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I. La fête de la Fédération (14 juillet 1790) fut célébrée à Verdun avec un éclat extraordinaire et revètit, comme partout, un caractère à la fois religieux et civique. Annoncée la veille et le matin par des salves d'artillerie et des sonneries de cloches, elle consista surtout dans une messe dite, au Prél'Evêque, par M. de Bassinet, aumônier de la garde nationale, messe suivie de la prestation de serments solennels. (1)

Le 14 juillet, les officiers municipaux revêtus de leur écharpe, les officiers du bailliage en robe, les administrateurs du district et les notables se rendent, escortés des deux bataillons de la garde nationale, au Pré-l'Evêque, où se trouvent déjà les troupes de ligne rangées en bataille. La maréchaussée, le régiment suisse de Castella, les hussards de Lauzun et la garde nationale forment les trois côtés d'un carré dont le quatrième est occupé par une foule immense de citoyens et de citoyennes qui se pressent jusque sur les remparts. Au milieu du carré, l'autel dédié à la Patrie, élevé entre trois colonnes, magnifiquement décoré, avec cette inscription qui le domine: « In anniversario restituta homini libertatis. » (2) Après le chant du Domine salvum fac regem, le roulement des tambours, les salves d'artillerie que répètent les canons de la place, les musiques militaires mêlées aux acclamations de la foule qui crie: « Vive la nation, vive la loi, vive le roi!» préludent à la prestation du serment, et lui impriment un cachet réellement imposant. Le procureur de la commune prononce quelques mots; puis le maire s'avance. et déclare à haute voix: Nous jurons de rester à jamais fidèles à la nation, à la loi et au roi, de maintenir de tout notre pouvoir la constitution décrétée par l'assemblée natio

(1) La messe devait être célébrée par le curé de Saint-Amand, dont l'église n'était séparée du Pré-l'Evêque que par le rempart. Mais plusieurs chefs, délégués par la garde nationale, vinrent demander à la municipalité d'accorder la préférence à l'aumônier de la garde nationale, M. de Bassinet, décidés qu'ils étaient, si la municipalité refusait d'accueillir leur requête, « à se retirer et à faire dire leur messe ailleurs. » Le conseil général, « ayant à cœur de prévenir des désordres auxquels le peuple paraissait disposé, » n'osa refuser son consentement.

(2) Pour fêter l'anniversaire du jour où la liberté fut rendue au citoyen,

nale et acceptée par le roi; de protéger, conformément aux lois, la sûreté des personnes et des propriétés, la libre circulation des grains et subsistances dans l'intérieur du royaume et la perception des contributions publiques, sous quelque forme qu'elles existent; de demeurer unis à tous les Français par le lien indissoluble de la fraternité. » Les officiers municipaux, les officiers du bailliage, les administrateurs du district et les notables, qui ont tenu la main droite nue et levée pendant que le maire prononçait la formule, répètent individuellement : « Je le jure! » L'état-major, l'artillerie, le génie, les troupes de ligne, la garde nationale et même tous les citoyens laïques ou ecclésiastiques non enrôlés dans la garde nationale, prètent serment à leur tour. Puis la cérémonie se continue par le baptême, à l'autel de la Patrie, d'un enfant (1), que l'on a présenté au bruit des tambours et des fanfares sur le front des troupes de ligne et de la garde nationale, pour s'achever enfin par le défilé, devant l'autel de la Patrie, de toutes les forces assemblées. (2)

Non seulement le conseil général et les corps constitués célèbrent les fètes civiques décrétées par l'assemblée nationale, mais ils continuent d'apporter, comme par le passé, le concours le plus ardent et le plus dévoué aux fêtes purement religieuses.

Le 23 août 1790, célébration en grande pompe de la fête de Saint-Louis; car, suivant le conseil général, « l'établissement d'une nouvelle constitution ne fait aucun obstacle à l'observation de ce pieux usage. » Défense est faite aux ouvriers, gens de métiers ou autres, de travailler ouvertement dans les rues, dans leurs boutiques ou autres lieux apparents de leurs maisons « sous telle peine qu'il appartiendra, » à moins qu'ils n'aient obtenu une permission spéciale.

(1) Fils de Gabriel Chazelle, brasseur à Verdun, et de Marie Gody. Parrain: Jean-François Sauvage, lieutenant-colonel de la garde nationale; marraine Louise de Fontenay, épouse de M. Lassus, lieutenant-colonel au régiment de la Sarre, et nièce de M. Phelippes.

(2) Archives communales, hôtel de ville, J, Police, 14 juillet 1790. Liasse de pièces originales.

Le 13 avril 1791, service célébré, à 8 heures 1/2 du matin, en commémoration de la mort de Mirabeau survenue le 2 avril. Cette cérémonie solennelle fut présidée par l'évêque, en présence de toutes les autorités qui portaient des écharpes cravatées de deuil, des membres de la société des Amis de la constitution, des deux bataillons de la garde nationale, «< costumés en grand deuil militaire, les commandants, officiers, sous-officiers et soldats le crêpe au bras, les armes dégarnies de bayonnettes et portées sous le bras gauche, les cravates des drapeaux voilées d'un crêpe, enfin les tambours revêtus d'une étoffe noire. » (1) Au moment où M. Sommellier, vicaire épiscopal et membre de la société des Amis de la constitution, se préparait, après l'évangile, à prononcer l'oraison funèbre, une couronne civique descendit de la voûte et demeura suspendue, dominant le cénotaphe, spectacle qui, dit-on, causa une émotion extraordinaire. (2)

Le 21 juin 1791, le conseil général, après s'êre concerté avec « M. l'évêque » sur l'itinéraire à suivre, les jeudi 23 juin et dimanche 26 juin, pour la procession du Saint-Sacrement, ordonnait 1° que quatre membres du conseil général porteraient le dais, aux quatre coins duquel quatre autres membres tiendraient des flambeaux ; 2o que les façades des maisons donnant sur les rues où passeraient les processions seraient << dûment garnies de tapisseries, rideaux et autres meubles propres et décents, avec défense de les dégarnir avant que la procession fùt entièrement passée, sous peine de 6 livres d'amende. » (3)

L'année suivante, le 2 juin 1792, la municipalité prenait des dispositions presque absolument identiques au sujet des mêmes processions de la Fête-Dieu.

(1) Brochure, 23 pages, chez Christophe, imprimeur. Honneurs funèbres rendus à la mémoire de M. Honoré-Riquetti Mirabeau, par les citoyens de Verdun.

(2) Le maire fit cadeau de la couronne civique à la société des Amis de la constitution.

(3) Archives communales, D. Actes de l'administration municipale, liasse des minutes.

II. Entre temps, le conseil général mettait tout son zèle à faire respecter les décrets de l'assemblée, et à en assurer l'exécution le plus rapidement possible. Un des derniers actes administratifs du corps municipal, élu en vertu de l'ordonnance de 1765, avait été la publication des mesures relatives à la levée de la contribution patriotique votée le 6 octobre 1789, et sanctionnée par le roi (1). Le corps municipal avait fait afficher, les mercredi 6 et dimanche 10 janvier 1790, à l'hôtel de ville, à l'entrée de toutes les églises paroissiales, sur les places d'Armes et de la Cathédrale, la liste des noms et qualités de toutes les personnes ayant leur principal domicile dans la ville de Verdun, et astreintes, en conséquence, au paiement de la contribution. Ce fut à la nouvelle municipalité qu'échut le soin de recevoir, depuis le 22 février jusqu'au 20 mars, de 9 heures du matin à midi, les déclarations des citoyens, déclarations qui devaient servir de base à l'évaluation des taxes. Comme il importait de faciliter par la suite les opérations de ce genre, la ville de Verdun, conformément aux décrets de l'assemblée nationale des 20, 22 et 23 novembre 1790, acceptés par le roi le 1er décembre, fut divisée en 24 sections, les 12 premières comprenant les maisons ou domaines contenus dans l'enceinte des murs, les 12 dernières comprenant les maisons ou propriétés sises hors des murs et dépendant de la ville ou des faubourgs (2). Les officiers municipaux étaient désignés pour dresser, des propriétés de chaque section, un état indicatif qui permettrait d'établir le rôle de la contribution foncière. Chaque officier municipal était assisté de commissaires, trois en général, qui furent choisis par le conseil général de la com

(1) Cf. Duvergier, op. cit., tome I, pages 45 et seq.

(2) 1° Sections de la ville: 1, de Saint-Victor, 2, de Saint-Sauveur, 3, place Marché, 4, des Minimes, 5, des Quatre-Ponts, 6, du faubourg du Pré, 7, de Saint-Amand, 8, de Mazel, 9, de la Porte-Chaussée, 10, de la place d'Armes, 11, de la porte de France, 12, de Châtel. — 2° 13, de Glorieux, 14, de SaintBarthélemy, 15, du Bas-Breuil, 16, du Pré-l'Evêque, 17, de Monjardin, 18, de la Bévaux, 19, du Pré ou 1o de Haudainville, 20, de l'Hermitage ou 2o de Haudainville, 21, de la Gravière ou 3o de Haudainville, 22, des Epiloux, 23, du Coulmier ou 1 du faubourg du Pavé, 24, de la Galavaude ou 2o du faubourg du Pavé. (Archives communales, D. Liasse des minutes, 21 juin 1791.)

mune, le dimanche 6 février 1791, et qui devaient se transporter, avec l'officier municipal, sur les propriétés des sections qui leur étaient assignées, de façon à ce qu'aucune omission ne fût possible, et que le relevé présentât une exactitude rigoureuse. (1)

Peut-être cette sorte d'enquête ordonnée sur la fortune de chaque citoyen ne fut-elle pas sans influence sur les troubles. qui se produisirent vers cette époque dans Verdun. Si, comme nous l'avons vu, la résistance aux lois nouvelles de certains membres du clergé avait excité, chez quelques jeunes gens, des sentiments qui s'étaient traduits par des actes répréhensibles commis au préjudice des maisons religieuses, d'autre part, des manifestations opposées se déroulaient bruyamment pendant la nuit, dans les rues. Des rixes éclataient fréquemment entre les bourgeois et la garnison; des malveillants enlevaient les affiches administratives, et des bruits fàcheux circulaient sur les opinions contre-révolutionnaires d'une compagnie de la garde nationale. C'est pour ces motifs que la municipalité, tout en ordonnant au commandant de la garde nationale de faire surveiller tous les quartiers de la ville par des patrouilles, la veille de Noël, 24 décembre 1790, depuis neuf heures du soir jusqu'à six heures du matin, décidait qu'elle siégerait elle-même en permanence pour juger séance tenante les délinquants. Sans doute, on ne put prouver l'exactitude des accusations portées contre les citoyens de la compagnie de Châtel et de la rue des GrosDegrés qui, selon certains propos attribués à quelques imprudents, devaient prendre tumultueusement la cocarde blanche; mais l'effervescence était réelle dans les esprits et se traduisait journellement par des actes coupables. Les placards des lois, l'annonce des ventes de domaines nationaux, les proclamations étaient régulièrement détruits ou lacérés. La municipalité, qui avait fort à faire pour rétablir l'ordre dans la rue et dans les esprits, dut exercer une surveillance très étroite et prendre des mesures énergiques. « Considérant

(1) Archives communales, D. Actes de l'administration municipale, liasse des minutes.

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