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déploya inutilement de grands efforts pour éloi- IV. Ep.

gner le jugement de cette affaire. Enfin, le décret de l'assemblée prononça la réunion, fondée sur le vœu légalement exprimé par le peuple avignonais, réuni en assemblées primaires. Le pouvoir exécutif fut chargé de négocier avec le pape pour les indemnités.

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On crut, avant de se séparer, devoir laisser un aperçu sur l'état des finances, telles que l'assemblée les avait trouvées en 89, et telles qu'elle les laissait; on avait essayé de rejeter sur elle une comptabilité en demandant qu'elle rendît ses comptes des placards affichés, et Mauri, à la tribune, en avaient fait la sommation réitérée ; et cette demande, assez spécieuse, avait été accueillie dans le public; mais une réponse simple termina: c'est que l'assemblée ne donnait que des décrets pour ouvrir des crédits de fonds aux ministres des différents départements de l'administration générale; qu'ainsi, eux seuls touchant les fonds, eux seuls étaient comptables, puisqu'eux seuls en faisaient l'emploi. Montesquiou produisit un tableau des finances, dont la division présentait trois époques, avant, pendant et après l'assemblée nationale.

La première époque parcourait les systèmes des contrôleurs-généraux, couvrant à la fois et augmentant le déficit par toutes les ressources fiscales des emprunts, des anticipations; le déficit

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IV. Ep. s'élevant successivement de 52 millions à 113 1791. millions, une dette de 733 millions, contractée

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en 5 ans, depuis 1777 jusqu'en 1783; le crédit usé par l'épuisement même du génie inventif en ressources pour le soutenir; les impôts augmentés à leur dernier période, et pesant sur le peuple, plus encore par leur forme que par leur quotité: tel était l'état ou les états-généraux avaient trouvé les finances. A cette époque, l'assemblée avait aboli tous les impôts onéreux surtout par leur formę, tels que la dixme, la gabelle, les aides ; et cependant, en prenant pour terme de comparaison vingt mois avant l'ouverture des états-généraux, et vingt mois pendant la session de l'assemblée constituante, on trouva que les tableaux comparés des dépenses pendant ces deux termes, offrent une différence de deux millions de plus en faveur du dernier. Il en conclut donc que l'assemblée, malgré les dépenses imprévues, et que l'on peut appeler révolutionnaires, laisse à ses successeurs les finances de l'état en meilleur état qu'elle ne les a reçues. On laissait à la législature 100 millions au trésor public, et sur 600 millions décrétés, 253 avaient été employés ; il en restait 345 à émettre. A cela il fallait joindre l'incalculable hypothèque des biens devenus nationaux, et que les aperçus montraient chaque jour plus considérables qu'on ne les avait cru d'abord. Au reste, le devoir de l'his

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torien est de prémunir et de tenir l'opinion en IV. Ep. garde contre tous les résultats que lui présentent les calculs. Le rapporteur, le plus souvent embarrassé des chiffres qu'il faut rapprocher, combiner, additionner, obtient rarement des résultats qui ne soient pas contredits par d'autres calculs. Les comptes d'une grande nation ne sont jamais dans un état d'apurement qui permette de les arrêter et de les dater de tel jour; le présent proprement dit, est un point tellement abstrait, idéal et fugitif, tellement composé du passé, sous le nom d'arriéré, et de l'avenir, sous le nom d'anticipation, qu'il est presque impossible de marquer au juste l'instant précis où le présent existe. Ce que l'on vit clairement pendant cette assemblée, c'est que plus le corps collectif qui s'occupe de comptes de finances est nombreux, moins il a de facultés pour en connaître. Les nations riches doivent placer leur confiance, d'après la voix publique, qui ne se trompe guères en fait de probité, et ensuite signer de confiance; l'assemblée l'éprouva sou

vent.

Depuis que l'assemblée eut décrété que la constitution était finie, et qu'il n'était plus en son pouvoir d'y rien changer, elle s'était constituée en assemblée législative on s'occupa encore de règlements jusques à la clôture; on fut obligé d'en faire un sur les dispositions

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IV. Ep. testamentaires et telle était déja l'exaspération des partis, que les opinions politiques divisaient les familles; souvent les vengeances survivaient et poursuivaient au-delà du tombeau les objets de leur haine. Une loi annulla toutes les dispositions d'exhédérations qui portaient un caractère d'esprit de parti, ou qui semblaient faites pour cause de la révolution. On vit même le testament d'une femme, dépouiller ses héritiers de son bien, pour le léguer à la nation : l'assemblée refusa ce legs et le rendit aux parents. Tant que l'espoir des empêchements extérieurs, ou des débats internes avait contenu les animosités de parti, et que les intérêts particuliers purent se flatter que l'ouvrage entrepris, ou ne se finirait pas, ou se finirait sur d'autres principes que ceux qui l'avaient commencé, on ne vit que des oppositions violentes et momentanées; mais lorsque l'acceptation solennelle du roi ne laissa plus de retour à espérer, alors toutes les passions contenues se déchaînèrent ; il sembla que la trève était rompue, et que l'on n'avait plus qu'à combattre. C'est à cette époque de l'acceptation et de la clôture, qu'il faut rapporter le plan combiné entre les chefs français émigrés et les puissances étrangères. L'Angleterre surtout sous les dehors d'une paix feinte, et avec les apparences de relations amicales, nous observait et crai

gnait

gnait pour elle-même une constitution qui don- IV.• Ep. nait à la France un gouvernement libre. Elle *79*. en connaissait les avantages, et prévoyait un accroissement de puissance nationale, dont s'alarmait, avec raison, son ancienne rivalité. Ce Pitt, disait Mirabeau mourant, est le ministre des préparatifs. Pitt était effectivement le premier ministre de la coalition qu'il préparait contre la France: riche de son génie et de l'or de sa nation, il résolut de tourner la révolution de France contre elle-même, et se vanta qu'il la rangerait parmi les puissances du second ordre; il craignit, surtout, que l'esprit de la révolution française ne gagnât l'Angleterre; il crut que son gouvernement, déja représentatif, donnait plus de prise aux opinions françaises ; il eût pu voir que cette même raison lui donnait au contraire plus de moyens pour s'en défendre; il avait, d'ailleurs, épuisé dans son premier âge toutes les jouissances d'un ministère tranquille et absolu au dedans; son ambition lui montrait la célébrité et une gloire de plus à devenir le régulateur des intérêts et des forces de l'Europe; il sentit qu'il fallait d'abord la pacifier pour la diriger selon ses vues. La guerre des empereurs de Russie et d'Allemagne avec les Turcs, fut terminée par deux traités de paix qui furent presque simultanées, et laissait à ces deux puissances des armées nombreuses et

Tome II,

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