles d'impositions, s'assembleront aussitôt la publication de l'ordonnance; ils procéderont d'abord à la rédaction de leurs cahiers de plaintes et doléances, puis à la nomination à haute voix, de députés dans la proportion de deux pour deux cents feux et au-dessous, trois au-dessus de deux cents, quatre au-dessus de trois cents, etc. Ces députés, qui devront être choisis parmi les plus notables, seront chargés de porter le cahier à l'assemblée préliminaire du tiers-état qui se tiendra à Verdun, le 23 mars, en l'église de Récollets. Dans cette assemblée préliminaire consacrée d'abord à la vérification des pouvoirs de tous les députés du tiers-état, à la réception de leur serment, à la réunion en un seul de tous les cahiers particuliers, on procédera à la nomination du quart d'entre les députés ; ceux désignés auront le soin de représenter le tiers-état à l'assemblée générale du 24 mars.

Cette assemblée générale du 24 mars, à laquelle assisteront outre les délégués du tiers-état, les catégories de nobles et d'ecclésiastiques mentionnées plus haut, se préoccupera de la rédaction en un seul cahier, à moins qu'il n'en soit décidé autrement, des plaintes et doléances des trois ordres, et de l'élection, par voie de scrutin, dans la proportion déterminée par la lettre royale du 7 février (1), de personnages notables qui choisiront en dernier lieu par mode de réduction, de concert avec les délégués du Clermontois, la députation des Etats généraux.

Toutes ces dispositions étaient applicables également à la prévôté royale et bailliagère de Marville, rattachée pour les dites élections au bailliage de Verdun. (2)

(1) C'est-à-dire deux délégués pour le clergé, deux pour la noblesse et quatre pour le tiers-état, puisque le nombre des députations, ou plus exactement des délégations attribuées au bailliage de Verdun, était de deux et que chaque députation comprenait 1 député du clergé, 1 de la noblesse, 2 du tiers-état. (Cf. Lettre du 7 février et page 24, note 2.)

(2) Archives communales: AA. 8, liasse. (Etats généraux, lettre du roi pour la convocation, règlement, etc...) · Reproduit en outre dans le dossier B. III, 153, des Archives nationales.

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