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V. Ep. retraite, une déroute totale. L'arrière-garde 1793. avait été harcelée par un corps de quinze cents hussards prussiens, et quelques pièces d'artillerie à cheval. Après avoir passé les défilés, l'avant-garde se formait en bataille, sur la hauteur, et l'armée se prolongeait en colonnes de marche pour gagner Cernai. La division du général Chazot, qui avait eu ordre de partir à minuit, de Vouziers, pour se porter à Vaux, ne s'était mise en marche qu'à la pointe du jour. Cette division voyant subitement paraître les hussards, se précipita à travers les colonnes de l'armée, y porta le désordre. Les hussards s'y jetèrent brusquement; tout se débanda, tout prit la fuite; quinze cents hussards poursuivirent dix mille hommes. La terreur panique fut telle, que plus de deux mille fuyards de toute arme, et des troupes même, s'écartèrent à plus de trente lieues, dans l'intérieur, par Rethel, Rheims, Châlons, Vitry, publiant partout que l'armée avait été trahie et anéantie; que Dumourier et tous les généraux étaient passés à l'ennemi. La commotion s'étendit jusqu'à Paris, et l'on doit moins s'étonner de cette confusion que de voir, six jours après, les armées françaises réunies, et l'étranger, négociant sa retraite; cependant l'arrière-garde n'avait par tagé,ni la terreur ni le désordre. Duval fit reculer les hussards prussiens, qui, n'étant pas soutenus,

se retirèrent, emmenant deux pièces de canon et v.. Ep: quelques bagages. Le général Miranda rallia 1792. l'armée; elle campa à Dammartin, quatre lieues 16 sept. de Grand-Pré. Dumourier écrivit alors à l'assemblée. « J'ai été obligé d'abandonner le camp de Grand-Pré; la retraite était faite, lorsqu'une terreur panique s'est mise dans l'armée. Dix mille hommes ont fui devant quinze cents hussards prussiens. La perte ne monte pas à plus de cinquante hommes et quelques bagages. Tout est réparé et je réponds de tout. >>

Celui qui, à cette époque, dans de telles circonstances, ne désespérait pas de la république, et rassurait le sénat, celui-là méritait bien de la patrie.

Le camp que Dumourier occupa, est situé à une lieue en avant de Sainte-Menehoult, à droite du chemin qui mène à Châlons; c'est un plateau peu élevé au dessus des prairies qui bordent son front. La droite de cette position est appuyée à la rivière d'Aisne qui descend de SainteMenehoult; la gauche se termine à un étang et à des prairies marécageuses.

Une vallée étroite sépare ce camp des hauteurs de l'Iron et de la Lune, qui laissa son nom au camp des Prussiens. L'espace compris entre ces deux hauteurs, est un bassin de prairie d'où sortent épars quelques tertres isolés. Le plus élevé est celui du moulin de Valmy. Deux ri

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V. Ep. vières qui tombent dans l'Aisne au dessus et au dessous de Sainte- Menehoult, à deux lieues de distance, l'Auve au sud, au nord la Bionne, ceignent cet espace. Le quartier - général fut établi à Sainte- Menehoult, et se trouvait au centre, à distance égale de l'armée et du corps de Dillon aux Iletes. Dans cette position extraordinaire, les deux armées françaises adossées, faisaient front à l'ennemi qui, lui-même, avait derrière soi le pays qu'il venait envahir, tandis que l'armée de Dumourier dépassée, faisait face à la France.

Par cette disposition, Dumourier forçait Brunswick à une action; celui-ci ne pouvait hasarder de pénétrer en Champagne, laissant derrière soi une armée que ses renforts portaient à soixante mille hommes. Le général français n'eut plus qu'à mettre son camp qui était aussi son champ de bataille en état de défense. Il plaça à la rive droite de l'Aisne un bataillon de troupes de ligne dans le château de Saint-Thomas qui terminait sa droite; trois autres bataillons et de la cavalerie à Vienne-le-Château, à Moremont et à la Neuville; ces postes communiquaient avec les troupes qui gardaient le défilé de la Chalade. Le front du camp fut couvert de batteries qui découvraient le vallon sur tous ses prolongements; il porta son avant-garde loin au devant de son front, le long du ruisseau de la Tourbe,

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à plus de trois lieues, avec ordre de se retirer V. Ep. lentement, de couper les ponts et de fourrager tous les villages, en s'étendant sur sa gauche, de se placer ensuite derrière la Bionne, et d'y faire la même manœuvre avant de se replier sur l'armée. La gauche du camp se terminait au grand chemin de Châlons. Le terrain sur la rive droite de l'Auve fut laissé à l'armée de renfort que Kellermann amenait. La marche de cette armée avait été retardée par les nouvelles alarmantes qu'avaient répandu au loin les fuyards de Grand-Pré. Kellermann s'était retiré sur Vitry; des avis plus certains lui firent reprendre sa marche, et il annonça à Dumourier que sa jonction s'effectuerait le 18.

Le corps que Beurnonville amenait du camp de Maulde fut aussi détourné; ne doutant pas de la défaite totale, au lieu de marcher de Rethel droit à Sainte-Menehoult, il se rapprocha de la rive droite de la Marne et de Châlons, pour y joindre les débris de l'armée. Plusieurs officiers envoyés au devant de lui ne le rencontrèrent pas. Le 17, marchant en crainte et avec précaution, il s'avança du village d'Auve sur les hauteurs de Gisaucourt, et vit au loin des colonnes de troupes en bon ordre qui entraient au camp de Sainte-Menehoult: ne doutant pas que ce ne fût l'armée prussienne, il se retira à Châlons. Là, des officiers envoyés sur tous les

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V. Ep. points pour démentir le bruit de la défaite de Dumourier, le ramenèrent au camp de SainteMenehoult, où ce corps de dix mille hommes déja aguerris, fut d'une grande utilité à la journée du 20.

Le général de Spare était toujours au camp de Notre-Dame-de-l'Epine en avant de Châlons; il rassemblait tout ce qui arrivait de renforts des départements. Dumourier lui rallia les troupes conduites par le général du Bouquet, qui, après sa retraite du défilé du Chêne-le-Populeux, était venu droit à Châlons; là se trouvaient aussi ces bataillons formés sous le nom de fédérés, ramas d'hommes sans discipline, sans connaissance l'un de l'autre, n'ayant entre eux d'union que pour commettre des atrocités. Aux premiers bruits de la défaite, ils reprirent le chemin de la capitale, se livrant à tous les excès; ils couperent la tête à plusieurs de leurs officiers, ils disaient qu'ils venaient à l'armée pour y massacrer les traîtres, c'est-à-dire, les généraux. Dumourier fut obligé de les mena cer de les faire pendre au premier délit dont on lui porterait plainte. Ces hommes étaient un des instruments employés pour désorganiser les armées; et malgré les intrigues et les revers, elles étaient réunies et déja dans un ordre imposant. On éprouva alors que ceux qui s'étaient opposés au licenciement de l'armée de ligne

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