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COURIER FRANÇAIS,

Du Mercredi 1er Mai 1793, l'an 2me de la République.

I

CONVENTION NATIONALE du 30 avril.

M. LAS QURCE, XVIme Préfident.

Lettre du général Cuftines qui annonce qu'il a fait fufiller à la tête de l'armée deux fous-officiers qui ont commencé le pillage d'Hombourg.—Détails fur plufieurs affaires férieufes qui ont eu lieu fur les bords du Rhin.-Dénonciation faite contre les officiers & les généraux de l'armée du Rhin.—Intrigues des Autrichiens pour attirer dans leur parti les foldats de la république.-Permiffion demandée par les Autrichiens aux Français pour abattre un arbre de la liberté.-Victoire remportées fur les rebelles de la Loire.-Prife de Machecoul par troupes républicaines.-Difcuffion fur la taxe du bled & du pain.Violent tumulte dans l'affemblée. Décret qui ordonne aux citoyens d'évacuer une des tribunes de la falle.-Propofition faite par Marat de profcrire les Capets fugitifs.-Incendie de l'abbaye de Marquette.

Reprife de la Séance, du Mardi 30 matin, avril.

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Es débats qui s'elevèrent hier fur l'arrestation de Mainville, prolongè rent la feance jufqu'à 9 heures du foir; il fur décrété que Mainvielle feroit gardé chez lui, & qu'il pourroir fe rendre à la convention nationale, accompagné d'un garde. Dans la feance d'aujourd'ui, des nouvelles peu fatisfantes font arrivées de l'armée du Rhin. Le général Cuftines écrit de fon quartier-général de Weidembourg, le 28 avril, qu'il a ére obligé de deployer une grande févérité contre des militaires qui le font rendus coupables des excès les plus odieux à Hombourg. Là, ces hommes, indignes de porter le nom de Français, ont violé l'hospitalité que leur avoient accordée les habitans, en les pillant & leur raviffant tout ce qu'ils poffedoient. Le général a fait fufiller, à la tête de l'armée, un fergent & un autre bas officier qui avoit donné l'exemple du brigandage, Les autres ont tiré au fort, feal a fubi la peine de mort; le refte des coupables fubira une detention de 3 mois ou de fix femaines, felon la gravité de leurs crimes,

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La convention nationale a porté les regards eniuite fur les départemeńs en rebellion. Ses commiffaires dans celui de la Loire-inférieure annoncent la prife de Machecoul par l'armée nantaife, & un avantage remporté par Je général Boulard à la Motte-Acha.d; mais en même temps, ils recommandent à la convention de ne pas négliger, ni retarder les fecours does ils ont un besoin d'autant plus preflanc que, malgré leurs défaites conti

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muelles, lercontre-révolutionnaires font toujours en nombre formidable. Le procureur-général-fyndic du département de l'Hérault a fait favoir enfuite que le quart des cinq mille hommes requis par les commiffaires est en marche pour aller fe mefuser avec les Efpagnols, & que fi l'on n'avoit arrêté le zèle des parriote, dix mille défenfeurs demandoient à combattre. Les citoyens de Montpellier fe font particulièrement diflingues.

Après ces détails, le rapporteur du comite de sûreté générale a pris la pa"role. Il a dit comment à la fuite d'une fête civique qui a eu lieu à Pondevaux departement de l'Ain, “à l'occafion de la délivrance de la Savoie, quelques citoyens égarés par un faint enthoufiafme, le font portés à l'églife & y ont lacéré les drapeaux blancs qui s'y trouvoient comme trophées, & comment cés patriotes foot perfécutés. Une procédure criminelle intentée contr'eux lé pourfuit avec un acharnement qui prouve l'incivifme de leurs perfécuteurs. La convention a annulé la prudence & le jugement rendu par le juge de paix. Le même comit a foumis un autre affaire à la difcuffion. Un P rticulier 'a été condamné à mort pa le tribunal criminel du département de Paris pour -avoir été trouvé nanti & furpris diftribuant de faux affignats. Le comité prérendoit que cet homme étoit un de fes agens, & il produifoit un certificat en date du mois de nov. dernier, mais la convention n'a pas cru qu'elle pûrê re mieux inftruite que par le tribunal, & elle eft paffée à l'ordre du jour. Cet gear preteadu fera exécuté demain.

Organe du comité de talut public, Bréard a paru à la tribune pour donner des détails fatisfaifans fur l'étar de nos forces maritimes. Plufieurs convois foot heureusement arrivés dans nos ports; d'autres font partis bien escortés, La plus grande activité règne dans nos ports, & particulièrement à Breßt où les arm mens fe preffent avec-la plus grande vigueur. Un grand nombre de frégates croifent depuis Bayonne jufqu'à Cherbourg, & dans peu nos, forcés feronten erar de faire face à l'ennemi.

Des nouvelles ultérieures font alors arrivées du département de l'Hérault. Au moment où le premier quart du contigent de la ville de Pezenas alloit partir, il eft arrivé un courier extraordinaire avec un contre-ordre, l'affluence des gardes nationales vers le point menacé rendant leur départ inu tile. Elle étoit telle certe affluence que fi on n'avoir pas envoy de pareils contre-o dres dans les autres lieux, en moins de cinq jours, on auroit eu une armée de 40,000 hommes. Le coutier a ajouté que la petite armée qui a fait infion fùr nos terres n'étoit compofée que de troupes de ligne espagnoles jointes à une horde de bandits commandés par un fcélérat condamné à être pendu, & qui, pour avoir fa grave, s'étoit engagé à pénétrer en france. Son projet étoit de s'emparer du port de Vendre, mais il a été arrêté par le régiment de Champagne & un bataillon de Nantes.

Auffitôt après, Peiniéres a donné lecture d'un procès-verbal dreffé par le département de la Corrèze, pour conftater la bravoure de 5 volontaires dans la Vendee. Un drapeau blanc flottoit fur le chocher d'un village; ces braves jeunes gens l'apperçoivent; leur fang bouillone; ils fe précipitent dans ce village, arrachen: ce figne infâme de rebellion, coupent les cordes des cloches, & reviennent en triomphe, fans que les payfans, ftupéfaits de leur audace patriotique, aient été leur oppofer la moindre réfistance. Ce trait caractéristique fera inféré dans le procès-verbal de la convention, qui lui a donné les applaudiffemens les plus mérités.

Poultier, rapporteur du comité de la guerre, a fait adopter enfuite deux décrets, Le premier fixe le nombre des hommes compofant les détachemens

de gendarmerie nationale, employés pour l'exécution des jugemens des tribunaux militaires & le maintien de la police dans les camps; le fecond: exclut des cantonnement & des camps toutes les femmes inutiles: celles jugées nécessaires font les femmes employées au blanchiffage & à la vente des vivres & boidons. Il y aura par chaque bataillon quatre blanchisseuses qui devront être pourvues d'une lettre d'autorisation du chef du corps, vifée par le commiffaire des guerres. Les femmes des officiers géneraux & de rous les autres officiers, font comprises dans la même exclusion. Le même décret porte encore que les femmes qui fervent actuellement dans les armeesa, feront exclues de tour service militaine, & qu'il leur fera donné 5 lous par lieue, pour le retirer dans leur domicile..

On a repris la grande queftion des fubfiftances, & différents membres Got lu leurs projets. On el convenu, enfure de Haruer for its bales de la. loi projettee. Yaura-t il une taxe? Sera t-elle momentanée ? Quel fera fon terme?

Ducos a voulu parler du danger de la taxe & fur tout de l'intérêt quẹ doir infpirer la claffe des agriculteurs; mais des cris affreux, des trépi gnemens de pieds ont étouffe la voix. Ce scandale a duré long-temps, fans qu'il ait éré possible au président de ramener l'ordre. A la fin, Guadet a pu fe faire entendre. Une représentation nationale avilie o'exitte deja plus a-t-il dit........ Il est prouvé que vous ne pouvez plus vous faire respectes ici. Les autorités conftituées de Paris ne le veulent pas. Il est temps qu'on impofe filence à une poignée de contre-révolutionnaires déguifés fous le nom de parriores. Il faut que cere lurte ceffe. Je vais faire une propofition qui ne portera l'effroi que dans l'amne de ceux qui ne font pas déterminés à four facrifier pour fauver la patrie. Je demande que la convention nation nale décrére que fa féance de lundi fera tenue à Verfailles. On fait come ment une proposition si hardie a pu être reçue. Un autre membre propo» foit de décréter qu'au moment où les tribunes le comporteront de cette maniére, tous les députés le réuniront & quitteront cette ville. Nous prea drons nos fabres, continuoit-il, & nous nous rendrons à Versailles en nous défendant, fi l'on ofe nous attaquer.

Marat, croyant que fon intervention› étoit nécesfaire pour détourner cet orage, eft monté à la tribune pour propofer une meture, qui, felon lui devoit rendre, fi elle étoit adoptée, la confiance du peuple & l'amitié fra reroelle des députés patriotés à ceux que Dumouriez lui-même a accufé d'être les complices. Cette mefure et de mettre à prix la tête des Capes émigrés ; & il a lu un projet de décṛer, accompagné d'un confidérant, dones le ftyle & les motifs font dans le genre de Mărat. Voilà, mon avis, a-t-il dit, fi vous voulez réparer vos torts, mettez-vous la corde au cou, faites amende... honorable, & adoptez le.

Buzova engagé l'affemblée à ne pas laiffer détourner for attention de In motion de Guader, par une motion incidente, que d'ailleurs il ne vouloit ni appuyer si combattre. Il a fait enfuite te tableau des scènes scandaleuses, horribles, qui troublent prefque tous les jours les délibérations, il a retracéces figures hideuses qui environnent & obftruent les avenues de la convenvention, ces hommes couverts de fang, à qui il faut encore du sang pour étouffer leurs remords. fi Buzot a éré interrompu prr des cris de l'ordre du jour. L'ordre du jour a été mis aux voix & adopté,

Cependant, Levaffeur a demandé que préalablement l'on fit fortir de la

tribune du fond à gauche, les citoyens qui la compofent. La très grande majorité de la convention étoit d'accord; mais la montagne s'eft oppofee fortement à ce que le préfident mît cette propofition aux voix. Danton propolé un amendement; on ne l'a pas laiffé achever. Quelques membres du Côté gauche oor invité tendrement les citoyens de la tribune mesacre, de fortir d'eux-mêmes, pour quelques minutes feulement; & quelques-uns d'entr'eux s'étant levés pour fortir, toutes les tribunes fe foot levées en même-temps & fe font mifes en devoir de te retirer. Cependant, le plus grand nombre eft refté, & il n'y a eu de totalement évacué que les tribunes dont l'évacuation a été ordonnee par un décret, mais dont les citoyens qui la compofoient ont prévenu l'exécution.

Ducos a encore parlé quelque temps contre la taxe ; mais la convention a décrété que demain elle s'occuperoit de la continuation de la difcuffion fur les fubfiftances, & que celle fur la conftitution feroit renvoyée à jeudi.

Cambon, au nom du comité de falut public, a donné quelques dérails fur la fituasion de nos armées celle du Nord, malgré la trahison de Dumouriez, & les funeftes conféquences qui devoient en être la suite, eft encore aujourd'hui de 90,000 hommes. Dans cette armée, comme dans celle du Rhn, les anciens cadres font tous complets par les nouvelles recrues qui affluent de toutes parts, & qui le foumettent fans murmurer, au dé1 cret de la convention.

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NOUVELLES DE PARIS.

30 avril Le pouvoir exécutif vient de donner des ordres pour la deftitution du général Kellermann. Les généraux de la république doivent être comme la femme de Cefar : ce n'eft pas affez pour eux de n'être pas coupables, il faut encore qu'ils ne foient pas foupçonnés. Le général deftitué fera remplacé par le général d'Oraison.

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Séance des Jacobins.

Un officier de l'armée des Voges, à l'ouverture de la féance, a rendu compte de la fituation de cette armée; elle eft dans les plus heureufes difpofitions. Le même officier a demandé la formation d'une armée de fans-culottes. On a lu enfuite plufieurs lettres des députés commiffaires envoyés dans les départemens. Collot-d'Herbois eft effrayé de l'efprit de moderantiíme qui règne dans les départemens; mais graces aux foins des commiffailes Français vont faire mentir le proverbe qui dit que les montagnes ne fe rencontrent pas des montagnes vont être établies fur tous les points de la république. Léonard-Bourdon, qui a vifité l'armée du Rhin, a inftruit la fociété des démarches qu'il fait pour fuivre les trames contre-révolutionnaires des généraux. « Nous avons découvert, écrit ce député, que les officiers de l'armée du Rhin partagent l'opinion de Dumouriez, & veulent un roi avec la conftitution de 1790; ils émettent leur opinion dans les armées : nous avons arrêté une lettre d'un jeune homme qui écrivoit à fa famille que le général parcouroit les rangs, en difant que ceux qui avoient établi la république étoient de f..... gueux.

Après avoir rendu compte de cette importante découverte, les commiffaires parlent des mouvemens contre-révolutionnaires qui ont éclaté dans plu fieurs cantons du département de la côte du Nord. Ces mouvemens ont été excités par des domestique de ci-devant nobles: 41 ont été arrêtés, déja l'um d'eux a fubi la peine de mort.

Plufieurs lettres adreffées à la fociété demandent le rappel des mandataires infidèles qui ont voté l'appel au peuple: les citoyens Boiffel & Haffenfraz ont pris de-là occafion de demander qu'il fût fait un recueil de toutes les adreffes qui expriment le vœu des citoyens pour le rappel des députés appelans, & qu'on préfentât enfuite ce recueil à la convention. Cette propofition a été arrêtée d'une voix unanime.

Pocholle, député à la convention, & nommé commiffaire dans les départemens de la Somme & de la S、ine inférieure, a rendu compte de fa mɗfion; il n'a pas trouvé l'efprit public excellent dans les départemens qu'il a parcourus; par-tout il a vu l'opinion publique égarée & pervertie; il n'a rencontré dans fon voyage qu'un feul corps militaire qui fût patriote, Encore étoit-il défarmé; & c'étoit un corps de cavalerie qui manquoit de chevaux. Dans plufieurs cantons, la jeuneffe guerrière eft obligée de faire l'exercice avec des bâtons. Les magiftrats de Rouen n'ont pas voulu que le peuple fût armé, parce que, difoient-ils, leur autorité feroit bientôt anéantie. Tel eft le résultar du rapport de Pocholle, qui a été prié de répéter les mêmes obser. vations à la tribune de la convention nationale. Legendre, effrayé des dangers qui menacenrla liberté,a répété alors la morion qu'il avoit faite le matio parmi les repréfentans du peuple : il propofoir de porrer en public le corps du patriore qui avoit fuccombé fous le glaive de l'aristocratie: « Je vou. n drais, ajoutoit-il, enflammé par fon enthoufiafme, je voudrois » être moi-même la premiere victime, fi ma mort pouvoir terraffer » les traîtres; je voudrois qu'on déchirât més entrailles, & que mes bras " & mes jambes servissent à aßommer les ennemis du bien public ».

Le général Santerre, interpelle par un citoyen de déclarer pourquoi il a fait affembler les fections de Paris & les canonniers aux Champs-Elyfées, pendant la fère célébrée en l'honneur de Lazousky, a répondu qu'il étoit fatisfait de voir un citoyen prendre fait & caule pour le patriote auquel on avcit rendu les honneurs funebres ; il a répondu en même-temps qu'il étoit fâché de voir des foupçons s'élever fur fa conduite envers Lazousky qu'il avoir toujours protégé. Il fioit par dire que la revue ayant commencé tard, il n'a pu l'interrompre. Il demande au refte que le citoyen denonciateur foir Dommé commiffaire pour examiner les faits. Cette explication a paru fati

faire la fociété.

Pendant le cours de cette féance on a fair lecture d'une lettre de Beziers, dans laquelle on se plaint de la conduire & du luxe infultant de plu. fieurs députés, nommés commitfaires dans les départemens. Cette lettre annonce qu'on vient de faire des vifites domicilaires à Toulouse, qu'on a atu rêté un grand nombre de prêtres, & que la guillotine eft permanente....

Confeil général de la Commune.

Séance du 30. On a lu il y a quelques jours un décret qui porte que le

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