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blée. Malgré cette heureuse nouvelle, le conseil général persiste dans la résolution prise la veille. Le maire, Christophe, et le citoyen Caré iront déposer, sur le bureau de la Constituante, la pétition signée de cinq cent soixante-dixhuit citoyens actifs de Verdun (1). Il y a tout lieu de croire que ce pressant appel fut cette fois entendu, car on ne retrouve plus trace, dans les archives, de réclamations de ce genre.

D'autre part, la garnison ne restait pas inactive; le commandant de place exerçait journellement les troupes, et pratiquait, de temps à autre, le système bien moderne des alertes. Le 21 septembre 1791 (2), le commandant prévient les habitants, pour éviter de fâcheuses émotions, qu'il fera battre la générale « à l'improviste, un certain jour et une certaine nuit. » La garde nationale prendra les armes au premier coup de caisse et se rendra, en grande tenue, aux différents postes qui lui sont ou seront assignés. Si la générale est battue de nuit, les citoyens sont invités, pour faciliter les marches et manœuvres, à mettre une lumière à leurs croisées.

Les corps de troupes stationnés à Verdun ont été certainement augmentés à la fin de 1791, car, le 14 février 1792,

(1)« Justement alarmés de l'insouciance avec laquelle le ministre de la guerre a accueilli jusqu'ici les réclamations multiples qui lui ont été adressées, au sujet de l'état de faiblesse et de dénuement absolu de Verdun dans des circonstances qui jamais n'exigèrent plus impérieusement qu'elle fût mise dans un état imposant de défense, nous avons pris le parti de députer deux d'entre nous chargés de vous exposer plus particulièrement nos plaintes, notre défiance et nos soupçons sur les causes secrètes qui peuvent donner lieu à une indifférence aussi marquée. Nous sommes à ce moment sans garnison, sans canons et sans munitions de guerre ; nos fortifications sont dans le plus grand délabrement, et nous ne sommes cependant éloignés de la frontière que de 8 lieues; notre patriotisme, notre amour pour la liberté, notre zèle pour le maintien de la constitution, voilà les seuls remparts que nous puissions opposer aux efforts des ennemis de la constitution. Mais pouvons-nous nous dissimuler que ces dispositions sont insuffisantes si elles ne sont secondées par l'appui des forces militaires?

« Nous sommes avec les sentiments d'amour, d'estime et de reconnaissance que vous méritez à tant de titres, Représentants de la nation française, les citoyens actifs de Verdun. » 578 signatures. (Archives communales, I. Affaires militaires, liasse.)

(2) Archives communales, I. Affaires militaires, liasse.

La Fayette ordonne à M. de Ligniville, maréchal de camp, cmployé à l'armée du centre, de prendre le commandement de l'arrondissement de Verdun, Dun, Damvillers, Etain et des troupes qui y sont cantonnées, savoir: les 1er, 2o, 3o et 4 bataillons des Ardennes, le 2o de la Moselle, le 4o de la Meuse, le corps des mineurs et le 2o régiment de dragons. (1)

A la veille du blocus, la situation de Verdun n'était pas très brillante, mais elle n'était pas désespérée non plus. On a exagéré, d'après les observations de Galbaud (2), le dénuement de la ville. Le général Galbaud était intéressé à présenter un tableau plutôt sombre de l'état de Verdun pour expliquer l'acharnement qu'il met à solliciter son rappel. Le fameux voyageur Forster note, en 1790, que les fortifications n'étaient pas entretenues. Dumouriez, à la fin d'août, prétendait que la ville était bien faible et ne pouvait guère résister. Luckner, un peu avant le blocus, pensait qu'il était impossible d'empêcher l'ennemi de s'emparer de Verdun, s'il était déterminé à l'enlever. On lui attribue ce propos tenu au moment où le commandant de la place lui réclamait des secours, propos rapporté par Vistot (3) et Dufour (4): <«< Plus on enverra de canons à Verdun, plus on en livrera aux Prussiens. » Dufour explique ainsi ces quelques mots: « Nous pensons que ce pùt être réellement la pensée de ce général, s'il savait que les Verdunois venaient d'adresser tout récemment à l'Assemblée nationale une protestation contre la journée du 10 août.» (5) Cavaignac, chargé d'un

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(1) Procès-verbaux des séances du directoire du département de la Meuse, Archives départementales. Verdur-Révolution, tome II, copies.

(2) « Observations sur la pétition présentée à la Convention nationale dans sa séance du 28 octobre 1792, l'an I de la République, » par F. Galbaud, maréchal de camp, ancien commandant de Verdun; imprimé. Se trouve dans le registre manuscrit Verdun-Révolution, tome II, et dans un recueil factice de pièces concernant la reddition, intitulé: Révolution française, Verdun. Bibliothèque municipale.

(3) Vistot

Mémoire historique et militaire de la ville de Verdun, 1836. (Vistot était lieutenant au 14 léger). Ms. de la Bibliothèque de Verdun,

catalogué au n° 166. Page 41.

(4) Dufour: Mémoire historique et militaire de la ville de Verdun. Imprimé en 1842, à Verdun. Page 95.

(5) Dufour, ibid., page 95,

rapport sur la capitulation de Verdun, déclare que « la position de Verdun est telle qu'il faut pour la défendre d'un siège, des fortifications extrêmement étendues, une forte et nombreuse artillerie, une garnison considérable, une armée sous ses murs. » (1) Il continue en imputant au mauvais vouloir du pouvoir exécutif, à une préméditation coupable, l'abandon dans lequel se trouvait Verdun. La Fayette avait confié le commandement de Verdun à Gallois, un partisan convaincu de l'ancien régime, et dont l'incivisme fut bientôt notoirement connu des habitants. Gallois laissa maladroitement percer sa joie à l'annonce des défaites des armées françaises; les Verdunois indignés demandèrent et obtinrent son rappel.

Le 20 juin, le lieutenant général Le Veneur, commandant le camp de Brouenne (2o division de l'armée du Nord), désigna Galbaud, lieutenant colonel du 6 régiment d'artillerie, pour se rendre à Verdun et prendre le commandement supérieur de la ville et de la garnison; il devait se concerter avec les corps administratifs, les chefs de l'artillerie et du génie, et prendre avec eux toutes les mesures nécessaires à assurer la défense de la ville. Le 21 juin, Le Veneur lui écrivait : « Du camp de Brouenne, 21 juin, si je ne puis vous voir avant votre départ, mon cher commandant, je vous prie de ne rien négliger, ni argent ni moyen d'aucune espèce pour mettre Verdun dans l'état de défense le plus respectable, et ce, le plus promptement possible; ainsi, s'il faut requérir les municipalités de fournir les ouvriers ou d'augmenter le prix des salaires, n'épargnez rien, faites faire des batteries en attendant des pièces, etc. Tout sera bien, pourvu que Verdun soit en bon état de défense. » (2) Galbaud arriva à Verdun, le 22, avec son aide de camp, Cuny. Galbaud, aussitôt installé, prit avec les corps administratifs les mesures nécessaires pour mettre Verdun à l'abri des coups de main.

(1) Rapport de Cavaignac au nom du Comité de sûreté générale et de surveillance, sur la reddition de Verdun, 9 février 1793. Imprimé par ordre de la Convention. Recueil factice : Révolution française. Page 2.

(2) Archives nationales, mss. section législative, correspondance, no 172. Papiers du général Galbaud.

Il trouva, dit-il, les remparts dans le plus mauvais état. « Beaucoup d'ouvrages commencés, dont la plupart exigcant plusieurs mois pour leur achèvement, non seulement ne pouvaient être d'aucune utilité contre l'ennemi, qui serait venu dans le courant de la campagne pour attaquer la place, mais lui offraient des moyens sûrs et prompts de faire des brèches au rempart. » (1) L'ingénieur de la place, Bousmard, sur l'ordre de Galbaud, dut courir au plus pressé et s'occuper des chemins couverts et des remparts. On manquait de bras; les corps administratifs montrèrent l'exemple; ils organisèrent des ateliers, et quand les affaires leur laissaient quelque loisir, on les voyait accourir aux travaux patriotiques. Les habitants montrèrent le mème zèle, la même assiduité; les remparts en étaient couverts; en moins de quinze jours la majeure partie des travaux furent achevés (1). «En peu de temps, ce qui était le plus important fut achevé. »> (2) «< Les habitants, la garnison et les corps administratifs à leur tête volèrent aux ateliers, mirent la main à l'œuvre, et dans peu de jours, les réparations les plus urgentes furent achevées. » (3)

Il est difficile d'établir exactement ce qui se passa dans Verdun pendant les mois de juillet et d'août; car on n'a, à ce sujet, que peu de documents précis, outre une correspondance au Moniteur datée du 19 juillet et absolument insignifiante. (4)

Le 5 juillet, Le Veneur visitait les ouvrages de Verdun, et le 11, le commandant militaire réunissait un conseil de guerre composé des chefs des différents corps de la garnison, du génie et de l'artillerie, du commissaire des guerres en

(1) Galbaud, Observations, etc., pages 4 et 5.

(2) Vistot: Mémoire, page 40.

(3) Cavaignac: Rapport, page 3.

(4) Le 25 juin 1792, Galbaud adresse aux soldats de la garnison une proclamation les engageant à travailler tous aux remparts cette proclamation déposée sur le bureau du conseil général, excite le maire à faire appel au dévoùment des citoyens qui sauront seconder les militaires. « Citoyens... les corps administratifs se sont fait inscrire: ils n'ont fait que leur devoir et ils sont sûrs que vous les imiterez; la Patrie compte sur vous et les couronnes civiques vous attendent. » (Archives nationales, FIC. III-10, liasse.)

résidence à Verdun, de l'adjudant-major de la place et du secrétaire-greffier. Le conseil de guerre prit toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité de la ville, empêcher l'espionnage et les surprises par eau, et exercer une surveillance rigoureuse sur tout étranger qui essaierait de pénétrer en ville ou y demeurerait. (1)

(1) « ...Fermer les grilles et vannes de toutes les écluses de la place, placer une chaîne de poutrelles sous le grand pont de la porte Chaussée; un poste veillera dans le petit ouvrage construit l'an dernier au dessous de la porte, seulement de nuit, lors des basses eaux... Réparer incessamment le local destiné à recevoir le consigne qui, selon les ordres de M. le Veneur, doit être placé à la porte du Puty. Il sera demandé à la municipalité un homme sur pour exercer à la porte du Pré-l'Evêque les fonctions de consigne, pendant le temps seulement qu'il sera utile que cette porte demeure ouverte... Ne laisser entrer aucun étranger sans l'avoir questionné et vérifié le passeport dont il est porteur. A chaque étranger il sera donné un certificat qui sera visé par la municipalité. Tout étranger qui sortira s'arrêtera devant le consigne de la porte par où il doit sortir et donnera le certificat remis à l'entrée. S'il ne donne pas le certificat, même s'il a un passeport, il sera arrêté et conduit à la municipalité, ou bien, s'il a un passeport, il sera arrêté et conduit à la municipalité, ou bien s'il a un passeport et un certificat non visé par la municipalité... Tout voyageur qui se présentera pour entrer, sans passeport, sera arrêté et conduit à la municipalité. Cette formalité est de rigueur, mais elle doit s'exercer avec honnêteté envers tout le monde, parce que tout citoyen, quel que soit son état ou son costume, a les mêmes droits aux yeux de la loi... Toute personne qui aura déclaré un nom différent que celui qui se trouve dans le passeport sera réputée suspecte et conduite à la municipalité... Une sentinelle placée à côté du consigne arrêtera tous les voyageurs afin de s'assurer qu'ils remplissent les formalités. A dater de ce jourd'hui, il y aura un sergent de garde à la porte de France et un à celle du Puty: par ces précautions, le commandant espère que personne n'entrera dans la ville sans avoir fait vérifier son passeport et sans avoir été questionné, ce qui est arrivé le 5 de ce mois au général Le Veneur, qui s'en est plaint avec raison au commandant de la place... La déclaration d'un militaire arrivant et se disant de la garnison ne le dispensera pas de prendre un certificat du consigne, mais dans ce cas, le chef de son corps sera tenu de le remettre au commandant de la place après l'avoir vérifié et signé... Les soldats, recrues et employés militaires quelconques retenus à Verdun, pour cause de maladie, recevront, à leur sortie de l'hôpital, un certificat du commissaire des guerres qu'ils laisseront à la porte où ils sortiront. Ledit certificat sera remis au commandant de la place... Tout militaire, quel que soit son grade, sera tenu de remplir les mèmes formalités que les autres citoyens... Les dispositions de cet ordre auront licu la nuit comme le jour... Les dispositions du présent ordre ne regardent nullement les citoyens du dehors qui apportent des denrées dans la ville, ni la gendarmerie nationale. Signé Miorel, Vercly, Bousmard, Beaurepaire, Poussivet, Leguay, Brunelly, Pichon, O'Brien, Galbaud, Devaux. (Archives communales, dossier I". Fortifications, liasse.)

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