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démonstrations de la part des royalistes-constitutionnels ; mais, laissons parler le Babillard La famille royale a été reçue au théâtre italien avec cette ivresse touchante, ces mouvemens impétueux que sa présence inspire partout. Le roi a conservé pendant le spectacle un air d'attendrissement et de plaisir; le jeune prince royal a paru s'amuser beaucoup pendant la représentation des Chasseurs et la Laitière, et l'on a remarqué dans un passage de la pièce, qu'il singeait le jeu de l'acteur avec la gaîté naïve de son âge. La salle a retenti d'applaudissemens et de cris répétés : vive le roi ! vive le prince royal! Le peuple, dans ses acclamations, a souvent nommé la reine, madame royale, madame Élisabeth ; et le décret de l'assemblée nationale, du 5 de ce mois, n'a pas empêché de crier a plusieurs reprises, vivent leurs majestés!» (Journal cité N. du 10 octobre.)

Nous entrerons maintenant dans l'histoire des actes parlementaires. Nous avons prévenu nos lecteurs de la continuité qui les domine, et nous avons fixé au 20 avril 1792 l'aboutissement de cette continuité.

Les deux premiers actes que nous rencontrons sur cette ligne sont le décret contre les prêtres non-assermentés, et le décret contre les émigrés. Le premier de ces décrets, rendu le 29 novembre, et porté le même jour à la sanction, fut frappé du veto royal après trois semaines d'examen. Le second, rendu le 9 novembre, fut également frappé du veto le 12 du même mois.

Les débats qui précédèrent ces deux actes, et les débats qui les suivirent, comprennent le premier trimestre de la session. Ils marchèrent à peu près de front; mais celui relatif aux troubles excités, sous prétexte de religion, commença le 9 octobre, et l'autre n'apparaît que le 20. Nous les exposerons séparément, et selon l'ordre même de leurs débats. En parlant du refus de sanction, nous ferons connaître la part que les sociétés populaires prirent à ces décrets, et l'accueil qu'elles firent au veto. Nous présenterons ensuite le tableau du mouvement révolutionnaire au sein de l'assemblée: il se composera en grande par

tie de dénonciations, d'attaques fréquentes contre les ministres, de motions provoquées par les chocs extérieurs.

Enfin nous compléterons l'histoire du trimestre par celle de la presse, des clubs, de Paris et des provinces.

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Les ministres étaient : Justice, M. Duport-Dutertre;—åffaires étrangères, M. Montmorin;-intérieur, M. Delessart; — guerre, M. Duportail; - marine, M. Bertrand-Molleville, dont la nomination, en remplacement de M. Thévenard, démissionnaire, fut notifiée officiellement le 9 octobre; — contributions, M. Tarbé.

Question des prêtres non-assermentés.

A la séance du 7 octobre, un peu avant que le roi ne parût, le débat sur les prêtres commença ainsi :

[M. Couthon. Nous sommes envoyés ici pour amener le calmé, et nous ne pourrons jamais y parvenir si nous ne prenons des mesures vigoureuses contre les prêtres réfractaires. (On entend quelques applaudissemens.) Il y a dans la campagne des curés qui restent dans leurs paroisses quoiqu'ils soient remplacés, et ils font du mal par leur seule présence. (On murmure.) Cela est très-sérieux; il y a des endroits où les prêtres constitutionnels ont été poursuivis à coups de bâton pendant le jour, et à coups de fusil pendant la nuit. Les prêtres réfractaires continuent leurs fonctions. Ils disent la messe, confessent, font l'eau bénite dans leurs maisons. (On rit.) Il est impossible d'acquérir des preuves contre eux : ils n'ont pour témoins que leurs partisans. Je vais vous citer un fait dont je suis certain. Un prêtre constitutionnel est curé dans l'endroit où un prêtre réfractaire disait la messe. Le réfractaire s'est déshabillé au milieu de la messe, et s'est enfui en criant: Cette église est polluée. J'insiste pour que nous méditions sérieusement sur les mesures qu'exigent les circonstances.

M. Journet. Le tableau que vient de faire le préopinant est exagéré. (On murmure.) Je ne suis point partisan des prêtres dissidens; mais je maintiens la liberté des opinions. (On applaudit.)

M. Ramond, député du département de Paris. Et moi aussi, je propose des mesures sévères dont on s'est avisé trop tard, quand il a été question de querelles religieuses je veux parler du plus profond mépris. (Une voix s'élève : Ils y sont insensibles.) Lorsque le corps constituant a retenti pendant long-temps de ces querelles, il serait beau de commencer vos opérations par consacrer la question préalable sur le mot prêtre. (On applaudit, on murmure.)

M. Lequinio. Nous apportons ici l'opinion de nos départemens, qui sont à deux mille lieues de Paris. (On rit.) L'influence des querelles religieuses y est très-dangereuse dans mon district; il n'y a encore qu'un curé de remplacé : dans une paroisse où l'on baptisait par semaine vingt enfans, on n'en baptise plus trois. L'assemblée décide qu'elle s'occupera dans huit jours des mesures à prendre contre les prêtres réfractaires.]

A la séance du 9, Gallois et Gensonné, commissaires civils envoyés par la constituante dans les départemens de la Vendée et des Deux-Sèvres, firent, à la barre de l'assemblée législative, le rapport suivant :

RAPPORT de MM. Gallois et Gensonné, commissaires civils envoyés dans les départemens de la Vendée et des Deux-Sèvres, en vertu des décrets de l'assemblée constituante, fait à l'assemblée légis'lative le 9 octobre 1791.

Messicurs, l'assemblée nationale a décrété le 16 juillet dernier, sur le rapport de son comité des recherches, que des commissaires civils seraient envoyés dans le département de la Vendée pour y prendre tous les éclaircissemens qu'ils pourraient se procurer sur les causes des derniers troubles de ce pays, et concourir avec les corps administratifs au rétablissement de la tranquillité publique.

Le 23 juillet nous avons été chargés de cette mission, et nous sommes partis deux jours après pour nous rendre à Fontenaile-Comte, chef-lieu de ce département.

Après avoir conféré pendant quelques jours avec les adminis

trateurs du directoire sur la situation des choses et la disposition des esprits; après avoir arrêté avec les trois corps administratifs quelques mesures préliminaires pour le maintien de l'ordre public, nous nous sommes déterminés à nous transporter dans les différens districts qui composent ce département, afin d'examiner ce qu'il y avait de vrai ou de faux, de réel ou d'exagéré dans les plaintes qui nous étaient déjà parvenues, afin de constater en un mot avec le plus d'exactitude possible la situation de ce dépar

tement.

Nous l'avons parcouru presque dans toute son étendue, tantôt pour y prendre des renseignemens qui nous étaient nécessaires, tantôt pour y maintenir la paix, prévenir les troubles publics, ou pour empêcher les violences dont quelques citoyens se croyaient

menacés.

Nous avons entendu dans plusieurs directoires de districts toutes les municipalités dont chacun d'eux est composé; nous avons écouté avec la plus grande attention tous les citoyens qui avaient soit des faits à nous communiquer, soit des vues à nous proposer; nous avons recueilli avec soin, en les comparant, tous les détails qui sont parvenus à notre connaissance; mais comme nos informations ont été plus nombreuses que variées, comme partout les faits, les plaintes, les observations ont été semblables, nous allons vous présenter sous un point de vue général et d'une manière abrégée, mais exacte, le résultat de cette foule de faits particuliers.

Nous croyons inutile de mettre sous vos yeux les détails que nous nous étions procurés concernant des troubles antérieurs; ils ne nous ont pas paru avoir une influence bien directe sur la situation actuelle de ce département; d'ailleurs la loi de l'amnistie ayant arrêté les progrès de différentes procédures auxquelles ces troubles avaient donné lieu, nous ne pourrions vous présenter sur ces objets que des conjectures vagues et des résultats in

certains.

L'époque de la prestation du serment ecclésiastique a été pour le département de la Vendée la première époque de ses troubles;

jusqu'alors le peuple y avait joui de la plus grande tranquillité. Éloigné du centre commun de toutes les actions et de toutes les résistances, disposé par son caractère naturel à l'amour de la paix, au sentiment de l'ordre, au respect de la loi, il recueillait les bienfaits de la révolution sans en éprouver les orages.

Dans les campagnes, la difficulté des communications, la simplicité d'une vie purement agricole, les leçons de l'enfance et des emblêmes religieux destinés à fixer sans cesse nos regards, ont ouvert son âme à une foule d'impressions superstitieuses que dans l'état actuel des choses nulle espèce de lumière ne peut ni détruire ni modérer.

Sa religion, c'est-à dire la religion telle qu'il la conçoit, est devenue pour lui la plus forte et pour ainsi dire l'unique habitude morale de sa vie; l'objet le plus essentiel qu'elle lui présente est le culte des images, et le ministre de ce culte, celui que les habitans des campagnes regardent comme le dispensateur des grâces célestes, qui peut, par la ferveur de ses prières, adoucir l'intempérie des saisons, et qui dispose du bonheur d'une vie future, a bientôt réuni en sa faveur les plus douces comme les plus vives affections de leurs ames.

La constance du peuple de ce département dans l'espèce de ses actions religieuses, et la confiance illimitée dont y jouissent les prêtres auxquels il est habitué, sont un des principaux élémens des troubles qui l'ont agité, et qui peuvent l'agiter encore.

Il est aisé de concevoir avec quelle activité des prêtres ou égarés ou factieux ont pu mettre à profit ces dispositions du peuple à leur égard : on n'a rien négligé pour échauffer le zèle, alarmer les consciences, fortifier les caractères faibles, soutenir les caractères décidés; on a donné aux uns des inquiétudes et des remords; on a donné aux autres des espérances de bonheur et de salut; on a essayé sur presque tous, avec succès, l'influence de la séduction et de la crainte.

Plusieurs d'entre ces ecclésiastiques sont de bonne foi ; ils paraissent fortement pénétrés et des idées qu'ils répandent et des sentimens qu'ils inspirent: d'autres sont accusés de couvrir du

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