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réflexion. Fréron, qui était électeur, nous peint ainsi l'assemblée électorale: Qu'elle va être bien composée cette seconde législature! Il faut voir comme les intrigans se remuent, s'agitent et se contorsionnent à l'assemblée électorale! L'honnête homme n'y peut pas ouvrir la bouche; c'est la cabale la plus infernale que j'aie jamais vue de ma vie. Tu me nommeras, je te nommerai, se disent-ils l'un à l'autre; et les coquins les plus connus pour l'être sont déjà sûrs d'écarter nos plus zélés défenseurs. Il faudrait un Danton pour démasquer et faire trembler les traîtres. › Suit un pompeux éloge de Danton. Fréron réfute ce qu'on reprochait de vive voix et dans les groupes à son héros; car la presse du temps. ne renferme aucun des griefs semblables à ceux que nous trouvons ainsi discutés par l'Orateur du peuple: Une modeste aisance est ordinairement le scandale des sots. L'acquisition de quelque biens nationaux et autres, montant à la somme de 70 à 80 mille liv., faite avec le secours de M. Charpentier, son beaupère, et payée par moitié entre eux, donne occasion à une fourmilière de propos auxquels les circonstances ont donné des ailes. A entendre les frondeurs, les routes de la fortune étaient aplanies sous ses pas; c'était soi-disant un homme soudoyé par un parti, un fabricateur de faux assignats, etc., etc., etc. Que n'ont-ils pas inventé! (L'Orateur du peuple, t. 7, n° XLIV.)

Le Babillard du 5 octobre annonce que M. Danton, indigné contre les électeurs de Paris, est parti pour Arcis-sur-Aube. Avant de quitter la capitale, il a dû pousser un crì de douleur sur son ingratitude, et déplorer, en grand homme outragé, l'injustice aveugle de ses concitoyens. Le même journal nous donne sur les divisions et les luttes électorales, que le Père Duchêne a prises pour texte de trois ou quatre sermons, les renseignemens suivans: On sait que les élécteurs forment deux clubs, dont l'un tient ses séances à la Sainte-Chapelle, et l'autre à l'archevêché. Dans le premier, on porte à la législature des négocians, des artistes, des gens de lettres, des hommes de loi; dans le second, on propose des intrigans, des agioteurs, des hommes éhontés, bas flatteurs du despotisme sous l'ancien régime, déma

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gogues absurdes sous le nouveau. Les électeurs de l'archevêché appellent leurs confrères, des ministériels, des monarchistes, des aristocrates, des impartiaux; ceux de la Sainte-Chapelle sortent des bornes de la modération : ils appellent leurs adversaires des BRISSOTS. (Babillard du 26 septembre.)

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Nous ne quitterons pas ce journal sans mentionner les nombreuses sorties qu'il faisait contre Robespierre. Comme il renferme ce qui a été dit de plus grave jusqu'à ce moment contre ce député, nous allons produire ces accusations.

Le 15 juillet, au plus fort des agitations qui précédèrent la pétition du Champ-de-Mars, au moment où le mot étranger faisait tant de bruit dans la bouche des Feuillans et dans les arrêtés du corps municipal, Robespierre, Pétion, Buzot, Antoine et Brissot furent désignés par le Babillard comme membres de la faction étrangère. Nos lecteurs n'ont pas oublié le personnel de cette faction, à savoir : le juif Ephraïm, OEta Palm de Hollande, Rotondo l'italien, et Vinchaux, le libraire de Hambourg. D'après le Babillard, les chefs invisibles de la faction étrangère étaient deux personnages anglais, dont l'un prenait le nom de milord d'Arck, l'autre, celui de chevalier d'Arck. Ils logeaient à l'hôtel Vauban, rue de Richelieu, où ils donnaient aux députés que nous nommons plus haut des dîners mystérieux. Dans son numéro du 19 juillet, le Babillard revient ainsi sur la faction étrangère : « On dit qu'il existe à Paris des agens du ministère anglais, qui, jaloux des avantages que la France doit retirer de sa nouvelle constitution, n'épargnent rien pour la renverser. On dit que MM. Robespierre, Pétion, Buzot, Prieur, Antoine et Rewbell sont vendus à cette cabale secrète, et dînent souvent avec des Anglais. — On dit que M. Brissot de Warville, qui veut détruire des soupçons malheureusement trop fondés, est un vil factieux, dont le camarade intime, l'ancien compagnon d'infamie, est secrétaire d'un M. Pitt (Clarkson, cité par Morande', supplément au numéro XXIV de l'Argus. Brissot dit dans sa réplique que le moment n'est pas venu pour lui de s'expliquer sur cet ami de cœur. Ses Mémoires n'en fent aucune mention.) On dit que les

membres de cette odieuse cabale se sont emparés des sociétés fraternelles, où des orateurs soudoyés excitent à la révolte un peuple ardent et facile. On dit que des journalistes effrénés et M. Carra, vendent leur plume à cette faction détestée, et préchent la république avec autant d'impudence que d'absurdité. On dit.... Eh! que ne dit-on pas encore ! Mais nous ne recueillons ici que ce que l'on dit dans les groupes, dans les cafés, dans les maisons particulières, à la tribune même de l'assemblée nationale, et nous ne le publions qu'afin qu'on puisse le vérifier ou le démentir. ›

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Voilà ce qu'il y a de mieux prouvé sur la prétendue faction étrangère en général, et sur la complicité de Robespierre en particulier. Des systèmes explicatifs de la révolution française ayant été bâtis sur cette fable (celui de M. Dulaure, par exemple), nous ne négligerons aucun des détails qui ont pu autoriser une semblable opinion. Le grand crime de Robespierre aux yeux du Babillard, numéro du 26 juillet, c'était d'avoir été demandé pour roi par la nation souveraine, assemblée au Champ-de-Mars le 17 juillet.> Ce même journal, qui se bornait à l'égard de Robespierre à de vagues inculpations politiques, attaque avec plus de précision certains autres révolutionnaires. Nous avons vu ce qu'il disait de Brissot à ses diatribes contre Condorcet, il mêle toujours quelques détails positifs. Ainsi, dans son numéro du 15 juillet, il s'étonne que le républicain Condorcet ait consenti à recevoir du roi une place de vingt mille livres de rente, celle de commissaire à la trésorerie, au moment même où il enseigne qu'il ne faut plus de rois. Dans son numéro du 28, il cite un portrait nouveau de ce philosophe, au bas duquel on lisait :

:

Jadis mathématicien,
Marquis, académicien;

Sous d'Alembert panégyriste,
Sous Panckoucke encyclopédiste,
Puis, sous Turgot économiste,
Puis, sous Brienne royaliste,
Puis, sous Brissot républiciste,

Puis, du trésor public gardien,

Puis, citoyen-soldat, - puis rien.

La presse négligea presque entièrement les élections de pro

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vince. Les correspondances des sociétés et des clubs pourraient nous fournir des détails curieux; mais ces pièces ont péri pour la plupart, sinon tout entières. L'Orateur du peuple nous a conservé la nouvelle suivante, encore la publiait-il parce que le personnage dont il s'agit venait d'être dénoncé à l'assemblée nationale. Un trait qui honore le corps électoral de Caen, c'est qu'au moment où l'assemblée ouvrit sa première séance, M. le curé de Sommervieu proposa de ne point commencer les opérations que M. Fauchet ne se fût rendu à son poste d'électeur. Cette motion, vivement applaudie, ne trouva pas un seul opposant; un mouvement d'enthousiasme s'empara de l'assemblée : tous les membres se rendirent en corps à l'évêché, et le respectable prélat fut conduit en triomphe à la salle du corps électoral. Le cortége était précédé des tambours et de la musique de la garde nationale. » (L'Orateur du peuple, t. 7, n° XLVI.)

Nous avons un moyen sûr de suppléer à ce défaut de pièces, relativement aux opérations électorales des provinces. Le chiffre exact des nouveaux députés qui se firent recevoir aux Jacobins, et la proportion selon laquelle y concourent les départemens, va nous servir à connaître comment l'esprit révolutionnaire était réparti en France, chez les citoyens actifs. Il ne faut pas oublier que les députés dont nous allons transcrire les noms, et qui, au début de la législative, composaient l'extrémité gauche, ne tardèrent pas à se diviser en montagnards et en girondins.

Le 9 octobre, les dernières réceptions données par le journal des débats de la société des Jacobins, élèvent à cent trente-six le nombre des nouveaux députés admis par le club. Les feuilles suivantes, pendant tout le trimestre, ne mentionnent aucune réception nouvelle. Voici les noms des députés et celui des départemens qui les avaient élus.

Paris. Broussonnet; Brissot; Monneron; Filassier; Condorcet.

Les autres députés, non Jacobins, étaient : Garan de Coulon; Lacépède; Pastoret; Beauvais de Préau; Bigot de Préameneu; Gouvion; Cretté de Palluel; Gorguereau; Thorillon; Hérault de Séchelles; l'abbé Mulot; Godard; Quatremère de Quincy; Los

T. XII.

cary; Ramond; Robin; Debry; Teilh-Pardaillan. Les huit suppléans furent: MM. Lacretelle; Alleaume; Clavières; Kersaint; de Moy, curé; Dussaulx; Billecoq; Colard, curé.

Ain. Deydier.

Allier. Boisrot.
Arriége. Calvet.

Aveyron. Bourzès.

Bouches-du-Rhône. Granet; Archier; Gasparin; Antonelle;

Pellicot.

Calvados. Fauchet; Dubois; Lomont; Castel; Bonnet-deMeautry.

Cantal. Teillard; Guittard.

Charente. Lafaye-des-Rabiers; Bellegarde.

Charente-Inférieure. Niou.

Corrèze. Brival.

Côte-d'Or. Bazire; Oudot; Lambert.

Côtes-du-Nord. Rivaollan; Morand; Massey.

Creuse. Huguet (évêque); Voysin; Cornudet; Ballet; Laumond. Dordogne. Taillefer.

Doubs. Verneret.

Eure. Lebrun.

Gard. Giraudy.

Gironde. Vergniaud; Guadet; Sers; Grangeneuve; Gensonné;

Jay.

Hérault. Cambon; Brun; Reboul.

Ille-et-Vilaine. Sebire.

Indre-et-Loir, Cartier.

Landes. Méricamp; Lucas; Baffoigne; Lonné; Dyzez.

Loir-et-Cher. Brisson; Chabot; Lemaître; Frécine.

Loire-Inférieure. Coustard.

Loiret. Lejeune.

Lot. Ramel.

Maine-et-Loire. Delaunay; Dehoulières; Merlet; Choudieu;

Menuau.

Marne, Thuriot'; Gobillard.

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