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DES SÉANCES

DE LA CHAMBRE DES DÉPUTÉS.

PRÉSIDENCE DE M. LEPELETIER-D'AUNAY,

Vice-Président.

Séance du Lundi 17 Février 1845.

-Le procès-verbal de la séance du 15 est lu et adopté.

Il est fait hommage à la Chambre d'un ouvrage intitulé : Précis historique sur les codes français, offert par l'auteur M. G. Ségurier, docteur en droit, avocat à la cour royale

Paris.

- La Chambre en ordonne le dépôt en sa bibliothèque.

M. LE GARDE DES SCEAUX fait, au nom du Roi, communication à la Chambre d'un projet de loi tendant à appliquer successivement aux membres de la Légion-d'Honneur, nommés avant le 6 avril 1814, les excédants disponibles de recette que présentera le budget de l'Ordre.

II. Procès-verbaux.

-La Chambre donne acte à M. le Ministre de la présente communication; elle en ordonne l'impression, la distribution et le renvoi à l'examen des bureaux.

(Voir l'annexe imprimée numéro 18.)

MM. Devienne et Laurence, dont l'admission a été prononcée dans une précédente séance, prêtent serment entre les mains de M. le Président.

La Chambre donne acte du serment.

L'ordre du jour appelle les développements d'une proposition dont il a été précédemment donne lecture.

་་

L'AUTEUR DE LA PROPOSITION s'exprime en ces termes : Messieurs, je viens, après dix ans de vaines sollicitations dans les bureaux de la Chambre, revendiquer pour mon pays, des mandataires que la nation a envoyés dans cette enceinte pour la défense de ses libertés, l'une des garanties les plus nécessaires à la jouissance de ses droits, la responsabilité toujours promise et toujours éludée des agents du pouvoir.

« Je viens réclamer le rétablissement d'un droit dont nos pères ont joui, même sous les plus absolus de leurs monarques, celui de pouvoir librement demander compte devant la justice, pour le pauvre et pour l'opprimé, la réparation des abus de pouvoir dont il a été la victime.

« Je viens combattre un privilège inouï dans les pays libres, celui d'inviolabilité et d'irresponsabilité de la portion la plus nombreuse des fonctionnaires publics, et poursuivre le rétablissement de l'égalité devant la loi et devant la justice.

« Dans un pays voisin, où chaque citoyen, jaloux de l'exercice de tous ses droits, n'épargne ni sacrifices d'argent, ni sacrifices de temps pour que ces droits demeurent inviolables, et où, comme au sein de la république romaine, l'action publique n'est pas confiée exclusivement à un corps de fonctionnaires à la disposition du Gouvernement, mais où elle appartient à tous, et où elle est souvent exercée, le privilège créé par la constitution de l'an VIII, et fort exagéré sous l'Empire, n'existe pas; et cependant les agents du

pouvoir n'y sont ni moins énergiques dans leur action, ni moins respectés dans leur personne; on peut même affirmer que, grâce au droit ouvert à tous les citoyens de demander librement réparation, les fonctionnaires ont plus d'autorité morale, obtiennent bien plus d'obéissance, et sont exposés moins fréquemment à des outrages, que dans notre pays.

Il a existé en Angleterre quelque chose de semblable à ce qui a pris, chez nous, au grand étonnement des amis. des libertés publiques, le caractère d'une institution permanente. Mais il y a longtemps que ce pouvoir arbitraire a cessé d'exister.

Sans doute l'ancien Gouvernement de la France était devenu bien arbitraire, depuis que les états généraux n'étaient plus assemblés.

Mais les parlements du royaume, gardiens des lois fondamentales et des capitulations des provinces, reprenaient l'exercice de leur pouvoir, quand le Gouvernement était à bout d'arbitraire.

Toujours est-il qu'il n'a pas existé alors de loi semblable à l'article 75 de la constitution de l'an VIII, et qu'on n'a jamais exigé d'autorisation préalable du Gouvernement à l'effet de poursuivre le moindre de ses agents.

Chose étrange! lorsque le pouvoir conféré au Gouvernement par l'acte constitutionnel de l'an viu, et si prodigieusement accru par la transformation du conseil d'Etat en bureau de consultation pour les Ministres, commencé à être contesté comme incompatible avec les garanties rendues à la France par la Charte de 1814, c'est dans les lois de l'Assemblée constituante de 1789 à 1791 qu'on a été chercher la source de ce privilège exorbitant.

Mais que portent donc les lois de 1789 et de 1790?

La première, en organisant les municipalités nouvelles, d'après un système purement électif (loi du 14-18 décembre), a, par son art. 60, invité tous les citoyens qui se croiraient lésés par quelque acte du pouvoir municipal, à exposer leurs plaintes à l'Administration ou au directoire du département', qui ferait droit sur l'avis du directoire de district; et, par son art. 61, elle a voulu qu'avant de porter contre les officiers municipaux la dénonciation

des délits d'administration, dont ceux-ci auraient pu se rendre coupables, ils s'adressassent à la même autorité, qui renverrait, s'il y avait lieu, la dénonciation devant les juges qui en devaient connaître.

« Mais cet article ne dit pas que, sur le refus de l'administration départementale, les citoyens, après avoir subi cette espèce de degré de conciliation, ne pourront y poursuivre leur action.

« Et, quand il serait vrai, d'après une interprétation postérieure faite à une époque où l'Administration envahissait tout et où les tribunaux étaient frappés d'impuissance, ainsi que l'a si énergiquement démontré M. Cormenin dans ses ouvrages sérieux ; quand il serait vrai que la loi de 1789, par une exception unique en faveur des maires, fit obstacle à l'action judiciaire en cas de décision négative, ne voit-on pas que les citoyens avaient une double garantie dans l'avis du directoire de district et dans la délibération du directoire du département, élus au nombre de douze au district, de trente-six au département parleurs concitoyens.

« Assurément une plainte, examinée avec une telle solennité, avait plus de garantie de se faire jour, si elle était fondée, que si elle était portée devant un tribunal de trois juges, ou même devant une chambre d'accusation dont les membres ne doivent rien à l'élection populaire, et sont les défenseurs naturels de l'autorité publique qui les institue eux-mêmes.

« La loi dont nous venons de parler n'accordait au surplus la garantie qu'aux officiers municipaux ; mais, dit-on, elle fut généralisée par la loi sur l'organisation judiciaire du 16-24 août 1790, dont l'article 13 « déclare que les fonctions judiciaires sont distinctes et demeureront toujours séparées des fonctions administratives.

« Les juges, ajoute cet article, ne pourront, à peine de forfaiture, troubler de quelque manière que ce soit les opérations des corps administratifs, ni citer devant eux les administrateurs pour raison de leurs fonctions.

Sans doute cette loi s'applique à tous les administrateurs; mais c'est en forcer étrangement le sens que de supposer que ce serait troubler les opérations des corps

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