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des citoyens avec lesquels il demeure, il faut qu'il soit à l'instant chassé. Quant à ceux qui, ayant prêté le serment, troubleraient cependant le moins du monde la tranquillité publique, il faut qu'ils soient à l'instant exclus. Enfin, ceux qui se trouveraient dans les cas prévus par le code pénal, ou contre lesquels le code pénal prononcerait des peines plus sévères que l'exil, doivent perdre la vie.

Un grand nombre de membres demandent l'impression de ce discours; d'autres la question préalable sur l'impression.

L'assemblée décide qu'il y a lieu à délibérer.

M: Lecoz, évêque du département de l'Ille-et-Vilaine. Je demande la parole comme citoyen et comme prêtre. (Il s'élève de grands murmures.)

Plusieurs voix Point de prêtres.

M. Lecoz. Je dis que demander l'impression du discours de M. Isuard, c'est demander l'impression d'un code de l'athéisme. (Les murmures redoublent.)

M. le président. J'ai donné la parole à Monsieur, et je la lui maintiendrai.

M. Garan-Coulon. Je demande que vous ne la lui mainteniez pas; Monsieur a demandé la parole comme prêtre, et il ne doit pas être entendu en cette qualité.

Plusieurs minutes se passent dans une grande agitation.

M. Lecoz. Je ne crois pas que l'assemblée qui représente tous les citoyens et tous les fidèles de l'empire, doive décréter quelque chose qui tende à bouleverser de plus en plus la tranquillité publique. Nous fondons nos espérances dans cette régénération du peuple français sur la pureté de sa morale. Or, je soutiens et je prouverai que le discours de M. Isnard tend à détruire toute morale religieuse et sociale. (On murmure; on demande que l'opinant soit rappelé à l'ordre.) Il est impossible qu'une société existe, si elle n'a pas une morale immuable et éternelle. (Les ris et les clameurs redoublent.-M. Lecoz quitte la tribune) (1).

(1) Cette accusation d'athéisme portée contre Isnard, eut assez de gravité

M. le président consulte l'assemblée sur la demande de l'impression.

Après deux délibérations douteuses, M. le président prononce que la proposition est rejetée.

Plusieurs membres demandent à proposer de nouveaux projets de décret.

L'assemblée décide que le comité de législation se divisera en quatre sections, pour rédiger en projet de décret les differentes opinions qui partagent la discussion.]

SÉANCE DU 11 NOVEMBRE.

Troubles occasionnés dans le Calvados par les prêtres non assermentés.

[Un de messieurs les secrétaires fait lecture d'une lettre de la municipalité de Caen, ainsi conçue :

• Nous avons déjà prévenu M. Verduit, député de cette ville, de l'insurrection qui a eu lieu dans nos murs samedi dernier. Il a pu vous en rendre compte; mais nous ne lui avons pas donné tous les détails qui sont contenus dans le procès-verbal que nous vous transmettons. Vous verrez à quels dangers nous avons été exposés. Nous ne devons notre salut qu'au courage et à la prudence de la garde nationale; nous sommes occupés maintenant à prendre les déclarations des personnes arrêtées, et à recevoir les rapports qui nous sont faits. Nous nous proposons de rédiger un procès-verbal par suite, et de vous l'envoyer.

Suit le procès-verbal de la municipalité.

5 Novembre 1791. A deux heures de relevée, le conseilgénéral de la commune étant assemblé dans le lieu ordinaire de ses séances pour dresser le procès-verbal des faits relatifs à l'insurrection qui a eu lieu ce matin, a recueilli ce qui suit :

< Depuis quelque temps, une foule d'émigrans et de ci-devant

pour que celui-ci jugeât nécessaire de s'en disculper par la voie de la presse il adressa aux journaux une lettre qui se termine ainsi : «J'ai contenplé la nature, je ne suis point un insensé, je dois donc croire à Dieu.»>

(Note des auteurs.)

nobles, tant de Caen que des environs, se réunissaient dans les lieux et les places publiques, faisaient des cavalcades, et semblaient par leur arrogancé, leurs propos et leurs menaces, annoncer des projets hostiles. Ils sondaient les esprits, et croyaient qu'ils rallieraient facilement à leur parti ceux qu'ils désignent sous le nom d'honnêtes citoyens, de mécontens. Mais il leur fallait un prétexte, et la cause des prêtres non-assermentés leur en donnait un. Ces circonstances avaient déterminé les administrateurs du département à prendre un arrêté qui prescrivait aux prêtres ci-devant fonctionnaires publics, de quitter leurs paroisses, en exceptant toutefois ceux dont les municipalités auraient donné bon témoignage. Mais la lettre du ministre de l'intérieur, en les rétablissant dans les droits qui leur avaient été précédemment accordés, a occasionné une fermentation que le ministre était sans doute loin de prévoir. On a vu des prêtres se présenter dans les paroisses desservies par des prêtres constitutionnels, ayant à leur tête des huissiers et des recors. Fidèles à la loi, les prêtres constitutionnels leur ont ouvert leurs églises et leur ont fourni tous les ornemens nécessaires au culte divin; ils n'en ont pas moins été mortifiés, injuries, menacés par les gens qui accompagnaient les prêtres non-sermentés. On a remarqué que plusieurs de ces gens malintentionnés avaient des pistolets et plusieurs autres armes. Ces rassemblemens commencèrent à donner de l'inquiétude aux citoyens, et particulièrement au corps municipal.

› Le vendredi 4 de ce mois M. Bunel, ci-devant curé de la paroisse de Saint-Jean, se présenta pour y dire la messe, environ à huit heures du matin. Nous avons su qu'il avait averti le curé constitutionnel de ses intentious, et que la majeure partie des habitans de cette paroisse, composée de ci-devant privilégiés, avait été également prévenue : aussi à l'heure marquée, l'église était pleine; et ce qui a paru étonnant, ce fut de voir le sanctuaire et le choeur remplis de ci-devant nobles et domestiques, qu'on soupçonnait être armés de pistolets et qu'on supposait être apostés pour exciter du trouble. Leur ton aigrit les pa

triotes; mais par prudence ils évitèrent toute espèce de rixe. M. Bunel annonça qu'il se rendrait demain à l'église à la même heure. On l'entendit dire à ceux qui l'environnaient: Patience, soyons prudens; le ciel nous aidera, et tout ira bien. Une autre voix demande un Te Deum en action de grâces.

Le conseil-général de la commune, instruit de ce rassemblement, engagea M. Bunel à ne pas dire la messe le lendemain. La lettre ne put lui ètre remise qu'à huit heures du soir, et il répondit le lendemain matin qu'il se soumettait à la réquisition de la municipalité. Mais les personnes prévenues la veille, ignorant la détermination ultérieurement prise par M. Bunel, se sont rendues à l'église dès huit heures du matin. L'annonce de la veille avait malheureusement circulé dans la ville, et une affluence considérable de monde se rendit à la paroisse. Quelques patriotes inquiets sur un rassemblement aussi subit, entrèrent dans l'église; on fut instruit des causes de ce rassemblement, et ceux qui étaient attachés à leur ancien curé, disaient hautement qu'ils l'attendaient pour dire la messe et pour chanter un Te Deum. Un officier de la garde nationale, qui venait d'entendre que sept à huit domestiques avaient provoqué un grenadier, leur demanda quels étaient leurs motifs. Leur réponsé, accompagnée d'un ton menaçant, a été : Vous venez chercher probablement ce que vous trouverez; nous avons plus de force que vous, et nous vous chasserons de l'église. A ces domestiques s'étaient réunis plusieurs jeunes gens depuis long-temps suspects par leur conduite. L'un d'eux a voulu désarmer un homme de la gårde nationale, venu pour rétablir l'ordre il fit plusieurs tentatives; il fut repoussé, et reçut plusieurs coups de baïonnettes qui le renversèrent. Plusieurs personnes avaient des pistolets dans leurs poches, et en tirèrent plusieurs coups.

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Le tambour-major de la garde nationale ayant vu tirer une amorce sur lui, a tiré son sabre et a chargé ceux qui avaient provoqué cette attaque.

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› Le corps municipal avait chargé deux commissaires d'aller sur les lieux. A leur retour, deux officiers municipaux et le sub

stitut du procureur de la commune s'y sont rendus avec deux compagnies de grenadiers et de chasseurs, et tous les citoyens de la garde nationale qui ont pu être rassemblés. Ils ont dissipé le premier attroupement. Quelques coups de fusil et de pistolet ayant été tirés dans la rue de Cuibert, les commissaires s'y rendirent avec leur détachement et avec le drapeau rouge non déployé; ils empêchèrent qu'on n'enfonçât la porte de la maison de M. Durossel, d'où l'on avait vu partir plusieurs coups de fusil, Quatre gendarmes nationaux déclarèrent avoir été mis en joue par des gens apostés dans la même maison.

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Après avoir assuré, par ces dispositions, la tranquillité publique, le corps municipal a fait ordonner aux compagnies de ne pas tirer sans ordre des chefs, et il eut la satisfaction de voir la tranquillité rétablie. Quatre personnes ont été blessées dans le premier moment de l'insurrection; deux l'ont été très-grièvement. Le calme paraissait renaître dans la ville; mais le nombre de mécontens s'augmeptait, et il était important, sinon de tarir la source des troubles, au moins d'assurer la tranquillité publique par les moyens que la prudence pouvait suggérer. La municipalité, ou plutôt le conseil-général de la commune, jugea convenable d'envoyer deux officiers municipaux et le procureur de la commune, pour inviter les corps administratifs à se rendre à la maison commune; ils se sont transportés au département, accompagnés par un détachement de garde nationale.

› Le procureur-général-syndic était absent, et, pour donner au département le temps de prendre une résolution, les commissaires se rendirent au directoire de district. Les administrateurs s'empressèrent d'accéder à la demande du conseil-général de la commune; le directoire du département répondit qu'il enverrait deux députés à la maison commune. Le substitut du procureur de la commune observa que le corps municipal avait besoin des lumières du conseil entier. Cette observation été sentie des administrateurs, qui se sont déterminés à quitter jeurs fonctions pour se rendre au vou du conseil-général de la commune. Tous les corps administratifs étant réunis ensemble,

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