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représentants se trouva conforme à la volonté presque unanime de la nation; mais ils ne renoncèrent pas aux projets dont ils différaient l'exécution, et Brissot luimême a imprimé que Lafayette lui avait dit plusieurs fois que la république serait fort bonne à établir; mais qu'il n'était pas encore temps. Il faut avouer que les hommes, en place sans avoir souvent cette supériorité que le vulgaire imbécille n'est que trop porté à leur attribuer, ont néanmoins plus de moyens que d'autres de combiner et de prévoir les événements; et l'expérience n'a que trop démontré, Brissot lui-même et ses amis ont appris à leurs dépens, que les défenseurs de la constitution avaient eu raison de craindre de grands crimes et de grands malheurs, aussitôt que cette barrière serait

rompue.

Les faits dont je viens de rendre compte, expliquent pourquoi la réintégration de Louis XVI n'éprouva d'obstacles que de la part de trois ou quatre brouillons, agents de l'anarchie, qui, cependant, sans la fermeté de la municipalité et de la garde nationale, auraient Lien pu traiter l'assemblée constituante comme la législative et la convention l'ont été depuis, par les émeutes jacobines.

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Mais ne perdons pas de vue l'état de la question. Il ne s'agissait que de mots, et non point de choses essentielles dans ces changements projetés par amour du mieux, et différés par amour de la paix, quoique la première constitution eût le défaut d'une présidence héréditaire pour le pouvoir exécutif ( défaut que tout républicain de bonne foi trouvera infiniment moius fâcheux que les désordres et les crimes qui ont mené à l'abolition de cette présidence héréditaire, mais insuffisante).

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CINQUIÈME ÉPOQUE.

N. I. (Page 117.)

Après toutes les réflexions qu'entraîne une détermination aussi importante, dans laquelle il s'agit de peser avec l'équité la plus rigoureuse; d'un côté, de ne pas soutenir et venger la souveraineté méconnue de la nation française; de l'autre, les calamités que peut entraîner la guerre:

"Considérant que les circonstances impérieuses où nous nous trouvons, et qui deviennent de jour en jour plus instantes par l'approche de différents corps de troupes autrichiennes, qui s'assemblent de toutes parts. sur nos frontières, nous ont amenés au point de prendre un parti décisif;

"Le 29 novembre, députation de l'assemblée nationale au roi, pour l'inviter à prendre les mesures les plus fermes, pour mettre fin aux attroupements et enrôlements qui se faisaient sur les frontières, et pour exiger une réparation en faveur des citoyens français qui avaient reçu des outrages.

"

Le 14 décembre, le roi témoigne à l'assemblée nationale la confiance qu'il avait encore, à cette époque, dans les bonnes dispositions de l'empereur, en ajoutant qu'il prenait en même temps les mesures militaires les plus propres à faire respecter ses déclarations; et que, si elles n'étaient point écoutées, il ne lui resterait qu'à proposer la guerre. C'est alors que l'assemblée nationale décrète le développement des forces qui garnissent les frontières de l'Empire.

"Le 14 janvier, l'assemblée nationale invite le roi à demander à l'empereur, au nom de la nation française, des explications claires et précises sur ses dispositions; elle fixe le terme du 10 février pour les réponses; et, à défaut de réponse, ce procédé de l'empereur sera envisagé par la nation, comme une rupture du traité de 1756, et comme une hostilité.

« Le 25 janvier, l'assemblée nationale donne un décret en cinq articles, dont le troisième prolonge le terme fatal donné à l'empereur, jusqu'au 1. mars, et ajoute que son silence, ainsi que toutes réponses évasives ou dilatoires seront regardées comme une déclaration de guerre.

"Considérant que l'honneur du roi des Français, et sa bonne-foi sont perfidement attaquées par l'affecta-tion marquée de le séparer de la nation, dans la note officielle du 18 mars, qui répond au gouvernement français, au lieu de répondre au roi des Français.....

"

Considérant enfin, que le vœu prononcé de la nation française, est de ne souffrir aucun outrage ni aucune altération dans la constitution qu'elle s'est donnée; que le roi, par le serment qu'il a fait de maintenir cette constitution, est devenu dépositaire de la dignité et de la sureté de la nation française; je conclus à ce que, forte de la justice de ces motifs, et de l'énergie du peuple français et de ses représentants, sa majesté, accompagnée de ses ministres, se rende à l'assemblée nationale pour lui proposer la guerre contre l'Au

triche.

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Le roi.

Vous venez d'entendre le rapport qui a été fait à mon conseil. Les conclusions y ont été adoptées unanimement, j'en ai moi-même adopté la détermination. Elle est conforme au vou plusieurs fois

exprimé

exprimé de l'assemblée nationale, et à celui qui m'a été adressé par plusieurs citoyens de divers départements. J'ai dû épuiser tous les moyens d'entretenir la paix. Maintenant je viens, aux termes de la constitution, vous proposer formellement la guerre contre le roi de Hongrie et de Bohême.

« M. le président. Sire, l'assemblée nationale prendra en très - grande considération la proposition formelle que vous lui faites. Votre majesté sera instruite par un message du résultat de sa délibération. »

L'assemblée après avoir déclaré l'urgence a rendu le décret suivant :

་་

« L'assemblée nationale déclare que la nation française, fidelle aux principes consacrés par sa constitution, de n'entreprendre aucune guerre dans la vue de faire des conquêtes, et de n'employer jamais ses forces contre la liberté d'aucun peuple, ne prend les armes, que pour la défense de sa liberté et de son indépendance; que la guerre qu'elle est obligée de soutenir, n'est point une guerre de nation à nation, mais la juste défense d'un peuple libre contre l'injuste agression d'un roi.

"

Que les Français ne confondront jamais leurs frères avec leurs véritables ennemis; qu'ils ne négligeront rien pour adoucir le fléau de la guerre, pour ménager et conserver les propriétés, et pour faire retomber sur ceux-là seuls qui se ligueront contre sa liberté, tous les malheurs inséparables de la guerre...

"

Qu'elle adopte d'avance tous les étrangers qui, abjurant la cause de ses ennemis, viendront se ranger sous ses drapeaux et consacrer leurs efforts à la défense de sa liberté ; qu'elle favorisera même, par tous les moyens qui sont en son pouvoir, leur établissement en France.

Tome II.

5

"Délibérant sur la proposition formelle du roi, et après avoir décrété l'urgence, décrète la guerre contre le roi de Hongrie et de Bohême. »

Un de MM. les secrétaires fait l'appel de vingtquatre commissaires chargés de porter sur le champ le décret à la sanction du roi.

N. II. Page 120.)

Lettre de M. le maréchal Rochambeau.

Valenciennes, le 29 avril 1792, à 11 heures et demie du soir.

J'AI reçu les ordres du roi, en date du 15 avril, pour rassembler, du 1.° au 10 mai, trois camps, l'un de dix-huit mille hommes, à Valenciennes ; l'autre, de quatre ou cinq mille hommes, à Maubeuge, et le troisième, de trois ou quatre mille hommes, à Dunkerque.

La guerre a été déclarée le 20; les ministres ont retardé mon départ jusqu'au 21 et je suis arrivé, le 22, à Valenciennes, porteur de ces ordres, à l'exécution desquels je n'ai pas perdu une minute. En arrivant n'ayant pas encore reçu la proclamation officielle ni l'ordre pour les hostilités, j'ai écrit à Mons, pour convenir avec le commandant des troupes du roi de Hongrie, de laisser le cordon respectif dans l'état actuel, pour éviter de fouler le peuple des deux nations dans les communautés d'un territoire aussi mêlé, et de ne commettre d'hostilités que lorsque, de part ou d'autre, il conviendrait de commencer les opérations militaires, et de faire ce qu'on appelle une franche guerre ; cette -proposition a été acceptée.

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