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V. Ep. port, était composé de ses accusateurs, Guadet, Brissot. On demanda qu'ils fussent récusés comme parties. Le rapport fait par Jean Debry rappelle les faits énoncés dans l'accusation rapproche les lettres de Lukner et ses réponses verbales; et, saisissant ensuite la question dans ses rapports politiques et constitutionnels, il proposa le décret d'accusation, au milieu des applaudissements prolongés des tribunes. Vaublanc prit la parole, et défendit l'accusé avec l'éloquence de la raison élégante et calme. Il dit que Lafayette était venu, non dicter des lois à l'assemblée, mais en demander; que le droit de quitter son armée pour conférer avec les ministres lui était commun avec tous les autres généraux qui, comme lui, en avaient fait usage. Il repoussa ensuite le reproche fait de cette marche croisée des armées; et, la carte à la main, il montra qu'elles avaient marché par leur droite sur une ligne parallèle pour occuper leurs nouvelles positions; enfin il interpella Condorcet, présent à la séance, et cita de lui cet écrit : « Si on vous a dit que je regarde Lafayette comme le plus sûr appui « de la liberté française, on vous a dit la vé«rité; mais, comme longtemps avant la révolu«<tion, j'étais le confident de tous ses projets << pour l'établissement de la liberté..... Ici les murmures des tribunes interrompirent

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l'orateur, qui termina en demandant la ques- V.* Ep. tion préalable sur le décret d'accusation proposé, au nom de la commission. Les tribunes poussèrent des cris qui furent couverts par les nombreux applaudissements de l'assemblée. Brissot essaya encore de l'émouvoir par la considération délicate de sa propre dignité, en la plaçant entre le décret d'accusation et l'acte d'une rétractation humiliante; il rassura sur l'effet que cette accusation pourrait produire sur l'armée : « Les soldats, dit-il, ne sont point idolâtres, ils n'aiment que la liberté ; si quelquesuns ont manisfesté une vive improbation de la journée du 20 juin, c'est qu'ils étaient égarés. » Il rejeta la mesure d'improuver seulement la conduite du général, et conclut au décret d'accusation.

On alla aux voix par la forme usitée, et la majorité fut déclarée par le président, contre le décret d'accusation. Une rumeur générale troubla la séance; les vociférations, les huées, les cris des tribunes s'élevèrent et retentirent. On ne niait pas la majorité reconnue, mais le désespoir semblait s'être emparé des opposants: Merlin tenait des papiers, il les déchira et les jeta au milieu de la salle, en s'écriant : « Que le peuple << reprenne ses pouvoirs, nous ne sommes pas «< faits pour le sauver. » On réclama l'appel nominal qui ne fut point contredit: il donna

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V. Ep. 406 voix, contre 224, et le président prononça une seconde fois qu'il n'y avait pas lieu au décret d'accusation.

Cette épreuve de leurs forces, des partis opposés, donnait la mesure de ce que pouvait la majorité ferme et prononcée contre une minorité active et impérieuse; malgré les tribunes auxiliaires, cette minorité, dans une question majeure et décisive, venait d'être vaincue. Mais l'échec pour de tels hommes n'était que le signal d'une revanche éclatante, et, s'ils perdaient un jour du terrain, leur retraite momentanée préparait une irruption. Plusieurs députés, en sortant de la séance, furent insultés et forcés par les menaces de se réfugier dans un corps-de-garde. Ils y trouvèrent à peine leur sureté; leurs plaintes, le lendemain, furent faiblement accueillies à l'assemblée; on y proposa même de rapporter le décret de la veille. Ce-. pendant plusieurs adresses, qui vinrent appuyer celle de Pétion, pour la déchéance, furent improuvées, rejetées et renvoyées à la commission sans être lues, et d'autres adresses dans le sens contraire, qui désavouaient celle du maire de Paris, furent accueillies avec faveur. La majorité assurée par son succès de la veille, se contenait encore, mais bientôt les alarmes et les inquiétudes vinrent atténuer ces résolutions fermes et en apparences décidées.

Telle

Telle est la nature des grands corps délibé- v. Ep. rants; c'est moins la crainte dont chaque in- 1792. dividu peut être atteint, qui influence une assemblée que la disposition de chacun à croire les autres intimidés et prêts à céder : chacun suppose aux autres une faiblesse contre laquelle il sent le besoin de se défendre, et jugeant sa fermeté isolée et inutile, il se range à l'opinion défaillante qu'il croit générale, et contribue ainsi à la faire. Le procureur-géné. ral-syndic du département vint à la barre;

il

y avait été mandé, il rendit compte de l'état de la capitale, et ce compte n'était pas rassurant. «< Deux objets, dit-il, ont dû fixer l'at<«<tention du département: 1.o L'insulte faite « à plusieurs membres de l'assemblée sortant « de la séance; 2.° le bruit très répaudu, con«firmé par des actes positifs, que ce soir, à, «< minuit, le tocsin devait sonner pour rassem<<< bler les citoyens de la capitale, à l'effet de « se porter au château..... Le matin, le ministre « de l'intérieur m'avait fait connaître qu'il avait « avis que 900 hommes armés devaient entrer « ce soir dans la capitale; le ministre de la « guerre avait ajouté que la municipalité avait fait préparer des casernes pour les recevoir, « J'écrivis à M. le maire; sa réponse est en <«< ces termes : Je ne suis pas étonné des mou<< vements qui vous sont dénoncés. La question Tome 11. 15

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importante (la déchéance) qui doit être trai«<tée aujourd'hui à l'assemblée nationale, est « bien faite pour en exciter. Il détaille ensuite «<les mesures qu'il a prises; puis.... la tranquillité publique sera-t-elle maintenue? Je l'ignore; personne ne saurait en répondre. << Quant à l'arrivée des 900 hommes, je n'en <«< ai aucune connaissance. » Après quelques détails de circonstance......, il cite l'arrêté d'une section, envoyé au département : « Si <«< demain le corps législatif n'a pas prononcé «< la déchéance du roi, on sonnera le tocsin à « minuit, pour faire lever le peuple tout en« tier. »..... « Cependant nous avons mandé «<le commandant général de la garde nationale; « ses rapports n'ont pas été plus rassurants: »

Le maire de Paris arriva peu d'instants après. Son rapport donna les mêmes indices. Il dit que, dans les circonstances, l'opinion de la municipalité était que les moyens de confiance et de persuasion pouvaient, et pouvaient seuls, avoir le plus grand succès; il accusa le département, dit que, sans indiquer aucune des mesures qu'il croyait propres à assurer la tranquillité publique, le département se contentait de dire: prenez des mesures. « Cette manière «< de mettre sa responsabilité à couvert, nous paraît, dit-il, trop facile. Au reste, on n'indiquera aucune bonne mesure à la municipa

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