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Le surlendemain de mon arrivée, j'ai reçu un courrier avec une instruction du conseil, prise unanimement, et les ordres du roi, contenus dans les dépêches de MM. Degrave et Dumourier. Cette instruction m'or- · donne « de remettre sous le commandement de M. de Biron, un corps de troupes sous le nom d'avant-garde ou de première ligne, composé de dix bataillons et dix escadrons, pour se présenter avant le 30 devant Mons; un pareil corps de dix escadrons, doit se présenter aux ordres d'un maréchal de camp devant Tournay, à la même époque; et un détachement de douze cents hommes doit partir de même du camp ou du cantonnement de Dunkerque, pour se présenter à Furnes. » On m'ordonne de rassembler le plus tôt possible à Valenciennes le reste des troupes qne je pourrai tirer des garnisons,` et de me tenir prêt à marcher avec cette secondé ligne, pour aller à l'appui de M. de Biron, du succès duquel, par les intelligences que le conseil a dans le pays,

on est presque assuré.

Arrivé seul, huit jours avant le commissaire-général faisant les fonctions d'intendant, sans aucun chef d'administration pour toutes les parties de subsistances, j'ai passé jour et nuit à presser l'exécution des ordres du roi, à vaincre tous les obstacles, et à faire ce que l'on appelle l'impossible. Les officiers - généraux, mon étatmajor, le peu de commissaires des guerres qui se trouvaient ici, et les corps administratifs de Valenciennes m'ont secondé avec beaucoup de zèle.

Le corps de M. de Biron a cantonné, le 27, aux environs de Valenciennes; celui de Lille s'y est rassemblé le même jour, et j'espère que celui de Dunkerque, d'après les ordres envoyés à M. Delbecq, en a fait au

tant.

Le 28, M. de Biron s'est emparé de Quiévrain; il

en est parti, le 29 au matin, pour se présenter devant Mons; les ordres et instructions des ministres lui ayant été adressés directement.

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M. Berthier, témoin oculaire et porteur sans doute de ces dépêches, m'a dit verbalement qu'il comptait se retirer cette nuit derrière Quiévrain, ayant trouvé une force imposante de l'ennemi sur la hauteur en deçà de Mons.

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M. d'Aumont, qui a également reçu une instruction et des ordres directs des ministres, rendra compte sans doute de ce qui est arrivé au détachement commandé par M. Théobald Dillon : Tout ce que je sais par les nouvelles que j'ai reçues de Lille, c'est qu'il a été fort maltraité, sans en avoir des détails bien circonstanciés; je n'ai encore aucune nouvelle du détachement de M. de Cazl, maréchal de camp, partant du camp de Dunkerque sur Furnes; et j'espère qu'il aura trouvé moins d'opposition.

Les gardes nationales et troupes de ligne ont marqué le plus grand zèle et la plus grande ardeur dans cette marche, quelque fatigante qu'elle ait été, et quoiqu'elles ayent manqué de beaucoup d'objets par la précipitation d'un pareil mouvement, dévancé de plus de 15 jours, et par le défaut de préparatifs qu'on aurait pu faire, si le temps l'avait permis, et qui avaient été ordonnés à mon arrivée.

P. S. L'on apprend dans le moment que M. de Biron, prend le parti de rester dans la position qu'il a prise vis-à-vis de l'ennemi, à deux lieues au-delà de Quiévrain.

Pour copie conforme au journal de M. le maréchal. Signé, C. Berthier, adjudant-général de jour, de l'armée du Nord.

Lettre du général Lafayette, au ministre de la guerre Degraves.

Depuis mon départ de Metz, monsieur, vous avez reçu mes demandes; je vous dois un compte général de mes mouvements.

Les nouvelles instructions du conseil m'arrivèrent par l'aide de camp de M. Dumourier, le 24 avril au soir. Ce changement de lieu et d'époque nécessita des efforts d'autant plus difficiles, que nous manquions de beaucoup de moyens, et qu'il fallait transporter à cinquante-six lieues ceux que nous avions.

Le 26 fut employé à tenir prêtes trente-huit pièces de canon qui, grace à l'activité de M. Rissau, le furent dans vingt-quatre heures. Pendant ce temps, on réunit les chevaux indispensables, pour lesquels le zèle des corps administratifs, de la municipalité et des citoyens de la ville et des environs, suppléèrent à nos besoins; nous nous procurâmes également des souliers et autres objets nécessaires. Le 26, je fis partir sous les ordres de M. de Narbonne, maréchal de camp, l'artillerie avec trois compagnies et demie du régiment d'Auxonne, deux compagnies et demie de volontaires. de la Moselle, le 9.o bataillon d'infanterie légère, les secondes compagnies de grenadiers des 17. et 71. régiments, auxquels se joignirent à Danvilliers, celle du 99. et celle du second bataillon des Ardennes. Le 3. régiment de chasseurs à cheval partit aussi par une plus longue route; le 2. régiment de hussards à Mouzon, le 2.o de dragons à Verdun, le 12.° à Stenay, le 55. d'infanterie à Mont-Medy, et successivement toutes

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les troupes les moins éloignées de Givet, reçurent ordre de s'y rendre avec célérité.

Vous m'aviez mandé, monsieur, d'être, le 30, à Givet, et la crainte de manquer à ce rendez-vous, sur lequel M. de Rochambeau avait calculé ses mouvements, m'y fit porter par des marches forcées. Il paraîtra extraordinaire que le convoi d'artillerie et les troupes aux ordres de M. de Narbonne ayent fait une route de cinquante-six lieues, souvent mauvaise, sur laquelle on n'avait pas eu le temps de prévoir leur passage, et par une chaleur excessive, dans le court espace de cinq jours. Il fallait la réunion de tous les moyens personnels de cet officier général, du zèle de ses coopérateurs, et de l'ardeur des troupes, pour avoir pu arriver le 30.

Le reste des troupes a été également exact au rendez-vous, et leurs fatigues et leurs privations n'ont paru affliger que moi. Il en est de même, monsieur, de notre position au camp de Rancennes, où nous man. quons de beaucoup d'objets nécessaires, et où personne ne se plaint.

Le 29 au matin, nos patrouilles ont poussé celles des ennemis. Le 30, M. Lallemand, colonel, avec le 11.* régiment de chasseurs à cheval, s'est porté à Bouvines, à moitié chemin de Namur, où deux ou trois hussards autrichiens ont été tués, et quatre pris. Le 1.er mai, M. de Gouvion, maréchal-de-camp, a pris poste à Bouvines, avec une avant-garde de trois mille hommes.

La veille au soir, j'avais appris, par M. de Rochambeau, que MM. Dillon et Biron se repliaient. J'ai reçu depuis une lettre de M. de Biron m'annonçant sa rentrée à Valenciennes, et celle où vous m'apprenez les atrocités commises à Lille. L'infâme conduite qu'on a tenue envers les prisonniers de guerre, exige, monsieur, une vengeance exemplaire. Ce n'est pas l'ennemi

qui la demande, c'est l'armée française. L'indignation que nous avons toujours éprouvée, m'autorise à dire que de braves soldats répugneraient à combattre, si le sort de leur ennemi vaincu devait être de se voir livrés à de lâches cannibales.

D'après les nouvelles de l'armée du Nord, j'ai attendu, au camp de Rancennes, les objets d'indispensable nécessité, dont nous manquons encore, soit pour faire mouvoir des troupes, soit pour leur conservation. Mon avant-garde est toujours à Bouvines. M. Délaunois, que j'ai l'avantage, d'avoir à la tête de mon étatmajor, la partie de cet état-major qui a rejoint l'armée avec M. Pétiet, commissaire principal, m'ont rendu les plus grands services dans le travail précipité que les instructions arrivées le 24 ont nécessité, non-seulément pour le corps que je commande en personne, mais pour la totalité de mon armée. Les citoyens se sont partout empressés à seconder l'ardeur des troupes,

Signé, le général d'armée, LAFAYETTE.

Lettre de M. le maréchal de Rochambeau, à l'assemblée nationale.

Valenciennes, le 8 mai 1792.

MONSIEUR LE PRÉSIDENT,

Sans adopter l'exactitude du compte de mes dépêches au roi, que, d'après les papiers publics, le ministre des affaires étrangères a rendu à l'assemblée nationale, je crois devoir faire observer principalement à l'assemblée nationale qu'il n'a pas fait mention de ma

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