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DE LA

RÉVOLUTION ·

FRANÇAISE.

ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE.

L'HISTOIRE de l'assemblée législative est celle d'une transition entre la constituante et la convention. Pendant sa durée, l'insuffisance de la constitution fut démontrée. Les membres de l'assemblée nationale, en se séparant, croyaient avoir terminé la révolution; une partie du public espérait, comme eux, jouir enfin, en paix, de la position que les trois dernières années leur avaient acquise. Cette espérance fut perdue sous la législative; mais ce ne fut ni sans regrets ni sans résistance. Nous verrons les constitutionnels passionnés remplacer les royalistes dans le rôle de conspirateurs. La guerre étrangère, que la constituante n'avait pas

T. XII.

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voulu prévoir, et que la législative pressa imprudemment, vint précipiter les événemens. Alors, la légalité devint impuissante; et l'assemblée dont nous allons raconter les travaux, ne put elle-même se défendre d'agir révolutionnairement.

La première période révolutionnaire dans laquelle entrà l'assemblée legislative, ne fut terminée que le 20 avril 1792, le jour de la déclaration de guerré au roi de Bohême et de Hongrie. Pendant cet intervalle, la guerre est la grande question discutée sous toutes les formes par les journaux, par les clubs, par l'assemblée, par le ministère. La feuille d'Hébert se prononça avant toutes les autres. Dans sa cent soixante-quatrième lettre b........ patriotique, le Père Duchêne disait à l'assemblée constituante :

La fermeté vous avaient dicté des lois, la justice et la raison les avaient sollicitées; la fermeté les eût fait respecter, et, f.......! vous eussiez fait cesser toutes ces affligeantes et dangereuses convulsions, plus destructives que les coups que vous eussiez portés. Pourquoi la lanterne a-t-elle travaillé? c'est parce que la guillotine s'est reposée. Eh bien! double million d'éclairs! f.......! puisque vous n'avez pas su dans le temps ramener ceux que vous avez négligé de combattre à mort, prenez donc enfin une résolution grande, terrible, imposante; armez, s'il le faut, la moitié des Français! S'ils périssent, f.......! l'autre les vengera. Oui, triple million de sacs à mitraille! tombons sur le casaquin de nos ennemis comme cent milliards de tonnerres -lancés par la colère des cieux! que la foudre en éclats les exter- mine, etc., etc. Hébert parlait ainsi en août 1791. Nous aurons à rechercher pourquoi les esprits se divisèrent si profondément et si opiniâtrément là-dessus; pourquoi des haines, chaque -jour plus implacables, naquirent de ces débats, et restèrent flagrantes jusqu'après le. 9. thermidor. Le fait général que nous - avons dit s'être accompli par la déclaration de guerre, comprend - tous les actes, soit parlementaires, soit extra-parlementaires opérés durant les sept premiers mois de la session. Nous dres

seróns plus bas le sommaire des questions impliquées dans cette continuité. Ce plan, imposé à notre travail, sera précédé de l'histoire des élections.

ELECTIONS.

Afin que nos lecteurs puissent se faire une idée juste des scènes biographiques que nous allons placer sous leurs yeux, afin surtout qu'ils connaissent bien exactement la valeur des pamphlets que nous aurons à analyser, quelques réflexions sont indispensables.

Les six dernières années antérieures à la révolution sont particulièrement honteuses pour les gens de lettres. Il est difficile de comprendre à quel degré d'infamie descendirent les hommes qui faisaient alors métier d'écrire, si l'on ne parcourt les productions sorties de leur plume. Le défaut absolu de toute conviction honnête entraîna sur la même pente et fit aboutir au même confluent toutes les sources de la littérature; il n'y eut de différence entre ceux par qui l'immoralité débordait sur la France, que celle de leurs positions respectives.

La coterie fondée par Voltaire exploitait en souveraine l'industrie littéraire; il fallait appartenir de près ou de loin à cette coterie pour que le trafic des mots fût d'un rapport assuré. La philosophie, les mathématiqués, les drames, des romans, les journaux, toutes les branches de l'esprit humain étaient accaparées par les monopoleurs encyclopédistes. Ceux qui connaissent les produits sortis de cet atelier ne nous démentiront pas lorsque nous affirmerons qu'ils furent entrepris uniquement en vue du renom comme moyen, et du lucre comme but. Aussi, dans l'ordre philosophique, ces écrivains ne furent rigoureux que lorsqu'ils traitèrent des sciences exactes: leur géométrie est la seule certitude qu'ils aient proposée, et l'on remarquera, que les vérités de ce genre ne comportent pas de sanction. Quant à la morale qu'ils ont prêchée, si elle n'est pas la négation positive du bien et du mal, elle est au moins un scepticisme devant lequel personne n'est obligé à rien.

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Toutes les fois que ces traitans littéraires furent attaqués dans leurs œuvres, ils défendirent avec fureur, non pas leur système, mais leur habileté personnelle, mais ce qu'il y avait de plus sûr pour eux au fond de leurs idées : la vanité et l'argent. Quiconque leur fit de la concurrence et s'éleva contre eux du point de vue moral, fut lacéré par cette meute, dépecé, traîné dans la boue, réduit à mourir fou ou à mourir de misère. Voltaire avait donné l'exemple de cette atroce personnalité : père de l'école du pamphlet, il composa de sang-froid le patron absolu du genre, cet insigne poème de la Pucelle, pour lequel nous ne doutons pas que la France ne maudisse un jour sa mémoire. Dans les luttes nombreuses où son amour-propre l'engagea, il se porta à des excès d'une telle grossièreté, que le style du Père Duchêne est moins ordurier et moins vil que le sien. Que n'a-t-il pas dit de Rousseau, de Fréron, de Desfontaines, de ses antagonistes les premiers venus?

Voltaire assista de son vivant aux résultats dont il était en grande partie l'origine ; il vit son école augmenter dans des proportions qui ne permirent plus d'accéder aux nombreuses sollicitations de patronage, et de part aux bénéfices. En dehors du monopole s'amassa une foule de jeunes gens, d'élèves sans asile et sans pain, qui tirèrent des leçons du maître le parti le plus avantageux que sut y découvrir leur industrie. Les uns travaillèrent pour satisfaire les infâmes besoins nés de la corruption des mœurs: ils se firent entrepreneurs de livres obscènes; les autres se mirent au service de toutes les haines et de toutes les vengeances individuelles ils rédigèrent les satires, les mémoires, les factums que se renvoyaient sur leurs vices, sur leurs crimes, sur les scandales de leur vie privée, les personnages puissans par leur fortune ou par leurs titres, entre lesquels il y avait inimitié et discorde. Il est avéré que Beaumarchais eut des relations intimes avec les pamphlétaires de profession; il fut l'ami de Morande et de plusieurs autres libellistes connus. Les mémoires de Beaumarchais, qu'ils soient son ouvrage ou qu'ils appartiennent à quelque metteur en œuvre du genre de ceux dont

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