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culte dont les frais sont payés par la nation, pourront être achetés ou affermés par les citoyens attachés à un autre culte quelconque pour y exercer publiquement ce cuite, sous la surveillance de la police et de l'administration. Mais cette faculté ne pourra s'étendre aux ecclésiastiques qui se sont refusés au serment civique exigé par l'article Ier du présent décret, ou qui l'auront rétracté, et qui, par ce refus ou cette rétractation, sont déclarés, suivant l'article VI, suspects de révolte contre la loi et de mauvaises intentions contre la patrie.

› XIII. La vente ou la location des églises ou oratoires dont il est parlé dans l'article précédent, ne peuvent s'appliquer aux églises dont sont en possession, soit privée, soit simultanée avec les catholiques, les citoyens qui suivent les confessions d'Augsbourg et helvétique, lesquels sont conservés en leurs droits respectifs dans les départemens du Haut et du Bas-Rhin, du Doubs et de la Haute-Saône, conformément aux décrets des 17 août, 9 septembre et 1er décembre 1790.

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> XIV. Le directoire de chaque département fera dresser deux listes: la première comprenant les noms et demeures des ecclésiastiques sermentés, avec la note de ceux qui seront sans emploi et qui voudront se rendre utiles; la seconde, comprenant les noms et demeures de ceux qui auront refusé de prêter le serment civique, avec les plaintes et les procès-verbaux qui aurout été dressés contre eux. Ces deux listes seront arrêtées incessamment, de manière à être présentées, s'il est possible, aux conseils-généraux de département avant la fin de leur session actuelle.

› XV. A la suite de ces listes, les procureurs-généraux-syndics rendront compte aux conseils de département (ou aux directoires, si les conseils sont séparés) des diligences qui ont été faites dans leur ressort pour l'exécution des décrets de l'assemblée nationale constituante, des 12, 24 juillet, et 27 nov. 1790, concernant l'exercice du culte catholique salarié par la nation. Ce compte-rendu présentera le détail des obstacles qu'a pu éprouver l'exécution de ces lois, et la dénonciation de ceux qui,

depuis l'amnistie, ont fait naître de nouveaux obstacles, ou les ont favorisés par prévarication ou par négligence.

XVI. Le conseil-général de chaque département (ou le directoire, si le conseil est séparé) prendra sur ce sujet un arrêté motivé, qui séra adressé sur-le-champ à l'assemblée nationale, avec les listes des écclésiastiques sermentés et non-sermentés (ou qui se seront rétractés), et les observations du département sur la conduite individuelle de ces derniers, ou sur leur coalition séditieuse, soit entre eux, soit avec les Français transfuges et déserteurs.

› XVII. A mesure que ces procès-verbaux, listes et arrêtés seront adressés à l'assemblée nationale, ils seront remis au comité de législation pour en faire un rapport général, et mettre le corps-législatif à portée de prendre un dernier parti afin d'extirper la rébellion, qui se déguise sous le prétexte d'une prétendue dissidence dans l'exercice du culte catholique. Dans un mois le comité présentera l'état des administrations qui auront satisfait aax articles précédens, et proposera les mesures à prendre contre celles qui seront en retard de s'y conformer.

› XVIII. Comme il importe surtout d'éclairer le peuple sur les piéges qu'on ne cesse de lui tendre au sujet des opinions prétendues religieuses, l'assemblée nationale exhorte tous les bons esprits à renouveler leurs efforts et multiplier leurs instructions contre le fanatisme; elle déclare qu'elle regardera comme un bienfait public les bons ouvrages à la portée des citoyens des campagnes qui lui seront adressés sur cette matière importante, et d'après le rapport qui lui en sera fait, elle fera imprimer et distribuer ces ouvrages aux frais de l'État, et récompensera leurs

auteurs. >

QUESTION DES ÉMIGRÉS.

La cour sentait que l'émigration allait provoquer des mesures énergiques de la part de l'assemblée législative. Il devenait imminent d'arrêter la désorganisation de l'armée, de pour voir au remplacement des officiers, et d'opposer une digue quelconque

à cette défection de chaque jour, dont s'accroissait, au-delà des frontières, le parti de la contre-révolution.

Louis XVI calculait alors son salut (Mémoires de Bertrand de Molleville, t. VI, p. 22) sur une fidélité complète à son acceptation de l'acte constitutionnel; il espérait que l'application entière de cet acte ne tarderait pas à en faire sentir les inconvéniens, et que la nation en demanderait elle-même la réforme. La reine était entrée dans ce plan, le seul qui permît d'attendre sans péril des jours meilleurs, et elle avait dit au ministre dont nous parlions tout à l'heure: Allons; M: Bertrand, du courage; j'espère qu'avec de la patience, de la fermeté et de la suite, tout n'est pas encore perdu. ›

Au lieu d'entrer dans ces vues, les royalistes du dedans, et surtout ceux du dehors, continuèrent à soutenir que Louis XVI n'était pas libre, et qu'ils ne croyaient pas à la sincérité de son serment. Le roi multiplia les assurances de sa bonne foi en proportion des doutes émis par les émigrés. De plus, résolu de ne pas sanctionner contre eux des décrets trop sévères, il gagna l'assemblée de vitesse, pensant que celui qui parlerait le premier aurait droit de conclure.

Nous allons transcrire les actes émanés du cabinet des Tuileries, et puis, sans autre préambule, nous exposerons les débats de l'assemblée et les décrets qui intervinrent.

Lettre du roi aux commandans des ports.

Paris, le 13 octobre 1791.

Je suis informé, Monsieur, que les émigrations se multiplient tous les jours dans le corps de la marine, et je ne puis différer plus long-temps de vous faire connaître combien j'en suis vivement affecté.

Comment se peut-il que des officiers d'un corps dont la gloire m'a toujours été si chère, et qui m'ont donné dans tous les temps les preuves les plus signalées de leur attachement et de leur zèle pour le service de l'État se soient laissé égarer au point de perdre

de vue ce qu'ils doivent à la patrie, ce qu'ils doivent à mon affection, ce qu'ils doivent à eux-mêmes?

Ce parti extrême eût paru moins étonnant il y a quelques mois, quand l'anarchie semblait être à son comble, et qu'on n'en apercevait pas le terme; mais aujourd'hui, que la majeure et la plus saine partie de la nation veut le retour de l'ordre et de la soumission aux lois, serait-il possible que de généreux et fidèles marins songeassent à se séparer de leur roi?

Dites bien à ces braves officiers, que j'estime, que j'aime, et qui l'ont si bien mérité, que l'honneur et la patrie les appellent; assurez-les que leur retour, que je désire par-dessus tout, et auquel je reconnaîtrai tous les bons Français, tous mes vrais amis, leur rendra pour jamais toute ma bienveillance.

On ne peut plus se dissimuler que l'exécution exacte et paisible de la constitution est aujourd'hui le moyen le plus sûr d'apprécier ses avantages, et de connaître ce qui peut manquer à sa perfection.

Quel est donc votre devoir à tous? de rester fidèlement à votre poste, de coopérer avec moi, avec franchise et loyauté, à assurer l'exécution des lois que la nation pense devoir faire son bonheur; de donner sans cesse de nouvelles preuves de votre amour pour la patrie et de votre dévoûment à son service.

C'est ainsi que se sont illustrés vos pères, et que vous vous êtes distingués vous-mêmes. Voilà les exemples que vous devez laisser à vos enfans, et les souvenirs ineffaçables qui constitueront votre véritable gloire.

C'est votre roi qui vous demande de rester inviolablement attachés à des devoirs que vous avez toujours si bien remplis. Vous auriez regardé comme un crime de résister à ses ordres, vous ne vous refuserez pas à ses instances.

Je ne vous parlerai pas des dangers, des suites fâcheuses qu'une autre conduite pourrait avoir; je ne croirai jamais qu'aucun de vous puisse oublier qu'il est Français.

Je vous charge, Monsieur, d'adresser de må pårt un exem

plaire de cette lettre à tous les officiers attachés à votre département, et particulièrement à ceux qui sont en congé.

Signé, Louis.

Et plus bas, DE BERTRAND.

Lettre du roi aux officiers généraux et commandans des troupes de

terre.

De Paris, le 14 octobre.

En acceptant, Monsieur, la constitution, j'ai promis de la maintenir au dedans et de la défendre contre les ennemis du dehors. Cet acte solennel de ma part doit bannir des esprits toute incertitude; il détermine en même temps de la manière la plus précise et la plus claire la règle de vos devoirs et les motifs de votre fidélité. Mon intention est que vous annonciez aux troupes qui sont sous vos ordres que ma détermination, que je crois essentielle au bonheur des Français, est invariable comme mon amour pour eux.

La loi et le roi désormais confondus, l'ennemi de la loi devient celui du roi. De quelque prétexte maintenant dont on veuille colorer la désobéissance et l'indiscipline, j'annonce que je regarderai comme un délit contre la nation et contre moi tout attentat, toute infraction à la loi.

Il a pu être un temps où les officiers, par attachement à ma personne, et dans le doute de mes véritables sentimens, ont cru devoir hésiter sur des obligations qui leur semblaient en opposition avec leurs premiers engagemens; mais, après tout ce que j'ai fait, cette erreur ne doit plus subsister.

Je ne puis regarder comme m'étant sincèrement dévoués ceux qui abandonnent leur patrie au moment où elle réclame fortement leurs services. Ceux-là seuls me sont sincèrement attachés, qui suivent les mêmes voies que moi, qui restent fermes à leur poste, qui, loin de désespérer du salut public, se confédèrent avec moi pour l'opérer, et sont résolus de s'attacher inséparablement à la destinée de l'empire.

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