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Extrait d'une lettre de Suisse, du 25 août, l'an 4 de la liberté.

Le canton de Berne vient d'envoyer un courrier à l'empereur, pour lui demander un certain nombre de troupes, à l'effet de se mettre en mesure de déclarer la guerre aux Français.

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Il est pleinement décidé que les Suisses donneront passage aux Autrichens pour entrer dans l'évêché de Bâle, et qu'ils se joindront à eux pour faire évacuer ce pays aux Français, et faire ensuite une invasion en France de ce côté. Pour concerter ces mesures, aide de camp du sieur Esterhazi, a été à Berne et à Soleure, s'est fait donner le plan de la partie de ces deux cantons qui avoisine les terres de l'évêché de Basle, à l'effet de combiner de quel côté il sera le plus facile d'y pénétrer. Le même aide de camp a été chez M. le Bailli, à Nidau : de-là il comptait se rendre à Bienne, chez M. le prince-évêque; mais, sur l'observation de M. le bailli, que, ce pays étant démocrate, sa visite pourrait y faire naître des soupçons, il s'est borné à écrire audit évêque, qui s'est aussitôt rendu à Nidau, avec le sieur Paris, son architecte, a eu une conférence avec l'aide de camp, et lui a remis les plans de sa principauté.

Pour copie conforme à l'original.

Signé, BIRON.

N.. XVIII. (Page 354.)

Résultat de la conférence qui a eu lieu entre MM. le duc de Brunswick, le comte de Luchesini, ministre de sa majesté le roi de Prusse, et le lieutenant-colonel-adjudantgénéral Thowenot, chargé de l'échange des prisonniers de guerre entre les armées combinées et françaises.

Les lois décrétées par l'assemblée nationale ont été approuvées dans tout leur contenu, et l'échange des prisonniers de guerre se fera d'après elle. Quatre articles y ont été ajoutés, pour la facilité des échanges; ils ne sont point en contradiction avec la loi ils ont été ratifiés par les généraux. La copie en est ci-jointe.

L'échange aura lieu tant pour les prisonniers de sa majesté le roi de Prusse, que pour ceux de l'armée impériale, commandée par M M. le comte de Clairfayt et le prince de Hohenloe, aux mêmes conditions.

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Requis par M. le duc de Brunswick de comprendre le corps des émigrés dans le contrat d'échange, il lui a été répondu qu'une nation ne pouvait traiter qu'avec une autre nation, et non avec des rebelles aux lois de leur pays. Mais que deviendront leurs prisonniers de guerre ? Ils doivent s'attendre sans doute à toute la sévérité des lois, et peut-être, et selon les circonstances, à l'indulgence et à la générosité d'une nation magnanime, telle que la nation française, constituée en république.

M. le duc de Brunswick n'a plus insisté, et les articles ci-joints ont été arrêtés et signés de part et d'autre, par des commissaires nominés à cet effet.

Alors a commencé une conversation très-sérieuse sur la situation respective des deux nations, et sur la position des deux armées.`

M. Thowenot: Je n'ai point de caractère pour traiter d'objets aussi importants, mais je répondrai aux questions avec la franchise d'un Français libre et qui ne veut pas cesser de l'être.

M. le duc de Brunswick : Quel effet a produit sur l'armée le décret de la convention nationale qui déclare la France une république ?

M. Thowenot: L'armée est composée de citoyens soumis aux lois qui leur sont données par le vœu général de la nation fortement exprimé : et je puis assurer que ce décret a été accueilli par des cris de vive la nation!

M. le duc. Mais, monsieur, nos nations ne sont pas faites ponr être ennemies; n'y aurait-il pas quelques moyens de nous accommoder à l'amiable? Nous sommes dans votre pays, il est désolé par les malheurs inévitables de la guerre. Nous savons que nous n'avons pas le droit d'empêcher une nation de se donner des lois de tracer son régime intérieur ; nous ne le voulons pa3: le sort du roi seul nous occupe. Que deviendra-t-il? Qu'on nous donne sur lui des assurances; qu'on lui assigne une place dans le nouvel ordre de choses, sous une dénomination quelconque, et sa majesté le roi de Prusse, dont l'ame bonne et généreuse compatit aux maux de la guerre, rentrera dans ses états et deviendra votre allié.

M. Thowenot: Je n'entrevois, monsieur le duc, qu'un seul moyen possible d'arrangement, c'est celui de traiter

directement avec la convention nationale, ou avec ses délégués.

La convention nationale est la représentation de la nation entière : vous ne pouvez pas révoquer en doute l'existence de cette même nation; ses armées sont en présence des vôtres : traiter politiquement avec elle, ne me paraît pas plus difficile que de faire contre elle des opérations militaires.

Alors est entré M. le comte de Luchésini, ministre du roi de Prusse, annonçant aussi qu'il était, comme M. Thowenot, sans mission, mais seulement desirant, comme bon citoyen, de voir les deux nations rentrer dans l'état de tranquillité dont elles ont également besoin l'une et l'autre.

Un précis de la conversation lui a été fait sur le champ, pour l'amener au point où on en était, au moment de son arrivée.

Ce ministre a trouvé excessivement difficile d'ouvrir avec la convention nationale les préliminaires d'un accommodement, sans la reconnaître. Il a demandé s'il n'y aurait pas moyen de traiter avec l'armée.

M. Thowenot. Chez nous, monsieur, la force armée ne traite pas de la politique: la nation lui a confié sa défense; elle laisse ses chefs maîtres des opérations militaires, sous leur responsabilité ; et les affaires étrangères, partie militaire, ne peuvent être portées qu'à la nation elle-même, qui les traite par ses délégués. Mais, messieurs, permettez-moi un dilemme : ou vous nous battrez, ou nous vous battrons ou bien encore nous nous observerons sans pouvoir nous entamer. Si vous nous battez, il renaîtra de la première défaite autant de soldats que de citoyens français ; et quelque déplorable que puisse être l'état où vous réduiriez la nation française, son énergie subsisterait toujours; elle

,

serait comme un ressort comprimé momentanément par une force étrangère; votre départ lui rendrait toute son élasticité; votre voyage aurait été inutile, il ne ferait alors que préparer et justifier ses vengeances.

Si nous vous battons, et nous en avons l'espoir, des hommes libres sont des lions chez eux, vous perdrez avec vos troupes, presque toutes nationales, et votre agriculture et votre population, et vous laisserez votre pays en proie aux mouvements des stipendiés qui le défendent pendant votre absence.

Si nous ne sommes battus, ni l'un ni l'autre, vous vous serez affaiblis par les maladies, par les désertions, par les morts naturelles, par les effets d'une multiplicité de petites affaires. Vos finances seront en désordre, votre voyage infructueux, et il n'en résultera pas moins pour vous des maux incalculables. J'ajouterai encore une réflexion, c'est que vous avez dû vous apercevoir que le civisme augmente en raison de la distance des frontières ; qu'à la hauteur où vous êtes, la teinte d'aristocratie est entièrement délavée, et le civisme le plus pur vous prépare autant d'ennemis que d'habi: tants. Si, par une suite des hasards de la guerre Vous avanciez sur Paris, alors Paris cesserait d'être Paris; et au moment de votre arrivée, Paris serait à 200 lieues de Paris.

?

M. le Duc. Mais on dit qu'à mesure que nous approchons, le danger du roi augmente.

M. Thowenot. Je ne puis rien répondre de précis sur cette observation; mais une nation qui a été assez grande et assez généreuse pour pardonner plus d'une fois les trahisons d'un roi qu'elle a voulu combler de biens, qu'elle n'a voulu qu'empêcher de faire le mal, sans doute contre son cœur, mais par l'effet de son excessive bonté, ne se démèntira pas; et, en adoptant une forme

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