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genres, faits par M. la Fayette, et de lui accorder en conséquence une indemnité; 4o il a été arrêté enfin que chaque chef de division nommerait un commissaire pour la rédaction de la réponse à faire à M. la Fayette, et de la pétition à l'assemblée nationale. »

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Le 11, le renouvellement des officiers eut lieu. « Ceux qui avaient mérité l'estime de leurs concitoyens, ont presque tous été réélus. Telle est l'opinion exprimée par les Annales patriotiques du 14 octobre, qui, rapportent également les détails précédens sur la Fayette. On y annonce qu'il a refusé le commandement militaire des départemens de Meurthe et de Moselle, ce qui prouve qu'il ne croit pas à la probabilité d'une attaque prochaine sur cette frontière ; qu'il se retire en Auvergne, dans sa terre, pour y vivre en simple citoyen, jusqu'à ce que les dangers de la patrie le rappellent à la tête de la garde nationale. C'est une opinion assez générale, continue le journaliste, qu'il a généreusement sacrifié une partie de sa fortune, pendant les ré volutions américaines et françaises. ›

La Gazette universelle; la Chronique de Paris et les autres journaux feuillans, se répandent en éloges et en regrets beaucoup plus explicites. Nous avons cru devoir citer le court passage du journal de Carra, qui n'eut pas, en cette affaire, la prudence de Brissot. Ce dernier, sans dire un mot ni pour ni contre la Fayette, assure que l'état-major est le seul auteur de l'éclat qu'on vient de faire, et que c'est en lisant les journaux, que la garde nationale parisienne s'est instruite, qu'elle avait arrêté, pour ses députés, de faire une réponse à M. la Fayette, de lui offrir une épée à garde d'or, etc., etc. (P. F. du 27 octobre.)

Le 12 octobre, le conseil-général de la commune arrêta ‹ qu'il serait frappé une médaille d'or en l'honneur de M. de la Fayette, dont l'académie des inscriptions serait priée de donner les emblèmes et les inscriptions françaises; qu'une de ces médailles serait envoyée à M. de la Fayette, au nom de la commune de Paris; que la statue de Washington, en marbre, faite par Houdon, serait donnée à M. de la Fayette, pour être placée dans celui de

ses domaines qu'il habite le plus, afin qu'il ait tonjours devant les yeux son ámi, et celui qui lui a appris à servir si glorieusement la liberté de sa patrie; enfin que l'arrêté contenant ces dispositions, serait inscrit sur un marbre placé sous le buste de M. de la Fayette, donné il y a douze ans à la municipalité de Paris par les Etats-Unis d'Amérique. »

La Fayette quitta Paris le 9 octobre; le 16, son voyage fut marqué par la destitution du commandant de la garde nationale de Saint-Pourcain, lequel n'avait pas voulu prendre les armes pour célébrer le passage du général.

Marat qui publie encore de loin en loin son Ami du peuple (1), s'exprime ainsi dans son numéro du 14 octobre, sur ces divers

actes :

Les insensés (la garde nationale)! qu'ils attendent pour lui parler de reconnaissance, de le voir avec son ami Bouillé à la tête des ennemis qui combattront pour nous remettre aux fers. Le sieur Mottié, selon toutes les apparences, se mettra à la tête des gardes nationaux de la frontière d'Allemagné, pour les empêcher d'agir, pour faire passer des intelligences aux ennemis, et pour concerter avec Bouillé les opérations les plus désastreuses. Dans quelque passe qu'il se trouve, il ne peut jouer que le rôle d'un valet de la cour, d'un traître à la patrie; qu'on juge du mal que ce lâche conspirateur, né pour le malheur de la France, fera encore à la patrie, enchaînant nos défenseurs par ses artifices, et en machinant avec un Bouillé, un Maillebois, un Condé, qui connaissent parfaitement l'état de nos frontières et de nos places de guerre. Pour triompher de leurs efforts, il faudra tout l'enthousiasme de la liberté, encore la victoire coûtera-t-elle des torrens de sang. ›

Les révolutions de Paris, n° 118 et 121, renferment deux ar ticles sur la Fayette. Nous en extrairons les passages suivans: le

(1) L'Ami du Peuple cesse de paraître le 15 décembre. Marat le reprend le 12 avril 1792, sur une invitation du club des cordeliers, avec adhésion du club électoral et des sociétés fraternelles. Il transcrit cet arrêté en tête de ses numéros, jusqu'à celui du 19 avril inclusivement. (Note des auteurs.)

1er article est un commentaire de sa lettre, et de l'arrêté de la garde nationale cité plus haut. Sur le paragraphe de ces arrêtés qui parle d'indemniser le général, le journaliste s'écrie: « Pourquoi voter des indemnités à l'ex-général? Ingrats, vous répondrat-on, avez-vous oublié que M. de la Fayette a constamment refusé le traitement qui lui était alloué par le corps de ville? — Cette manière d'agir du général Mottié n'est point naturelle, ni de bon exemple: bien loin de lui en savoir gré, qu'il sache que nous n'en sommes pas dupes. Cette grandeur d'ame, si l'on veut, est déplacée pour ne pas dire plus; c'est une insulte à la nation et une injure aux autres fonctionnaires publics. Si le marquis de la Fayette est né plus opulent que l'avocat Duport-Dutertre et l'académicien Bailly, tant mieux pour lui; mais il ne devrait pas tirer avantage de sa position, pour se permettre un procédé, auquel ses collègues peu fortunés, ne peuvent atteindre; il y a peu de générosité dans ces actes de désintéressement. L'assemblée constituante a bien senti tout le danger d'une telle conduite, en forçant l'un de ses huissiers à recevoir ses gages, auxquels il se • refusait par patriotisme. »

Il critique l'obstination de la Fayette, à retenir son nom de terre proscrit par les décrets : « En supposant que le héros des deux mondes méritât une exception en sa faveur, ce serait à nous de la faire, et non à M. Mottié. A sa place nous goûterions un sensible plaisir, à chaque méprise qu'occasionnerait son nom un peu roturier, il faut en convenir; nous aimerions à entendre dire sur notre passage: il a beau se dérober à la renommée, nous savons bien que M. Mottié est le même que M. de la Fayette ».

Il termine son article de la sorte: «A présent que le héros des deux mondes a fini son rôle à Paris, il serait curieux de savoir si l'ex-général a fait plus de bien que de mal à la révolution. C'est une grande question qui mériterait bien d'être mise au concours. Pour la résoudre, il suffirait peut-être de parcourir la suite de nos numéros des révolutions de Paris, et d'en extraire tout ce qui a rapport à lui.

On y verrait le fondateur de la liberté américaine, n'oser,

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en Europe, se rendre au vœu du peuple, sans l'approbation du monarque. (La Fayette demanda au roi la permission d'accepter le généralat dont le peuple l'avait revêtu. )

On le verrait s'empresser de faire prendre l'uniforme aux parisiens, et métamorphoser les soldats de la patrie en satellites du despotisme.

< On le verrait pâlir le 5 octobre 1789, à la vue des gardes nationaux en route pour Versailles; et voulant se ménager à la fois et la cour et la ville, dire au roi : Je ne vous amène pas l'armée parisienne, c'est elle qui m'amène à vous.

On le verrait, par une sécurité impardonnable, livrer sa troupe au repos, au milieu de tous les dangers qui l'assiégeaient, et ne pas prévoir la scène du 8 octobre, que l'événement a jus.. tifié en dépit du général novice.

On le verrait se concerter avec Mirabeau pour faire passer le décret de la loi martiale, et celui du droit de paix et de guerre, et aussi celui de l'initiative accordée au roi, et bien d'autres encore auquels nous n'obéirons qu'en rougissant.

On le verrait dans l'assemblée nationale, s'opposer de tout son pouvoir à ce qu'on lût les dépêches des Brabançons réclamant l'appui de la France devenue libre, contre Joseph II, qui rivait leurs chaînes.

« On le verrait dans la même tribune, voter des remerciemens, et s'il l'eût osé, les honneurs du triomphe pour son cousin, le massacreur de Nancy.

On le verrait solliciter et obtenir de Bailly l'ordre de jeter dans les prisons les vingt-quatre soldats députés à Paris pour justifier leurs camarades de Nancy, calomniés par leurs officiers d'une manière atroce.

< On le verrait composer son état-major d'officiers, tous ramassés dans les îles, et se choisir pour aides-de-camp de bas flatteurs, dont pût faire, au besoin, ses mouchards et ses

recors.

On le verrait rentrer dans Paris, traînant à sa suite, les mains liées, de braves citoyens dont tout le crime était d'avoir

voulu faire du donjon de Vincennes, ce qu'on avait fait de la Bastille (28 février 1791).

< On le verrait le lendemain de la journée des poignards, toucher cordialement la main de ceux-là qu'il avait feint de dénoncer la veille à l'indignation publique.

On le verrait allant au devant d'un décret contre la liberté de la presse, ordonner, de son autorité privée, de faire main basse sur les imprimés et les imprimeries, violer l'asile des écri vains et des typographes, imposer silence aux colporteurs et aux missionnaires, et transformant des citoyens soldats en janissaires ou en sbires, ôter au peuple tout moyen de manifester son vœeu, et l'empêcher de soutenir au moins par sa présence, ses représentans patriotes, dont une infernale majorité étouffait la voix généreuse dans la salle du manège.

On le verrait, par une négligence concertée avec l'assemblée nationale, qui avait ses vues, favoriser l'évasion instantanée du roi, après avoir tenté de la protéger à force ouverte en provoquant la loi martiale.

On le verrait profiter de la nécessité de garder à vue Louis XVI, pour fermer les Tuileries au public, lui interdire toutes les approches de la salle du manège, afin de laisser les Barnave, les Dandré, les Chapelier, consommer tout à leur aise la dégradation de la constitution, et la réhabilitation d'un monarque qui, sans elle, ne se serait jamais rétabli dans l'esprit de la nation.

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On le verrait, dépuis l'instant de son inauguration à la place de commandant général, mettre adroitement tout en œuvre, sans se compromettre, pour dénigrer, avilir, harceler, décourager les ci-devant gardes françaises, et les punir d'avoir servi la révolution. De là tous les passedroits qu'il leur fit essuyer; le traitement infligé aux grenadiers de l'Oratoire, et enfin le décret, monument honteux de l'ingratitude la plus insigne, qui incorpore les vainqueurs de la Bastille à la queue de toutes les troupes. de ligne, après en avoir tiré huit cents au sort pour remplir à Paris les nobles fonctions de la robe courte.

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