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Marat, qui s'était trouvé, une fois, seul à défendre la thèse de l'obéissance active contre celle de l'obéissance passive, disait plus tard, à mesure des accessions: ‹ Prudhomme, Audoin et autres acceptent enfin ma doctrine. » Collot-d'Herbois s'y rangeait aussi. • L'obéissance du soldat, dit le père Gérard, autrefois machinale, est aujourd'hui le fruit de son attachement à ses devoirs et à sa patrie..

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Des droits de chaque citoyen, et de ses devoirs. Les droits énumérés par Collot-d'Herbois sont ceux de la déclaration; quant aux devoirs, nous les transcrivons sans commentaire. Le devoir des bons citoyens est de veiller sur toutes les atteintes que l'on pourrait porter à la constitution; car c'est chaque fois qu'on y porte atteinte qu'il y a du désordre. Leur devoir est de dire la vérité, de la dire avec courage, de la dire sans animosité, et pour le bien public, lorsqu'on découvre quelque chose qui peut lui être nuisible; leur devoir est d'entretenir l'union et l'harmonie, d'accélérer et de faciliter le paiement des contributions; leur devoir est de rejeter loin d'eux toute affection contraire à l'amour de la patrie, à cet amour sacré, universel qui anime tout, qui rallie tout, qui fortifie tout; c'est lui qui a tracé sur nos drapeaux cette devise sacrée, qu'il faut prononcer avec force toutes les fois que la constitution sera attaquée : Vivre libres ou mourir. »

De la prospérité publique. - La prospérité publique, selon le père Gérard, a pour source la confiance générale, et pour signe la bonne conservation et l'accroissement de la population.

Du bonheur domestique. - Tout ce chapitre se résume dans ces axiomes: « Une bonne action fait la joie du cœur, et la joie du cœur fait le bonheur. Sans les mœurs, point de vertu, point

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de probité; sans probité, point de patriotisme. >

-Avant d'entamer la question de la guerre, nous avons à extraire du Journal des débats des Jacobins deux faits intéressans.

Le premier est renfermé dans le N. B. du numéro CIII. « M. Machenaud a fait lecture à la société de la liste des membres qui entreprennent la noble fonction d'instruire les enfans, et de leur faire le catéchisme de la constitution. Ce sont MM. Pétion,

Robespierre, Lanthenas, Roederer, Collot-d'Herbois et Bourdon. > Le second, relatif à l'inauguration des drapeaux des ÉtatsUnis, d'Angleterre et de France dans la salle des Jacobins, se trouve dans la séance suivante, que nous transcrivons tout entière.

Séance des Jacobins du 18 décembre. Après la lecture du procès-verbal de la dernière séance, M. de la Source, faisant les fonctions de président en l'absence de M. Isnard, propose à la société les demandes de différentes personnes qui sollicitent l'entrée de la séance.

› L'affluence du public était si grande, qu'outre une des nouvelles tribunes qui était remplie, la portion de la salle qu'on lui avait destinée, l'était encore, ainsi que le partie opposée ; et néanmoins une multitude de citoyens n'a pu parvenir à se placer dans la salle.

La lecture des annonces et l'extrait de la correspondance était à peine commencée, que la salle retentit d'applaudissemens à l'entrée des drapeaux des nations anglaise, américaine et française, qui devaient être placés dans la salle, à l'imitation de la société des amis de la révolution de Londres.

» Les cris de vive la liberté, vive la nation, vivent les trois peuples libres de l'univers, répétés avec enthousiasme par les tribunes et tous les assistans, sont l'expression aussi vive que vraie de l'ardeur, de l'amour pour l'égalité et la fraternité, que la nature a gravé dans les cours de tous les hommes, et que les efforts seuls des despotes de toutes les classes sont parvenus à effacer plus ou moins.

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» On introduit une députation des dames habituées aux tribunes qui avaient demandé à présenter un gage de leur enthousiasme pour la liberté, au Whig constitutionnel qui avait apporté à l'assemblée nationale l'expression des sentimens de cette classe d'Anglais libres.

› La députation entre, au milieu des applaudissemens de l'assemblée; une jeune citoyenne porte sur le bureau le présent de

ces dames, tandis que les députées montent à la tribune pour y prononcer le discours suivant:

› L'orateur. Nous ne sommes point des dames romaines; nous n'apportons pas des bijoux, mais un tribut de reconnaissance, pour les sentimens que vous nous avez inspirés.

› Un Whigh constitutionnel, un frère, un Anglais a fait, il y a peu de jours, l'objet d'une de vos plus douces étreintes. Que ce tableau avait de charmes ! Les ames sensibles en ont été frappées, nos cœurs en sont encore émus. (On applaudit.)

› Aujourd'hui, vous donnez à ce frère (à vous-mêmes) une nouvelle jouissance; vous suspendez à la voûte du temple trois drapeaux, Américain, Anglais, Français.

De toutes parts. (Vivent les trois nations! vive la liberté !)

› L'union des trois peuples libres va être cimentée ; qu'il nous soit permis, messieurs, d'y contribuer par quelque chose. Vos sentimens purs nous en font un devoir.

› Agréez une couroune.

› Vous, frère anglais, acceptez-en une autre des mains de l'innocence; c'est l'ouvrage de la fraternité ; l'amitié vous la donne.

» Recevez, bon patriote, au nom des citoyennes françaises qui sont ici, l'arche d'alliance que nous apportons pour nos frères Wighs constitutionnels; là sont enfermés la carte de France, divisée en quatre-vingt-trois départemens, le bonnet de la liberté, (applaudissemens) l'acte constitutionnel des Français, une couronne civique, des épis de blé, (applaudi) trois drapeaux, une cocarde nationale, et ces mots dans deux langues, vivre libre ou mourir.

(Toute la salle. Vivre libre ou mourir!)

> Que cet immortel hommage fait à la liberté soit pour les Anglais et les Français le gage sacré de leur union. N'oubliez pas de dire à nos frères comment vous l'avez reçu. Qu'il soit déposé au milieu de la cérémonie la plus fraternelle. Invitez tous les Anglais à participer à cet acte de famille. Qu'il leur soit précieux comme la nature.

» Dites à vos femmes, répétez à vos enfans, que des filles sages,

des épouses fideles, des mères tendres, après avoir rempli leurs devoirs domestiques, après avoir contribué au bonheur, de leurs familles et de leurs époux, sont venues faire cette offrande à la patrie.

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Qu'un cri d'allégresse se répande sur l'Europe, et vole en Amérique. Écoutons. Au milieu de tous les échos, Philadelphie et ses contrées répètent comme nous, vive la liberté.

(Toute la salle. Vive la liberté!)

Tyrans! vos ennemis sont connus; les peuples ne se feront plus la guerre ; intimement unis, ils posséderont toutes les langues; elles n'en feront plus qu'une; et, forts de leur liberté, ils seront à jamais inséparables.».

› Applaudissemens universels; la salle retentit long-temps dės cris, répétés par les tribunes et la société, de vive la nation, vive la liberté, vivent les trois nations, vivent les femmes patriotes.

M.de la Source faisant les fonctions de président. «Puisque la nature a voulu que la société vous dût le plus beau de ses instans, il ne sera point perdu dans les siècles, cet enthousiasme dont vous remplissez tous les coeurs; il y est gravé en caractères indélébiles.> Puis se tournant vers les députés des Wighs: Pour vous, frères, dites à vos compatriotes ce que nous sommes, dites-leur que dans l'empire français, les femmes savent aussi aimer la patrie et se montrer dignes de la liberté; dites que l'union dont vous voyez les emblêmes sera aussi impérissable que les peuples libres; ditesleur que nous n'avons qu'un genre de fers: ceux qui nous unissent aux peuples libres, et ceux-là seront éternels comme la

vertu.>

M. le député Wigh. Mesdames et M. le président, je ne suis pas réellement préparé à faire une oration, car réellement je ne m'attendais pas à une pareille réception, mais j'espère que vous m'excuserez. J'ai écrit en Angleterre, j'ai déjà fait le détail de l'accueil que j'ai reçu ici ; j'ai eu des réponses, mais non de la société auquel j'appartiens, parce qu'il faut du temps pour qu'elle se réunisse et qu'elle réponde. Je voudrais qu'il fût dans mon pouvoir de m'exprimer comme mon cœur sent. Ce sentimen

pour vous n'est pas l'ouvrage d'un jour, mais bien celui d'une année, puisque dès le mois d'août ma société avait écrit à M. Pétion, votre président, mais qui m'a assuré ne l'avoir pas reçu ; c'est ce qui a engagé la société à me charger moi-même de sa commission, je lui rendrai compte de votre bonne réception, et je me charge de vous exprimer ses sentimens. ›

M. Bourdon. Citoyens français, amis de la constitution, vous recueillez aujourd'hui le fruit de vos peines et de vos travaux. C'est par l'invariabilité de vos principes, c'est par la sagesse et la maturité de vos discussions, c'est par l'amour pur et désintéressé que vous avez juré à la liberté, par ce mur d'airain que vous avez toujours mis entre la corruption et vous, c'est enfin par votre philantropie, qui embrasse tout le genre humain, que vous avez acquis une affiliée au-delà des mers, que vous avez créé les circonstances qui ont donné lieu à la cérémonie qui nous rassemble aujourd'hui.

> Pétion, que la France entière a surnommé l'incorruptible; Pétion, le digne élève de la société, conduit chez un peuple qui á déjà les anciennes habitudes de la liberté, par le désir d'y faire commerce de lumières, et d'y puiser de nouveaux moyens de prospérité publique pour la France, y a conclu le traité solennel d'alliance qui doit unir et confondre à jamais les intérêts de tous les enfans de la liberté ; c'est ce traité que nous ratifions aujourd'hui.

› Peuples de la terre, contemplez ces étendards, jadis les si⚫gnaux du meurtre et du carnage, aujourd'hui les emblêmes de l'amitié et de la paix.

> Ils précédaient autrefois ces armées innombrables d'esclaves, de vils automates, qui allaient se massacrer de sang froid à la voix et pour la vanité des despotes; placés aujourd'hui dans le sanctuaire de la liberté et de l'égalité, ils n'en seront déplacés que pour guider le fer des hommes libres dans le cœur des tyrans.

› Le bandeau qui couvrait les yeux des nations est prêt à tomber. L'Angleterre, l'Amérique et la France ont oublié leurs querelles antiques. Ces trois sœurs, divisées par les ennemis com

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