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IV. Ep. jet, des explications vives. Un député se plaignit d'avoir été insulté, dans ce moment qui précédait la séance, et où les députés, mêlés aux citoyens, s'entretenaient des affaires publiques. Le prévenu, nommé Dermigni, fut mandé à la barre : « J'ai, dit-il, assuré que si je connais« sais quelqu'un qui voulût porter atteinte à la << liberté et à la constitution, je serais moi« même son dénonciateur et son bourreau. Un député m'a dit que je l'insultais: Je lui ai ré« pondu : non, car vous avez juré le maintien de « la constitution.» On passa à l'ordre du jour.

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On n'était pas content aussi de la manière dont l'assemblée débuta avec le conseil exécutif. On put croire qu'elle affectait de mander les ministres à la barre, et de les fatiguer d'explications, d'interrogations, d'éclaircissements, de renseignements. Ils furent même obligés de dire, en séance, qu'ils ne croyaient pas que ce fût le devoir de leur place, de répondre à chaque question personnelle et nominative, que tout député pouvait avoir envie de faire. On régla que le président seul pourrait questionner un ministre. L'assemblée paraissait jalouse d'un pouvoir nouveau, et inquiète de l'etablir. Ce sentiment n'ajoutait pas à sa grandeur et à sa considération : elle semblait appréhender de déchoir du rang que lui avaient légué ses prédécesseurs. Doutant de la bienveillance publique,

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elle prit le parti de se faire craindre; elle ne vit bientôt plus, dans le conseil exécutif, que des rivaux qu'il fallait dompter ou détruire. Jusques dans les détails les moins importants, elle sembla d'abord ne vouloir céder à aucune considération; on avait réservé aux membres de l'assemblée constituante, des places parmi les assistants; on parut se hâter de les supprimer dans une nouvelle disposition que l'on donna à la salle.

La première affaire d'état que l'assemblée législative eut à traiter, fut un rapport des commissaires Gallois et Gensonné, envoyés dans le département de la Vendée, où déja des troubles religieux étaient fomentés. Ce rapport fait dans les principes les plus sages, plein de vues d'humanité et de bonne politique, indiquait des mesures qui, si elles eussent été suivies, auraient prévenu les calamités que ce pays éprouva, et qu'il fit éprouver à la chose publique. << Nous n'avons trouvé, dirent les commissaires, <«< dans ces peuples qu'on peignait comme révol «<tés contre les décrets, que des hommes sim

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ples et bons, réduits au désespoir par l'abus

qu'on a fait des décrets dans leur exécution. » Ce rapport imprévu, et dont rien ne gênait l'effet, fut accueilli, avec des témoignages marqués de satisfaction, par l'assemblée et par les

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IV. Ep. tribunes; ce qui prouvait assez que l'esprit général était bon, quand il n'était pas préparé et détourné par des manoeuvres de parti. On rejeta même, quelque temps après, une dénonciation faite par une société, en rappelant la loi constitutionnelle qui interdisait les pétitions en nom collectif. L'esprit de parti eut à lutter longtemps avec le véritable esprit public, et ne l'emporta que parce que l'esprit public se lasse toujours plus tôt que l'esprit de parti: bientôt rien ne le gêna; les anciens députés se hâtèrent de retourner chez eux. Lafayette donna sa démission et fut remplacé par des commandants temporaires; il rePièces j. çut, en partant, les témoignages de bienveillance de la commune de Paris; on lui décerna une médaille, une épée; et la municipalité lui fit présent de la statue en marbre de Washington, son maître en révolution, et son ami. Lafayette rentra dans ses foyers, avec l'estime que méritait une conduite généreuse et désintéressée, et reçut les témoignages d'affection de toutes les gardes nationales qui s'empressèrent sur son passage. Bientôt après, il fut question de le rappeler comme maire de Paris; Pétion balança d'abord les suffrages; mais la cour préféra Pétion; et toute son influence l'emporta en sa faveur. On prétendit qu'elle eut à regret

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ter cent mille écus qu'elle sacrifia à cet usage; IV. Ep. et tel est le calcul ordinaire de la passion; pour 14 nov. mieux tromper, elle aveugle.

Les premières délibérations de l'assemblée eurent pour objet les émigrations qui devenaient, chaque jour, plus nombreuses. Une proclamation du roi, à ce sujet, n'avait été qu'un acte de sa volonté, mais sans effet. Le rapport 14 oct. du ministre portait à dix-neuf cents, le nombre des officiers qui avaient abandonné l'armée. On proposa d'en afficher la liste; cette mesure parut cruelle et fut encore rejetée.

Cependant l'attitude et les démarches des princes donnaient de justes inquiétudes. La notification du roi, de son acceptation constitutionnelle, avait été reçue froidement dans les différentes cours de l'Europe; les ministres envoyés de la France, étaient traités avec peu d'égards; celui de Russie reçut même l'ordre de ne point paraître à la cour. L'impératrice avait envoyé à Coblentz le comte de Romanzof, qu'elle avait accrédité près des princes; eux-mêmes avaient des envoyés caractérisés auprès de plusieurs souverains. L'empereur seul manifesta, par quelques actes publics, une sorte d'adhésion au nouveau gouvernement français: il sévit contre quelques insultes faites à la cocarde nationale dans le Brabant; il fit communiquer, par le commandant militaire de ses.

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III. Ep. troupes, une note adressée au duc d'Uzès, 1791. concernant certaines dispositions relatives aux Pièces i émigrés français, qui leur interdisaient tout

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rassemblement, même sans armes. Mais, en même temps, son état militaire dans les PaysBas était journellement augmenté par de nouveaux corps. Presque tous les autres souverains avaient des envoyés à Coblentz. L'Angleterre n'agissait pas et faisait tout agir.

Dans ces circonstances, l'assemblée voulut connaître l'état militaire de la France, et appela le ministre. Il résultait de son rapport que l'armée, à l'effectif, était de 145 mille hommes, dont 27 mille à cheval, et 8 mille d'artillerie : au complet, elle eût dû être de 212 mille. A cela, il fallait ajouter 107 mille hommes de bataillons de gardes nationales, dont près de moitié étaient déja formés. Dans cet état, n'étaient pas compris environ 50 bataillons de gardes nationales, jadis connus sous la dénomination de gardes-côtes : 45 places fortes, remises en état avec une prodigieuse activité, ajoutaient à ces moyens de défense; les arsenaux s'armaient tous les jours, et les magasins contenaient des vivres pour 200 mille hommes, pendant un an. Ce tableau était rassurant sans doute, et les événements ultérieurs prouvèrent qu'un peuple qui veut, est toujours armé.

A ces moyens, on crut devoir ajouter des

mesures

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