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M. Lacroix demande la parole et réitère sa demande au milieu de longs murmures.

N.... Lorsque le roi paraît dans le sein de l'assemblée, il est d'usage qu'on ne prenne aucune délibération. Je demande que tant que l'acte constitutionnel sera ici, on ne prenne aucune délibération. (On applaudit.)

M. le président. Nous allons passer à la prestation du serment. Je prie M. le vice-président de me remplacer un moment; je vais monter à la tribune pour prêter le serment.

La garde armée se retire.

M. Camus reste à la tribune, gardien de l'acte constitutionnel. Tous les membres sont assis et découverts.

M. le président prête le serment, et successivement, tous les membres, appelés par l'ordre alphabétique des départemens, prononcent sur le livre constitutionnel la formule prescrite par la constitution.

L'appel est terminé.

M. Camus, archiviste, descend de la tribune, portant l'acte constitutionnel.

La même députation qui l'était allé chercher, l'entoure.

Toute l'assemblée se lève, et la députation sort au milieu des plus vifs applaudissemens..

M. le président. Il résulte de l'appel que 492 députés ont prêté serment. (On applaudit.) L'art. Ier de la sect. IV du chap. III de l'acte constitutionnel, nous indique maintenant ce que nous avons à faire. Le voici :

<Lorsque le corps-législatif est définitivement constitué, il envoie au roi une députation pour l'en instruire. Le roi peut chaque année faire l'ouverture de la session, et proposer les objets qu'il croit devoir être pris en considération pendant le cours de cette session, sans néanmoins que cette formalité puisse être considérée comme nécessaire à l'activité du corps-législatif. » C'est à l'assemblée à déterminer de combien de membres doit être composée la députation.

On enteud successivement dans diverses parties de la salle ces mots : 24, 12, 60 membres.

M. le président. On fait diverses propositions : la plus générale me paraît être celle qui tend à former la députation de 60 membres. (Quelques voix s'élèvent : Non, non.)

On demande que la priorité soit accordée à la proposition de 24 membres.

M. le président met aux voix la priorité. La première épreuve paraît douteuse.

Après une seconde épreuve, l'assemblée décide que la priorité est accordée à la proposition de composer la députation de 60 membres. Elle est mise aux voix et décrétée.

N.... Je demande que l'on décide maintenant de quelle manière la députation doit être formée.

M. le président. L'assemblée constituante était dans l'usage de faire nommer les députations par le président et les secrétaires.

N.... Il y a une loi qui porte que les députations seront formées de députés pris à tour de rôle dans les départemens, et suivant l'ordre alphabétique.

L'assemblée décidé que suivant l'usage adopté par le corps constituant les députations seront nommées par le président et les secrétaires.

M. le président. Tandis que je vais m'occuper avec les secrétaires de composer la liste de la députation, M. Cérutti a la parole.

M. Cerutti. Quatre cent quatre-vingt-douze députés, la main appuyée sur l'évangile de la constitution, viennent de lui rendre l'hommage solennel de leur fidélité, maintenant il me paraît convenable d'offrir un juste sentiment de reconnaissance au corps constituant de qui nous tenons cet immortel ouvrage. (Toute l'assemblés et les tribunes applaudissent à plusieurs reprises.) Rien n'est plus commun que de jouir avec une ingratitude superbe du fruit des services rendus à l'État par quelques citoyens. On craint de paraître idolâtre des hommes revêtus de pouvoir; mais lorsqu'ils n'en ont plus, il est beau d'honorer l'usage vertueux d'une puissance expirée. Lorsque pour la première fois nous sommes entrés dans cette enceinte, j'ai vu que le peuple portait des regards de vénération sur nos prédécesseurs dispersés dans les tribunes, et

des regards d'espérance sur les législateurs nouveaux. Nous partageons le vœu général, et nous l'émettrons d'une manière précise en votant des remercîmens à l'assemblée qui a représenté, sauvé et régénéré l'empire français. (L'assemblée et les tribunes applaudissent à plusieurs reprises.)

Plus il y avait de troubles et de factions, plus nous avons de grâces à rendre à l'élite qui les a si glorieusement combattus. Assiégée dans son enceinte, elle disperse l'armée qui l'entoure, plongée dans l'obscurité, elle en fait jaillir la lumière; environnée de ruines, elle élève ce superbe édifice confié à nos soins. Quel sénat de Rome, quel parlement britannique, quel congrès américain a fait de si grandes choses en si peu de temps et avec si peu de forces? Trois années ont détruit quatorze siècles d'esclavage, et préparé des siècles de bonheur. Combien va s'agrandir le nom de ceux qui ont mis la main à ce superbe édifice! Prévenons, Messieurs, la justice des temps, et adoptons le décret dont je vais vous donner lecture.

L'assemblée nationale législative, succédant à l'assemblée nationale constituante, et considérant que le plus grand bienfait possible était une constitution telle que la nôtre, a décrété des remercîmens à tous les bons citoyens qui ont concouru et contribué dans l'assemblée nationale à la confection et à l'achèvement de la constitution française.

› L'assemblée nationale législative s'empresse dans le même temps de rendre un solennel hommage aux grands exemples de magnanimité qui ont éclaté dans le cours de l'assemblée nationale constituante, et qui resteront imprimés éternellement dans la mémoire du peuple français.>

L'assemblée et les tribunes recommencent leurs applaudisse

mens.

On demande à aller aux voix.

M. Chabot. Je demande la parole pour un amendement. Sans doute, nous devons de la reconnaissance au corps constituant; mais peut-être n'est-il pas bien digne de dire que la constitution est la plus parfaite possible.....

L'assemblée interrompant M. Chabot, adopte unanimement la motion faite par M. Cerutti, et décide que son discours sera joint au procès-verbal, imprimé et envoyé aux 85 départemens.

N.... Pour ajouter au décret qui vient d'être rendu, un nouvel hommage de notre reconnaissance, je demande qu'il soit réservé ici une place aux anciens membres du corps constituant, afin qu'ils soient témoins des progrès de l'esprit public. (On murmure.) La motion n'est point appuyée.

N.... Pour que la marche de l'assemblée soit plus rapide, je demande qu'il soit nommé une commission chargée d'examiner si les réglemens du régime intérieur de l'ancienne assemblée sont applicables à celle-ci.

La motion n'est point appuyée.

Un de MM. les membres composant la députation qui avait accompagné l'acte constitutionnel. La constitution vient d'être remise aux archives, et ce précieux dépôt que nous portons tous dans nos cœurs, a été placé avec toutes les précautions convenables.

M. Chaudron. M. Palloy a déposé dans cette salle une pierre sur laquelle sont gravées les effigies du roi et du maire de Paris, je demande que l'assemblée décide que ce monument restera dans cette enceinte.

La motion n'est pas appuyée.

N.... Il est inutile de dire que personne ici n'a le droit de voter sans avoir prêté le serment individuel.

Un de MM. les secrétaires fait lecture de la liste des membres de la députation qui doit se rendre chez le roi.

N.... Vous venez de décréter l'envoi aux 83 départemens de la proposition faite par M. Cérutti; je propose d'y joindre le procès-verbal entier de cette séance, afin que l'on connaisse et l'unanimité et l'enthousiasme avec lesquels nous avons tous prêté le serment de fidélité à la constitution.

Cette proposition est rejetée par la question préalable.

M. le président. On est allé chez le roi pour lui demander l'heure à laquelle il recevra votre députation ; je prie messieurs

f

les membres qui la composent, de vouloir bien se rendre ici à six heures, et je leur ferai part de la réponse du roi.

La séance est levée à quatre heures.]

L'espèce de pompe religieuse déployée dans la séance du serment, eut un médioere succès. Les journaux royalistes-constitutionnels les plus prononcés ne furent pas dupes de cette unanimité apparente. Le Babillard disait déjà que deux partis divisaient l'assemblée législative, et qu'ils ne la rendraient ni moins tumultueuse, ni moins exposée aux scandales que le corps constituant. Dans son numéro du 7 octobre, il fait parler ainsi, au milieu d'un groupe, vis-à-vis du café de Foy, une personne avancée en âge « On nous prépare des scènes nouvelles et peut-être une seconde révolution. Une dissimulation profonde a dicté le serment de plusieurs députés. Les Fauchet, les Brissot, les Condorcet, ont juré de maintenir une constitution évidemment contraire aux principes qu'ils ont prêchés. » L'organe des constitutionnels modérés, le journal de Paris, arrive par une suite d'habiletés oratoires au blâme de la cérémonie. On peut craindre (no du 5 octobre) qu'en jurant sur l'acte constitutionnel, on ne s'accoutume à le considérer comme quelque chose de divin, où il ne sera plus permis à l'homme de rien changer. Si de pareilles idées s'y associaient jamais, ce serment deviendrait un blasphème contre la raison, et c'est la raison seule qui est sacrée partout où la divinité ne parle point par des miracles. Plusieurs législateurs de l'antiquité, qui n'avaient pas assez de génie pour se dispenser d'être des charlatans, ont fait croire qu'ils avaient écrit leurs lois sous la dictée des dieux. Un tel artifice ne serait pas seulement criminel, il serait inutile aujourd'hui que les peuples sont en état de sentir la divinité de la raison. »

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L'Ami du roi (jeudi 6 octobre) fait des réflexions sur la valeur du serment: il décrit ensuite la séance du 4 octobre, de son point de vue particulier.

• Comment nos législateurs ne sont-ils pas encore dégoûtés des

T. XII.

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