Page images
PDF
EPUB

indéterminée; je dis qu'alors il faut consulter la nation entière, et je conclus à ce qu'il soit fait une adresse au peuple français, expositive de ce qu'a fait l'assemblée nationale pour réprimer les rebelles émigrés et les prêtres factieux, et de ce qu'a fait le pouvoir exécutif pour arrêter l'effet de cette loi....

Plusieurs voix: Monsieur le président, rappelez l'opinant à l'ordre; il s'écarte de la constitution.

D'autres : Qu'il soit entendu jusqu'à la fin.

M. le président. Je vais consulter l'assemblée. (Plusieurs membres: Non, non.)

M. Delcher. Je conclus donc à ce qu'il soit fait une adresse au peuple français qui décidera en souverain, et alors l'assemblée nationale prononcera ultérieurement ce qu'il appartiendra. (Les tribunes applaudissent.)

N.... C'est prêcher l'insurrection.

Un grand nombre de membres. L'ordre du jour.

N.... Je demande qu'on accorde la parole aux défenseurs de la constitution.

Plusieurs voix réclament, au milieu de l'agitation, l'ordre du jour. L'assemblée passe à l'ordre du jour. (On applaudit.)

M. le président. On a fait la proposition que N.... fût rappelé à l'ordre. (Non, non.)

L'assemblée passe de nouveau à l'ordre du jour.]

Les deux veto consécutifs n'excitèrent ni attroupemens, ni émeutes, ni discussions animées dans l'enceinte des clubs. La polémique des journaux en fut à peine un instant remuée. Il était évident que la verve révolutionnaire avait perdu de son énergie. Depuis que les hommes les plus ardens de l'opposition étaient devenus législateurs à leur tour, le drame s'agitait maintenant dans le cercle parlementaire. Les scènes orageuses, les débats violens, s'étaient déplacés comme les acteurs. Aussi, nulle part on ne rencontrait autant de passion, autant de luttes, autant de vivacité politique, que dans l'assemblée législative.

Les clubs en général, et la société des Jacobins en particulier, se présentent maintenant, sinon avec le caractère de l'indifférence, du moins avec celui du calme et de la régularité. On y expose plutôt qu'on n'y discute; on suit les travaux législatifs, mais on se borne à émettre des opinions et des projets, que la contradiction ne fait plus se produire sous les formes si nettes et si dramatiques de l'attaque et de la défense. L'obstacle né de la révolution elle-même, le parti des Feuillans, contre lequel ont été livrés les derniers combats est toujours le principal ennemi. Mais cet ennemi n'est plus ni dans la tribune nationale, ni dans un club, ni sur la place publique on le saisit à peine dans quelque article de journal. Fort de la constitution qu'il a faite, le parti feuillant borne aujourd'hui son entremise à d'obscures intrigues ministérielles, à une diplomatie secrète avec la cour, actes conduits avec assez d'art pour ne donner prise qu'à des soupçons vagues, qu'à des inculpations sans fondement. Lorsqu'il essayera de rouvrir son club, nous verrons se renouveler des querelles analogues à celles qu'occasionna le club monarchique. Pendant le trimestre actuel, les seules manifestations ont été quelques articles sur la liberté religieuse, publiés dans le Moniteur, et la pétition du directoire du département, citée plus haut.

Ce n'est donc pas sur la ligne révolutionnaire proprement dite, que les Feuillans et les Jacobins se heurtent maintenant. Leur champ de bataille est circonscrit au terrain des élections municipales.

Quant aux Jacobins eux-mêmes, leurs séances ne reprendront vie et mouvement qu'avec la question de la guerre, alors que deux partis naîtront au sein de ce club, et se diviseront de plus en plus jusqu'au 31 mai 1793.

Il nous est donc impossible de recueillir, sur les refus de sanction, une opinion autre que celle de la presse. Voici les extraits qui nous ont paru les plus propres à la faire connaître : Du lundi 14 novembre. Enfin la cour vient de lever le masque, en opposant le veto du pouvoir exécutif à la loi contre

T. XII.

16

les émigrés conspirateurs et leurs coupables chefs. L'assemblée nationale, fidèle à ses devoirs et à la constitution, qui lui ordonnent de veiller au salut du peuple et à la sûreté de l'empire, convaincue, par les preuves les plus positives, que les frères et les cousins du roi sont sur nos frontières à la tête d'une horde nombreuse armée contre la patrie, a cru qu'il était temps enfin de faire parler la loi, c'est-à-dire la volonté générale contre . les conspirateurs.

» Les conspirateurs de la cour ont senti que le décret contre les émigrans plaçait le pouvoir exécutif dans une position difficile, en le forçant de rompre cet étrange silence et cette neutralité perfide, qu'il garde depuis si long-temps sur les manœuvres et les complots des ennemis de la constitution. Ils ont dit: « Si le roi sanctionne le décret contre les émigrans, ils se disperseront. Les princes et les chefs de la conspiration, qui disent à nos adhérens et à la foule obscure de nos complices que leroi est d'intelligence avec eux, et qu'il n'attend que le moment de se déclarer ouvertement, recevront un démenti formel. Les prêtres non-assermentés qui dans tout l'empire prêchent pour nous la contre-révolution au nom de Dieu et du roi, seront déconcertés, et déserteront nos drapeaux. Le peuple ne voudra plus les écouter; le découragement gagnera tous nos partisans, qui verront dans cette sanction une preuve de la sincérité du roi dans son acceptation de l'acte constitutionnel. Il faut donc empêcher cette sanction. Tel est le langage des conspirateurs de la cour.

> Il y a tout lieu de croire, et la sûreté publique l'exige, que l'assemblée nationale va porter incessamment un décret d'accusation contre les princes français et leurs complices, rassemblés à Worms et à Coblentz. Ce décret n'a pas besoin de sanction; et la haute-cour nationale, qui ne peut tarder à être rassemblée, jugera ensuite si les conspirateurs d'outre-Rhin, et ceux de l'intérieur, doivent rester impunis, et si les séditieux et les contrerévolutionnaires peuvent agir audacieusement et sans frein à l'ombre du veto royal. › (Annales parriotiques, no DCCLXXIII.) Toutes les rues de Paris sont tapissées d'une proclama

tion du roi, dans laquelle ce prince explique les motifs du veto dont il a frappé le décret contre les émigraus. Il y est continuellement en contradiction avec lui-même, puisqu'après avoir avoué l'inutilité des voies de douceur qu'il a employées jusqu'ici, il s'oppose à des mesures de rigueur que l'opiniâtreté des émigrés justifie. Au reste, il dit que le décret qu'il refuse de sanctionner renferme plusieurs articles rigoureux qui lui ont paru contrarier le but que la loi devait se proposer, et que réclamait l'intérêt du peuple, et ne pouvoir pas compâtir avec les murs de la nation et les principes d'une constitution libre. Ce langage ne nous étonne pas dans la bouche du roi: il ne nous a pas étonné dans les feuilles ministérielles et aristocratiques qui ont voulu préparer les esprits au veto. Mais nous sommes surpris de le retrouver dans la Chronique; nous sommes surpris d'entendre les auteurs de cette feuille, jusqu'ici patriote, traiter d'injuste et de barbare le décret contre les émigrés. «Quelle justice, s'écrient-ils, de punir de mort ceux qui ne seront pas rentrés dans deux mois; ceux que la peur, l'habitude et le goût de la tranquillité ont portés à fuir, ou que la maladie retient, et qui n'ont point trempé dans les complots contre nous ! » Cette réflexion est une calomnie contre l'assemblée nationale, et ferait croire qu'elle a prononcé la peine de mort contre tous les émigrés, sans distinction, qui ne seraient pas rentrés dans deux mois. Or, rien n'est plus faux; cette peine n'est prononcée que contre les princes français et les autres fonctionnaires publics, et il n'est ni injuste, ni barbare de punir ainsi les traîtres et les déserteurs.

[ocr errors]

› Le roi a fait aussi publier la lettre qu'il a écrite à ses frères, le 16 octobre, et à laquelle ils n'ont pas eu égard, et deux autres lettres, datées du 11 novembre, auxquelles il sait bien qu'ils n'en auront pas davantage, d'autant plus que son veto les enhardit par l'espoir de l'impunité. Il faut le dire: en refusant de sanctionner le décret contre les émigrans, le roi sanctionne leurs criminels projets, › (Le Patriote français du 15 novembre.)

Déjà la tranquillité publique renaissait, déjà la confiance remplaçait l'inquiétude, le commerce se ranimait, la circulation

devenait plus facile, l'espoir rentrait dans tous les cœurs, on applaudissait de tous les points de empire au décret de l'assemblée nationale sur les émigrés, et voilà que, par son refus de sanction, Louis XVI nous replonge dans notre premier état.

si

› Oui, les maux de la France étaient près de leur terme, une main perfide n'eût empêché l'effet politiquement nécessaire du décret de l'assemblée nationale sur les émigrés; car, de deux choses l'une ou ils seraient rentrés en conséquence du décret, ou non. S'ils étaient rentrés, notre proposition est évidemment vraie; le peuple, bon et facile, était disposé à les recevoir à bras ouverts; cet acte de repentir lui eût fait oublier leur égarement: de là l'union générale, la confiance, la circulation, la vie rendue aux arts, au commerce et à l'agriculture.

rés

D

Que si les émigrés n'étaient pas rentrés pour la fin de décembre, au moins nous les connaissions à fond; nous n'avions plus à les ménager; c'était, pour la France, des enfans dénatuque la mère commune n'avait pu ramener à son giron; la patrie les maudissait, elle leur retirait les biens qu'elle leur a donnés, tous leurs revenus étaient mis en séquestre, nous cessions de leur fournir des armes pour nous combattre, ils se trouvaient abandonnés à eux-mêmes. Tout ce qu'ils eussent pu faire, c'eût été de décider les tyrans étrangers à venir à leur secours, de former enfin cette ligue formidable dont on entend parler depuis si long-temps, d'attaquer la France d'une manière combinée, de tenter simultanément leur invasion, et de nous livrer combat... Mais c'est là que nous les attendons!

› Voilà donc l'alternative que nous présentait le décret de l'assemblée nationale! S'il eût été exécuté, les citoyens devenaient frères, ou les ennemis des fugitifs. Frères, ils eussent partagé la félicité commune; ennemis, nous les exterminions. Mais Louis XVI ne veut pas l'union des citoyens : il faut qu'il divise pour régner. Non-seulement il voit avec une joie intérieure des brigands armés aux portes de la France, et qui menacent d'y entrer la flamme à la main; mais il veut encore que le trésor sa

« PreviousContinue »