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avaient rendu un service public: malgré l'émi- V. Ep. gration d'un grand nombre d'officiers, malgré l'insubordination excitée parmi les soldats, l'esprit des anciens corps se conserva; la cavalerie était excellente, instruite et bien montée; l'artillerie la meilleure de l'Europe; les bataillons de garde nationale que les réquisitions augmentèrent ensuite, trouvèrent des modèles à imiter pour la discipline et la tactique; le civisme et l'enthousiasme patriotique suppléèrent à tout, et la présence de l'ennemi ne laissa bientôt de rivalité que celle d'une généreuse émulation. Tel était déja l'état des choses au camp de Sainte-Menehoult, où Dumourier réunissait, à portée de ses ordres, plus de soixante mille hommes.

Le jour même 14, où il avait abandonné le camp de Grand-Pré, les Prussiens y étaient entrés ; le 17, ils avaient débouché dans la plaine en avant de la forêt d'Argonne, par Vouziers et Autri jusqu'à Cernai. L'avant-garde, aux ordres de Stengel, cédant lentement le terrain. et disputant tous les passages, ne s'était réunie à l'armée que le 18; ce retard avait donné le temps d'effectuer la jonction de Kellermann; il amenait quinze mille hommes de bonnes troupes, et en avait laissé cinq mille au général la Barolière, pour couvrir Bar et Vitry.

Le 19, le corps aux ordres de Kellermann,

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V. Ep. effectua sa jonction avec l'armée de Dumourier, et campa à sa gauche dans une position que Kellermann ne jugea pas soutenable; sa droite s'y trouvait séparée par un étang, et sa gauche commandée par des hauteurs; derrière lui le ruisseau de l'Auve et des marais, dont deux défilés étaient les seules issues; il le déclara au général en chef, et donna ordre de lever le camp dans la nuit, pour se porter à une position qu'il avait reconnue sur les hauteurs, entre les villages de Dampierre et de Voilmont."

Vers les trois heures du matin, 20 septembre, le rapport des postes avancés, avertit de l'approche de l'armée prussienne et autrichienne;' elle s'avançait sur trois colonnes, et avait déja dépassé le village de Hans, environ une lieue en avant de Valmy. Les avant-gardes étaient aux prises; Kellermann fit soutenir la sienne par sa réserve, aux ordres du général Valence, composée des carabiniers, de quatre bataillons de grenadiers, et de quelques escadrons de dragons et deux compagnies d'artillerie à cheval. Valence se porta d'abord en avant, se déploya sur les hauteurs en avant du chemin de Gisaucourt à Valmy, étendit son front sur une seule ligne, s'y maintint, masquant ainsi toute la plaine en arrière de sa position, où l'ennemi devait supposer des corps d'infanterie à l'appui ; et cette contenance en imposa assez pour qu'il

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n'entreprît pas de tourner Kellermann par sa V. Ep. gauche, où les renforts envoyés par rier n'arrivèrent que plusieurs heures après. Kellermann prit sur le champ une position avec sa seconde ligne, la droite au village de Valmy, la gauche descendant jusqu'au ruisseau de l'Auve, occupant le village de Gisaucourt et le château de Maupertuis. Dans l'incertitude des projets du prince de Brunswick, la première ligne avait d'abord gardé sa position pour couvrir la gauche de l'armée de Dumourier. Elle vint ensuite se réunir à la seconde ; l'armée ennemie s'était mise en bataille sur les hauteurs de la Lune; sa droite vers l'étang de la Croix, sa gauche s'étendant dans la plaine, et se rapprochant du ruisseau de Bionne; les hauteurs du moulin de Valmy appuyaient la droite de l'armée française: ce poste n'est qu'un tertre élevé dont la crête étroite et escarpée, fut garnie de 18 pièces de position. Le général Stengel qui l'occupait avec trois mille hommes, fut détaché sur la droite de l'armée, au-delà du village de Valmy.

L'artillerie des deux armées commença à tirer vers les 7 heures du matin, et le feu fut maintenu et reçu avec une égale assurance. Vers les 9 heures, l'ennemi démasqua une nouvelle batterie à son centre; Kellermann y eut son cheval tué pendant qu'il observait de grands mouvements qui se faisaient dans la ligne ennemie ; en même

V. Ep. temps deux obus mirent le feu à des caissons au 1792. poste du moulin de Valmy; le désordre fut

grand, un mouvement rétrograde de la première ligne, acheva de rendre ce moment très - critique ; la réserve d'artillerie à cheval rétablit le feu, et la première ligne reprit sa position: alors, vers onze heures, l'ennemi se forma sur trois colonnes d'attaque; les deux de gauche se dirigeant sur le moulin de Valmy, celle de droite se refusant et se tenant en mesure; ces attaques en ordre oblique et par colonnes en échelons, étaient la tactique familière aux armées prussiennes. On avait mis la contenance des troupes françaises à l'épreuve par une longue et vive canonnade. Il paraît que l'on voulut essayer l'ap pareil d'une attaque de vive force; jusque-là les armées ne s'étaient pas encore présentées en ligne les actions de détail n'avaient été que des affaires de poste dont les résultats quelquefois honorables, souvent douteux, n'avaient produit que des succès du moment; et dans les seules circonstances décisives, telles que celles de Mons, de Tournay, et l'affaire d'arrière-garde près de Grand-Pré, tout avait fini par des déroutes complètes. Avant de se décider à pénétrer dans l'intérieur d'un pays armé, Brunswick voulut un essai qui lui fît connaître par lui-même à quel ennemi il allait avoir à faire. Dès que sa ligne se forma en colonnes, Kellermann commanda la

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même manœuvre, et forma la sienne en co- V.• Ep. lonnes par bataillon, avec ordre d'attendre l'ennemi, sans tirer, et de le charger à la baïonnette dès qu'il commencerait à monter. On lui répondit par des cris d'alégresse, vive la nation! et les chapeaux furent élevés sur les baïonnettes : cette saillie nationale étonna l'ennemi, et ses colonnes s'arrêtèrent; en même temps le feu très-vif de la réserve d'artillerie redoubla sur la tête de ces colonnes. Un mouvement d'hésitation et de flottement annonça leur retraite qui s'effectua cependant sans désordre; la colonne de leur droite se règlant sur les deux autres, n'entreprit rien et se retira. Pendant cette attaque, le corps autrichien, aux ordres de Clairfayt, avait fait plusieurs démonstrations et quelques tentatives sans succès sur l'armée de Dumourier et sur l'extrémité de la droite de Kellermann, commandée par Stengel. Dumourier vint, vers le midi, au point d'attaque de Valmy, et rejoignit son armée; le feu très-actif de l'artillerie des deux armées se soutint plus ou moins vif jusque vers les six heures du soir. Alors divers mouvements dans sa ligne indiquèrent une nouvelle attaque qui se fit dans le même ordre que le matin; mais ce furent les troupes autrichiennes qui y furent employées. Clairfayt attaqua plus vigoureusement la position occupée par Stengel. Le résul

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