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TRANCE

4V Ep. aguerries. Le successeur du grand Frédéric 1791. dissipait les trésors réservés par son prédécesseur; l'or de Londres disposait de lui: ces trois puissances devaient disposer de toutes les autres. On s'attacha, dans les négociations, à établir deux points; l'un, que la constitution française, destructive du pouvoir monarchique, était un dangereux exemple qu'il ne fallait pas laisser au peuple ; que ses succès, s'ils étaient possibles, étaient plus à craindre encore que ses inconvénients, parce qu'ils devaient accroître sa puissance à un degré qui finirait par rompre tout équilibre; l'autre, que la France, après ses agitations, et après 18 ans de paix, avec une armée désorganisée, dont les officiers s'étaient retirés de gré ou de force, n'avait aucun moyen de résistance, et par ses divisions intestines, et par la nullité de sa force militaire. On était assuré d'un parti nombreux au dedans, qui n'attendait que les moyens de se réunir. Coblentz était le point central de la réunion des français émigrants; les princes s'y étaient fixés, et de là, par leurs envoyés, correspondaient avec leurs partis au dedans, et avec les cours étrangères. Tout fut réglé, ou du moins préparé et convenu, à l'entrevue de Pilnitz, en Saxe, où l'électeur reçut l'empereur, et le roi de Prusse ; les conférences y durèrent quatre jours, et le comte d'Artois y assista avec le général Bouillé.

que

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Le traité fut signé le 27 septembre. L'article IV." Ep. qui concernait la France, était plutôt commi- Pièces j natoire définitif. Les deux rois s'engageaient à unir leurs forces pour rétablir en France la monarchie sur des bases également convenables aux droits des souverains, et au bien-être de la nation française. En attendant, les troupes des deux puissances devaient recevoir les ordres convenables pour être à portée de se mettre en activité.

Certainement, d'après l'opinion que l'on avait alors de l'état militaire en France, les armées de Prusse et d'Autriche devaient paraître suffisantes pour remplir le but proposé; on ne pouvait douter de l'Espagne et des souverains de la maison de Bourbon. Une partie de l'Italie dépendait de la maison d'Autriche; le roi de Sardaigne avait aussi des intérêts de famille à soutenir, par ses alliances avec les deux princes frères du roi; la Hollande, soumise alors au stathoudérat, ne pouvait séparer sa cause de l'Angleterre; l'impératrice de Russie s'était expliquée sur les événements de la révolution française, de manière à ne pas faire craindre une diversion; ainsi, la France était bien surement isolée et abandonnée à ses propres forces. Il est évident que si la coalition retarda l'exécution de ses projets, l'acceptation formelle du roi en fut la cause; car, ce prétexte d'une

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IV.• Ep. invasion était levé, et encore en fallait-il un pour envahir une monarchie dont le monarque et les habitants étaient d'accord sur la nature du gouvernement qui les ralliait. Aussi, tout concourt à prouver que si la législature se fût tenue dans les bornes que s'était prescrites l'assemblée constituante, pendant les derniers mois de sa session, une seule année de calme et de réorganisation intérieure eût mis la France dans un état de force qui eût ôté à ses ennemis l'envie de l'attaquer; mais c'est en cela même que péchaient les nouvelles lois constitutives. Elles avaient oublié, dans leur code, l'article des passions humaines; donnant assez pour agir à la bonne volonté, elles n'avaient pas ôté les moyens d'agir à la malveillance.

On ne peut s'empêcher de s'arrêter un moment sur ce système d'émigration qui a coûté tant de maux aux français du dedans et du dehors, que c'est presque une question aujourd'hui de savoir auxquels elle a été plus funeste; et, laissant à part tous motifs de civisme et de moralité, à ne considérer que l'intérêt politique de la noblesse, il serait aisé de prouver que ses pertes étaient d'opinion, et ses avantages acquis réels. Sans doute, la féodalité était abolie; mais la noblesse acquérait peut-être plus, comme propriétaire de terre, par la suppression des dixmes ecclésiastiques, qu'elle ne perdait par

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l'extinction des droits féodaux. Les dixmes inféo- IV. Ep. dées étaient déclarées rachetables, ainsi que la plupart des droits fonciers; le mode de rachat n'était pas élevé; mais ne pouvant être partiel, il était rendu difficile. Il faut toujours se placer à l'époque de la clôture de l'assemblée constituante. Tout ce que les lois subséquentes ajoutèrent de plus, fut motivé par l'état de guerre ouverte, et n'eût point été fait, si l'état de guerre ne l'eût motivé. Les droits honorifiques, les distinctions, étaient supprimées ; mais l'état militaire, celui de presque toute la noblesse, venait de prendre sa part de l'égalité civile attribuée à toutes les fonctions publiques; et la noblesse, que l'on appelait des provinces, parce qu'elle n'allait point à la cour, venait d'être appelée à tous les hauts grades militaires dont la cour la tenait exclue depuis longtemps; et, par un usage soutenu, qui avait presque acquis force de loi, cette noblesse n'était plus condamnée à servir longuement dans les grades subalternes, à borner son ambition aux emplois longtemps attendus de grades inférieurs; l'ancienneté avait les deux tiers des emplois assurés, et le tiers, qui restait à la disposition du roi, pouvait encore suffire aux ambitions pressées, aux talents hors de ligne, et même à la faveur du prince. La noblesse, par un mouvement plus généreux que réfléchi, sacrifia ses

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Iv. Ep. familles, ses propriétés, pour la cour, pour les grands qui la composaient, et qui peut-être n'avaient pas mérité d'elle ce dévouement. Si l'on eût voulu ensuite considérer ce que les propriétés, l'éducation, les lumières acquises, l'habitude, les préjugés mêmes, laissèrent encore à la noblesse, propriétaire dans ses champs, quoique n'étant plus seigneur dans ses terres, on eût vu qu'avec une conduite très-sage et un peu adroite, les voix électives lui étaient, en grande partie, assurées dans les assemblées politiques, et que les places de représentants de la nation, dans les corps législatifs, valaient bien les places amovibles que la faveur donnait ou promettait aux courtisans. La constitution offrait, par le fait, à la ci-devant noblesse, deux grandes successions à recueillir, celle du clergé et celle des parlements; et le seul mot ci-devant, la fit renoncer à ces deux successions : elle abandonna tout pour suivre ceux qui ne l'eussent pas suivie, si elle eût été exilée seule. Mais c'est une observation que confirment l'expérience et l'histoire : les mêmes hommes qui, dans leurs affaires personnelles et domestiques, sont sages, prudents, éclairés: en affaires publiques et politiques, deviennent passionnés, emportés et imprévoyants. Tel un voyageur isolé suit paisiblement sa route et marche au, but; est-il engagé dans une foule, il en partage les

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