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Luuu la marine française fut relevée de la ruine complète où l'avait laissée l'émigration des anciens officiers et le désastre de Toulon.

pouilles de l'aristocratie et de la superstition. | républicaine ayant multiplié le signe représentatif de tous les objets, et cette monnaie, s'étant répartie plus uniformément que l'ancienne, fut encore à cette époque une source de richesses par sa rapide circulation.

Ces grands succès politiques ne firent pas ou blier au comité qu'en même temps qu'il repoussait l'invasion des barbares, il devait travailler à régénérer le peuple français, dont le courage et la facilité à s'imposer tous les sacrifices nécessaires au triomphe de la révolution étaient au-dessus de tous les éloges.

A cet effet, après avoir efficacement travaillé à assurer la subsistance de ce peuple, il s'occupa de son instruction; et le système d'éducation publique et républicaine fut organisé avec la plus grande sollicitude.

Le comité avait ainsi pourvu aux besoins moraux de l'enfance et de l'adolescence; les besoins physiques des autres âges, les secours nationaux furent également l'objet de ses méditations. La classe la plus utile, la plus oubliée, les agriculteurs, les vieillards, les infirmes, les mères, les femmes enceintes, les veuves chargées de famille, dûrent recevoir des secours à domicile : c'était un tribut que la nation payait au malheur, à la vieillesse, aux infirmités; et en cela le comite de salut public donnait au monde l'exemple d'une prodigalité bien entendue trop longtemps le trésor public s'était épuisé à soutenir le luxe des courtisans, véritables sangsues du peuple, le faste de ces êtres inutiles qui s'attachaient comme des plantes parasites à l'arbre vigoureux dont les racines étaient fécondées par les sueurs des hommes condamnés à aller mourir à l'hôpital après avoir travaillé toute leur vie. La division des propriétés, les secours publics, les récompenses accordées aux services, aux talents, au mérite, aux belles actions, le travail distribué à tous, étaient autant de moyens propres à faire disparaitre dans la suite la trop grande inégalité des fortunes, cause de tous les malheurs des nations.

On ne peut pas oublier que ce fut au milieu de cette gigantesque crise qu'eut lieu pour la première fois cette exposition des produits de l'industrie nationale, qui depuis lors a fait tant de progrès. Et combien n'y avait-il pas de germes de civilisation dans le travail de Grégoire destiné à détruire tous ces jargons grossiers, ces idiomes barbares qui séparaient tant de départements par la langue et les mœurs ? Que de nobles efforts furcnt faits dans cette mémorable année pour amé liorer l'agriculture et le sort des habitants des campagnes? Que de genres de prospérité publique dans ces vastes plans de navigation intérieure, dans la restitution des grandes rivières au commerce, dans la fertilisation des terrains incultes?

L'imagination est étonnée en parcourant les grandes choses qui furent exécutées en moins d'un an sous l'influence de la montagne et sur les pians du comité de salut public; on conçoit dif ficilement comment une douzaine d'hommes, naguère étrangers aux affaires publiques, aient pu suffire à tant de travaux. C'est que ces hommes n'avaient pas balancé à faire le sacrifice de leur existence à la fondation de la république française; c'est qu'ils n'avaient pas accepté le pouvoir pour en savourer les jouissances; c'est enfin parce qu'il y avait dans le gouvernement provisoire établi par eux une force de conception, une énergie et une rapidité d'exécution sans exemple; et ce gouvernement révolutionnaire, agissant sur un peuple dévoué, brave, généreux, duquel il recevait lui-même l'impulsion première, devait renverser tous les obstacles qui s'opposaient à sa marche et à l'établissement du système répu blicain démocratique. Il les brisa en effet sous sa forte main et si, dans le cours des événements Le comité ne s'en tînt pas à ces belles institu- et des crises qui ont marqué le règne du comité tions. Des hommes justement célèbres dans les de salut public, crises que nulle puissance hu. sciences, Fourcroy, Guyton, Bertholet, Monge, maine ne pouvait ni empêcher ni régler à son gré, Vandermonde et cent autres savants connus fu- il s'est mêlé au système du comité de salut public, rent consultés pour donner l'essor aux découvertes à ses grandes créations, aux idées utiles qu'il a utiles, pour perfectionner les machines, les in- semées, aux bienfaits dont les peuples lui sont struments de travail, sources de la richesse pu- redevables, des passions hideuses, des moyens blique, pour mettre à la portée de tous les citoyens d'exécution violents, des abus de tout genre, des les procédés révolutionnaires par lesquels les fautes graves, des erreurs dangereuses ou des évé Français suppléèrent au temps et même aux nements sinistres, il faut le dire, ces excès appar matières premières. Les ateliers se multiplièrent tiennent bien plus à la nature des événements, dans les antiques asiles de la fainéantise; tout aux éléments des révolutions, au cours irrésistile monde eut du travail, et le sort des classes la-ble des chances de la guerre et du choc des opiborieuses s'améliora sensiblement la monnaie nions politiques qu'aux intentions des hommes

qui étaient à la tête de ce gouvernement. « Ces abus étaient, suivant l'expression de Barère, des eaux bourbeuses déversées et mêlées un instant aux eaux d'un grand fleuve navigable qui enrichit et fertilise toutes les contrées qu'il traverse ou qu'il arrose. Mais ce limon grossier devait s'écouler avec les eaux parasites ou étrangères qui le portaient, et le fleuve épuré devait reprendre, après le débordement, son cours paisible et bienfaisant. »

pour eux la société des jacobins, depuis qu'elle avait secoué le joug des thermidoriens, et la masse du peuple, toujours révolutionnaire.

Les champs de bataille des thermidoriens furent la tribune de la convention, les sections, et les journaux que rédigeaient des contre révolutionnaires connus. Ils avaient pour auxiliaires dans les départements tous les anciens fédéralistes, tous les magistrats et les employés destitués par le comité, et tous les sectionnaires chassés autrefois des sociétés populaires.

Malheureusement les thermidoriens oublièrent tout ce dont la république était redevable à son Les révolutionnaires, qu'on qualifia de terrogouvernement provisoire et aux hommes qui ristes, se fortifièrent dans la salle des jacobins, avaient été placés au timon de l'état ; et les passions dans le jardin des Tuileries et dans la plupart des haineuses qui les aveuglaient ne leur laissèrent sociétés populaires des départements, qui ne cesplus apercevoir que les ombres du grand tableau. saient de recommander à leur frères et amis de Ils ne se rappelèrent plus les grandes choses que le serrer leurs rangs et de recommencer la guerre comité avait faites pour la patrie et pour la liberté, contre l'aristocratie devenue menaçante: ces soet auxquelles ils avaient eux-mêmes applaudi de ciétés envoyaient journellement à la convention toutes leurs forces ils ne virent plus dans les des adresses dans lesquelles elles se plaignaient membres restant de ce célèbre comité que des amèrement de l'élargissement des suspects et de hommes décidés à maintenir le système qui avait la persécution des patriotes. Ces pétitions étaient fait triompher la république, et qui devait la con- acceuillies avec assez de faveur par l'assemblée solider, et ils les regardèrent comme des obsta- nationale, et le président assurait toujours les cles aux modifications qu'ils voulaient amener. pétitionnaires que le gouvernement révolutionDès lors ils se déclarèrent les ennemis les plus ir-naire serait maintenu, et le modérantisme surréconciliables des hommes qui leur avaient prêté veillé dans ses tentatives. un imprudent appui pour renverser Robespierre; ils méconnurent leurs services, empoisonnèrent ce qu'ils avaient fait de bon, calomnièrent leurs intentions, et cherchèrent à anéantir les résultats obtenus pendant le cours de cette année de prodiges.

Forts de l'appui des classes contre-révolutionnaires, devenues insolentes depuis que les patriotes s'étaient découragés, les thermidoriens ne se rebutèrent pas de l'échec qu'ils venaient d'éprouver dans la personne de Lecointre; mais, convaincus qu'ils ne triompheraient dans l'assemblée qu'après avoir écrasé les jacobins, ils tournèrent toutes leurs batteries de ce côté, et toute leur haine s'amoncela sur cette célèbre société. Les partis se dessinèrent franchement : d'un côté les thermidoriens, secondés par les représentants rappelés de leurs missions sous l'ancien comité de salut public, par les débris du marais et même par quelques montagnards attaches au parti de Dauton: ils s'appuyaient sur les ⚫ classes marchandes, sur les contre-révolutionnaires et sur les familles qui avaient souffert de la révolution.

D'un autre côté, les membres des anciens comités de salut public et de sûreté générale, les débris de la montagne, les représentants en mission à l'époque du 9 thermidor, tous patriotes ardents, tous hommes énergiques: ils avaient

Mais, le lendemain, les thermidoriens faisaient arriver d'autres pétitions dans lesquelles les sociétés qui leur étaient dévouées récriminaient contre la conduite des représentants et des agents qui avaient exécuté les mesures révolutionnaires arrêtées par l'ancien comité de salut public, et demandaient la punition des complices et des continuateurs de Robespierre. Ces nouvelles pétitions étaient vivement appuyées par le parti réactionnaire, il en résultait tous les jours des séances extrêmement orageuses, préludes des combats à outrance que les thermidoriens et les jacobius allaient se livrer, et qui ne devaient se terminer que par l'anéantissement de l'un de ces deux partis.

* Depuis la catastrophe de thermidor, une nuée d'hommes de lettres évidemment contre-révolutionnaires avaient pris la plume pour attaquer et les mesures de terreur qui les avaient frappés presque tous, et les hommes qui les avaient proposées ou fait exécuter. Tous les jours une foule de journaux ou de pamphlets. rédigés par La Harpe, Richer-Sérizy. Poncelin, Tronçon, Ducoudray, Marchenua, Trouvé, et principalement par Fréron, se rendaient les organes des réactionnaires, et le faisaient avec une véhémence propre à exaspérer les jacobins ce furent ces journalistes qui préparèrent la journée du 13 vendémiaire.

CHAPITRE XXVIII.

Changements opérés dans la physionomie de la convention.

Effets des querelles des partis. - Les jacobins se rallient à leurs anciens principes. - Radiation de Tallien, de Fréron

à la réaction. Les réunions devinrent des-wors très nombreuses, et les séances très vives. Eiles commençaient toujours par la lecture de la correspondance et des adresses, et cette lecture exaspérait les jacobins par le récit que faisaient les sociétés - Attitude des sociétés populaires. Haine des réaction-affiliées des progrès de l'aristocratie, de l'audace uaires contre les jacobins. - Proposition de Merlin contre des nouveaux modérés et des persécutions que les patriotes éprouvaient partout, tant de la part des agents du comité de sûreté générale, que de celle même des représentants en mission depuis le 10 thermidor.

et de Lecointrc. -Motion de Gaston sur les biens nationaux.

cette société. Adresse des jacobins contre le modérantisme. Guerre à mort entre les partis. Moyens employés par les réactionnaires pour perdre les jacobins. Attaques contre Carrier et les généraux patriotes. - Rapport sur la situation de la république. -Le gouvernement rassure les sociétés populaires. -Nouvelle dénonciation contre les membres des anciens comités. Leur défense. Création d'une commission pour connaitre de cette dénonciation. Les thermidoriens ouvrent la voie aux soixante-treize députés arrêtés. Première loi contre les sociétés populaires.

Alors les jacobins éclataient contre les réactionnaires qui, disaient-ils, avec les mots de liberté, de république et de gouvernement révolutionnaire incessamment à la bouche ne travaillaient qu'à calomnier et à opprimer les patriotes, afin d'arriver plus facilement à la contre-révolution. Lecointre, Tallien, Fréron, furent l'objet des attaques les plus violentes: on reprocha au premier d'avoir voulu mettre en accusation toute la montagne et jusqu'à la révolution elle-même; on commenta les discours que Tallien et Fréron avaient prononcés à l'assemblée nationale, et on y découvrit que, sous prétexte de rappeler le gouvernement à la justice, le premier n'avait cu en

Je l'ai déjà dit, et on ne saurait trop le répéter, la convention était devenue méconnaissable depuis la catastrophe de thermidor. Oubliant les grands intérêts que le peuple français lui avait confiés, oubliant qu'elle avait promis de travailler sans relâche au bonheur de ce peuple, elle ne s'occupait plus que des intrigues des partis qui la divisaient si déplorablement: la tribune nationale, où naguère se succédaient tant de rapports lumineux sur des objets si importants, ne retentissait plus que de leurs querelles : elles avaient embrasé toute la ré-vue que de demander une amnistie pour les cnnepublique; et d'unie qu'elle était naguère, la population de la France s'était divisée de nouveau et plus fortement que jamais. Les citoyens de la même commune, de la même société populaire, n'étaient plus des frères, des amis; la discorde avait agité ses brandons partout: ici l'on était resté jacobin, montagnard; là on était devenu modéré, réactionnaire; et ceux-ci, se sentant appuyés au centre du gouvernement, poursuivaient, sous la dénomination de terroristes, tous les patriotes qui avaient marqué dans le cours de l'année qui venait de s'écouler, soit par leurs actes, soit par leurs, opinions républicaines.

mis du peuple, et que Fréron n'avait si vivement plaidé pour l'entière liberté de la presse qu'afin de mettre à couvert les journalistes qui prêchaient la contre-révolution, à la tête desquels s'était placé ce même Fréron, autrefois si ardent jacobin Fayau, Caraffe, Raisson, Carrier, Levasseur, demandèrent la radiation de ces trois chefs des thermidoriens, et la société les chassa de son sein, quelque peine qu'ils eussent prise pour justifier leurs intentions.

Les jacobins marchèrent dès lors dans la voie qu'ils avaient suivie précédemment : ils se reconstituèrent, et appelèrent à leurs comités de correspondance et de présentation tout ce qu'il y avait parmi eux de plus prononcé en patriotisme, et tous les députés qui depuis la réaction s'étaient prononcés pour la continuation des moyens révo

La plupart des sociétés populaires qui couvraient la France, après avoir applaudi à la chute de Robespierre, s'étaient effrayées en voyant que la victoire des comités tournait à l'avantage de l'aristocratie: aussi étaient-elles devenues d'une ex-lutionnaires: Billaud-Varennes, Collot-d'Herbois, trême méfiance sur les actes des thermidoriens. A cette époque, c'étaient surtout les jacobins qui attiraient l'attention publique. S'étant aperçus, depuis la dénonciation de Lecointre contre les membres des anciens comités, que les reactionnaires voulaient non-seulement faire le procès aux hommes, mais même aux lois révolutionnaires et à la révolution, les jacobins s'étaient ralliés aux principes qui les avaient dirigés dans toutes les crises, et avaient tonné contre le modérantisme: tous les jours les anciens membres dévoués aux montagnards scrraient leurs rangs pour s'opposer LÉONARD GALLOIS.

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Duhem, Carrier, Monestier, Montaut, Fayau, La-
vicomterie, Lequinio, Louchet, furent du nombre
des membres de ce comité. Ils adoptèrent aussitôt
une profession de foi propre à donner une idéc
des principes qui les dirigeraient dans la crise où
ils se trouvaient; elle était conçue en ces termes :
République une et indivisible;
Convention nationale;
Égalité, fraternité ou la mort;
Liberté digne du peuple français ;

Guerre éternelle aux tyrans, aux despotes, aux

rois ·

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La mort plutôt que de vivre sous le joug de l'aristocratie;

sur l'émigration. Les jacobins s'étaient beaucoup récriés contre les facilités que les émigrés trou

Gouvernement révolutionnaire, nécessaire, in- vaient depuis quelque temps, non seulement pour dispensable dans le moment;

Mesures rigoureuses, utiles et salutaires;
Sévérité essentielle dans les circonstances;
Le civisme et la vertu à l'ordre du jour ;
La malveillance punie avec vigueur;

Le modérantisme étouffé;

rentrer en France, mais encore pour se faire réintégrer dans leurs biens: il fallut renouveler les lois précédentes, et on y ajouta quelques dispositions pour les rendre plus positives.

Ces mesures avaient été prises sous l'influence des jacobins, ce qui leur fit croire qu'ils étaient

Les contre-révolutionnaires élargis, réincar- encore assez puissants pour arrêter la réaction; cérés ;

Les patriotes opprimés rendus à leurs frères; Les administrateurs infidèles envoyés au tribunal révolutionnaire;

Les nobles détenus jusqu'à la paix ;

Les prêtres condamnés à la réclusion;

et dans cette conviction, ils avaient retrouvé toute leur aucienne audace.

Levasseur, Massieu, Monestier, Duhem, Bassal, Bouin, Loys et Carrier se déchaînèrent, dans la séance du 25 fructidor, contre le système appuyé par les thermidoriens, qui, disaient-ils, ne

Les fanatiques et les riches égoïstes mis dans tendait à rien moins qu'à proscrire les patriotes l'impuissance de nuire. afin d'amener la contre-révolution.

« Chez les Romains, s'écria Levasseur, on punissait de mort les vestales qui laissaient éteindre le feu sacré confié à leur surveillance: nous mériterions le même sort si nous n'écrasions pas les scélérats qui veulent éteindre le feu sacré de la liberté. » Divers membres se plaignirent de ce que les nouveaux représentants envoyés en mission dans les départements ne s'étaient entourés que d'aristocrates, d'ennemis déclarés du peuple, et de ce que tous les contre-révolutionnaires mis en arrestation avaient été élargis, tandis qu'on avait plongé dans les cachots les meilleurs patriotes.

Les jacobins demandaient en outre que les biens des émigrés et du clergé, dont la nation s'était emparée, cessassent d'être entre les mains de quelques milliers de dilapidateurs, qu'ils fussent aliénés définitivement, et que chaque sans-culotte pût en acquérir une portion. Gaston se chargea de faire cette demande à la convention nationale: démontra que les lois rendues sur cet objet étaient restées sans effet ; que les biens immenses que la république possédait étaient entre les mains de quelques régisseurs qui s'engraissaient aux dépens de la nation, et que ceux de ces biens qui avaient été vendus étaient presque tous passés au « Le tocsin de la liberté, ajouta Bouin, sonne pouvoir des riches ou des compagnies d'adjudi- de toutes les parties de la république; les armées cataires qui en frustraient le peuple. « Faites que sonnent la charge contre les Autrichiens allel'homme du peuple qui a une petite propriété, mands, que les patriotes la sonnent aussi contre ajoutait Gaston, puisse en acquérir une autre, et les Autrichiens français. Il faut que la société que tout sans-culotte qui n'en a pas, trouve le fasse l'analyse des réclamations qui lui parvienmoyen de devenir propriétaire par les facilités nent de toutes parts et qu'elle présente à la conque vous lui accorderez: c'est ainsi que vous par-vention, dans une adresse énergique, le tableau viendrez à consolider la révolution, en y atta- des maux qui affligent en ce moment les patriochant ce peuple, auquel vous n'avez encore de-tes. » Carrier ajouta qu'il fallait que la société se mandé que des sacrifices. »

La proposition de Gaston était trop populaire, trop révolutionnaire pour que les thermidoriens osassent la combattre aussi se bornèrent-ils à faire remarquer qu'il existait déjà des lois pour déterminer l'emploi des biens nationaux. « Oui, leur répondaient les jacobins ; mais ces lois ne sont pas exécutées; et c'est leur exécution immédiate que nous demandons. » La convention renvoya la demande de Gaston à ses comités des domaines, d'agriculture et des finances, pour lui faire un rapport sur le meilleur moyen d'utiliser les richesses immobilières que la république possédait ; et ce rapport ne remédia à aucuns des inconvénients signalés par Gaston.

rendit en masse à la convention et qu'elle s'y fît accompagner par les tribunes.

Billaud-Varennes, qui jusqu'alors avait gardé sur les affaires publiques le silence du dédain, prit la parole pour appuyer l'envoi de la députation; mais il s'opposa à ce que l'assemblée en masse fit cette démarche. « Une conspiration atroce, ajouta-t-il, menace en ce moment la liberté; ses auteurs ne sont pas difficiles à trouver: ce sont ceux qui cherchent la dissolution de la république. Voilà les faits qu'il faut dénoncer a la convention. La convention veut le salut de ia liberté; que les jacobins paraissent à la barre, et | les aristocrates rentreront dans le néant. Quand la masse des patriotes sera réunic, les repliks ren

En même temps l'assemblée porta son attention treront dans la fange. »

La société se sépara après avoir nommé des commissaires pour la rédaction de l'adresse qu'elle devait présenter à la convention.

Malheureusement pour les patriotes jacobins, dans la même soirée un coup de pistolet fut tiré à Tallien par un homme qui est resté inconnu, et les thermidoriens exploitèrent cet événement avec la plus grande habileté. La séance de la convention du lendemain avait été commencée par la lecture, faite au nom de la commission des dépêches, d'une foule d'adresses envoyées à l'assemblée nationale de tous les points de la France, et ces adresses étaient toutes dirigées contre la marche des affaires de la république et contre les projets des nouveaux modérés. « Les maisons d'arrêt, portaient ces adresses, vomissent dans le sein de la société une foule d'individus chargés des anathèmes du patriotisme... Rendez au gouvernement révolutionnaire toute l'énergie que les circonstances exigent; tonnez contre les apôtres du modérantisme; frappez les intrigants, les dilapidateurs, tous les ennemis de la démocratie, ou c'en est fait de la république. »

Ces adresses avaient ému l'assemblée: les thermidoriens s'en aperçurent, et aussitôt Bentabolle se présenta à la tribune pour faire une diversion. Il annonça que Tallien avait été assassiné dans la nuit. Une tentative d'assassinat avait effectivement eu lieu sur ce chef des thermidoriens, qui, en rentrant chez lui, ruc des Quatre-Fils, avait reçu à bout portant un coup de pistolet à l'épaule; et comme l'assassin s'était échappé, la blessure de Tallien vint fort à propos au secours des ennemis des jacobins. Les thermidoriens cherchèrent aussitôt à faire soupçonner les patriotes de l'attentat commis sur un représentant du peuple, et Merlin de Thionville se déchaîna à cet égard contre la société des jacobins.

ali est temps de tout dire à la convention, s'écria-t-il; il est temps qu'elle ouvre les yeux sur le précipice dans lequel on veut l'entrainer. » Et déblatérant alors avec une extrême violence contre ceux qu'il appelait les continuateurs de Robespierre, il se servit de la séance que les jacobins avaient tenue la veille pour dénoncer cette société, qui, disait-il, avait puissamment aidé à renverser le trône, mais qui, n'ayant plus de trône à renverser, voulait renverser la convention. « Voulez-vous connaître les assassins de Tallien? poursuivait-il, lisez la séance qui a eu lieu hier aux jacobins; vous y verrez que les vic'imes sont indiquées; vous y verrez que des représentants du peuple sont mis sous le poignard. Vous y verrez que ces hommes, teints du sang des malheureux qu'ils ont sacrifiés à leurs vengeances personnelles, méditent encore de nouveaux cri

mes. » Et dénaturant les paroles qui avaient été prononcées la veille à la séance des jacobins, Merlin s'efforça de prouver que cette société voulait opprimer la convention et le peuple.

Merlin, autrefois l'un des plus ardents parmi les jacobins et naguère encore un des montagnards qui avaient appuyé les mesures les plus sévères et les plus énergiques contre les modérés, n'avait jamais montré autant de haine contre l'aristocratie qu'il en affichait en ce moment contre ses anciens amis les jacobins. Son discours fut un des plus violents réquisitoires qui eussent encore été prononcés contre ceux qu'on désignait comme les continuateurs de Robespierre. En vain Duhem et quelques autres députés, membres de la société contre laquelle Merlin se déclarait ainsi, cherchèrent-ils à rétablir les faits; les clameurs des thermidoriens étouffaient leurs voix.

Encouragé par les applaudissements de ses amis, Merlin ne garda plus aucune mesure : « Je crois en avoir dit assez, conclut-il, pour déterminer la convention, sinon à fermer la société des jacobins, au moins à défendre à aucun de ses membres d'y assister. » Puis, s'adressant au peuple, il lui fit cette allocution: «Arme-toi de ta puissance; ce n'est pas avec des discours qu'il faut terrasser tes ennemis; fonds sur ce repaire de brigands.

Le but des thermidoriens fut ainsi dévoilé : ils voulaient détruire les sociétés populaires, en commençant par celle qu'ils redoutaient le plus. Durand-Maillane, Rewbell, Bentabolle, et quelques autres réactionnaires osèrent appuyer la proposition de Merlin, et Thibault demanda même que l'on condamnât tous les jacobins. Mais il s'éleva du côté de la montagne un cri d'indignation qui avertit les thermidoriens qu'ils allaient trop loin. Barras dut calmer les esprits en déclarant qu'aucun député n'avait jamais eu l'idée de demander la dissolution des sociétés populaires, déclaration qui fut couverte d'applaudissements.

Toutefois, le royaliste Durand-Mailiane, après avoir reconnu le droit de tous les citoyens de s'assembler, changea la direction des batteries qu'avait fait jouer Merlin; il dit que ce n'était point aux sociétés populaires à diriger l'opinion publique; et comparant ensuite les affiliations à la société des jacobins aux corporations abolics par la révolution, il conclut à ce que toute affiliation et toute correspondance entre les sociétés populaires fût défendue. En vain Levasseur de la Sarthe criait aux thermidoriens: «Si vous tuez la mère, vous tuez tous les enfants. » Les réactionnaires l'emportèrent, et la motion de Maillane fut renvoyée aux comités de gouvernement qui

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