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missaires. Lafayette les fit arrêter ; il leva ainsi v. Ep. l'étendart de l'insurrection.

Cet événement étant une époque marquante, exige des détails qui en fassent connaître les circonstances. L'armée de Lafayette, forte d'environ 28,000 hommes, occupait alors une posítion, par trois corps séparés, entre Sedan et Mouzon. Son quartier-général était près de Sedan; c'est là qu'il reçut les premières nouvelles des événements du 10 août; et bientôt après, l'avis de l'arrivée des trois commissaires du corps législatif envoyés à son armée. Lafayette avait l'espoir de rallier les départements voisins. Soixantequinze départements avaient adhéré à sa lettre du 16 juin; son armée lui était affectionnée ; les autorités civiles du département où il était, voyaient, ainsi que lui, les événements du 10 août, non comme un nouvel ordre de choses, mais comme le renversement de l'ordre établi et juré; son caractère connu, le poste qu'il avait rempli dans la constitution décrétée et acceptée; ses démarches précédentes, trop prononcées pour pouvoir être rétractées avec honneur; tout lui faisait un devoir public et personnel de tenter une résistance à l'oppression. Beaucoup de vraisemblances pouvaient lui faire espérer le succès. Les intérêts partiels, lorsqu'ils sont rapprochés, prévalent aisément sur les considérations générales. Dans cette cir

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V. Ep. constance, Dumourier fut politique et adroit; Lafayette ne voulut être que conséquent et généreux; il appela à lui la municipalité de Sedan, et il fut décidé que les trois commissaires seraient arrêtés. Au moment de leur arrivée, ils se rendirent aussitôt à la maison commune. Le maire Desrousseaux les interrogea et leur dit : « Je vous demande, messieurs, «< si, lorsque l'assemblée a rendu le décret dont « vous dites être porteurs, elle était parfaite«ment libre. » Kersaint, l'un des commissaires, convint que l'assemblée avait voté, dans un mouvement révolutionnaire, et entourée d'armes. Le maire alors leur dit : «< Vous n'êtes point les députés du corps législatif; vous << êtes les députés d'un parti qui tient nos députés captifs, et qui force l'assemblée à voter << la destruction des lois que nous avons tous « jurées; le quartier-général est hors de la «ville; mais, depuis votre entrée dans cette «< commune, vous cherchez à soulever le peu«< ple..... Nous devons aussi vous considérer «< comme des ôtagés, pour la sureté de nos députés. » Le maire prit les voix de la municipalité et du conseil général. Il fut unanimement arrêté que les commissaires seraient conduits au château de Sedan, et que le général serait requis de leur donner une garde. On eut quelque peine à les défendre du ressenti

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ment du peuple. Le lendemain ils purent 1792. voir, de la tour où ils étaient, les autorités civiles et les troupes, renouveler le serment à la constitution; c'était la première résistance d'action, qu'éprouvait l'assemblée nationale. On essaya d'abord de gagner Lafayette. Les commissaires lui firent demander une conférence qu'il refusa. Le directoire du département des Ardennes approuva la conduite de la municipalité de Sedan, et, à son exemple, il publia un arrêté motivé.

A Strasbourg, les commissaires éprouvèrent d'abord de l'opposition. Le maire Diétrick, Victor Broglie, Desaix, organisèrent un système de résistance, qui bientôt fut rendu nul par l'opinion de l'armée. Peu de temps après, Diétrick et Broglie finirent sur l'échafaud; Desaix fut réservé à ses brillantes destinées; Lukner, embarrassé de sa position, et ne comprenant pas bien ce dont il était question, changeait chaque jour de conduite, et n'avait d'avis que ceux des amis qui le dirigeaient; il écrivait à Lafayette

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compter sur lui; il disait à ses soldats : « mes camarades, il est arrivé un accident à Paris; mon ami Lafayette a fait arrêter les commissaires, et il a bien fait.» Peu de jours après, appelé à la municipalité de Metz, il jura, en pleurant, tout ce qu'on voulut. Le plan de Lafayette, dans une démarche d'une si haute

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V. Ep. importance, avait été de rallier à lui plusieurs départements, et de former, avec des membres des autorités constituées, une sorte de congrès auquel il espérait que plusieurs membres dissidents du corps législatif pourraient se joindre. Soutenu de cette force civile, dont il eût requis des ordres, secondé des armées de la Moselle et du Rhin, il pouvait maintenir une opposition à laquelle se fût rallié l'esprit public, et rétablir la constitution dans son premier état. Mais toutes les circonstances nécessaires au succès, manquèrent à la fois, l'ennemi, aux portes, rallia tous les intérêts; la conduite versatile du roi et de la cour éloigna toute confiance, et rompit toutes les mesures; l'esprit du soldat était accoutumé à ne voir et à ne connaître de puissance que celle des décrets; tout concourut à faire échouer une entreprise que la rapidité des événements n'avait pas laissé le temps de mûrir et de préparer, dont le succès partiel eût ouvert à l'ennemi les portes de la frontière, et dont le succès complet était impossible à effectuer, après les événements du 10 août. Lafayette se vit bientôt abandonné de ses soldats; on n'avait négligé aucun des moyens d'usage pour les lui enlever; il eût pu encore assurer sa retraite, par quelques troupes que l'affection lui conservait; il préféra généreu sement de supporter seul sa disgrace, et ne

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se permit d'y associer qu'un petit nombre d'a- v. Ep; mis, à qui ce titre ne laissait plus d'autre sureté. Après avoir mis ordre aux affaires civiles, et après avoir pourvu à la sureté de son camp, il partit.

Avec lui étaient Bureau-de-Pusy, LatourMaubourg, Alexandre Lameth, qui vint le joindre, et quelques officiers de son état-major. Il renvoya, de Bouillon, son escorte de 25 cavaliers. De-là, il écrivit des ordres pour les différents postes qu'occupait son armée, afin de pourvoir à leur sureté. Il envoya, en même temps, aux corps administratifs, des réquisitions antidatées, pour motiver, au besoin, leurs démarches, et faire retomber, sur lui seul, toute inculpation.

La part active qu'avait pris Lafayette, dans tous les événements de la révolution; l'influence qu'eut sa retraite sur les événements du moment; l'intérêt et la curiosité qu'inspire naturellement un homme dont le nom marque dans l'histoire de son temps, exigent quelques détails circonstanciés qui, de plus, peignent l'esprit général et l'opinion étrangère, sur la révolution de la France. Le motif urgent de Lafayette était de se soustraire au décret d'accusation qui, de ses adversaires, faisait ses juges; son espoir était de traverser, inconnu, les postes ennemis, de gagner le territoire peu éloigné de la république

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