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lorsque les dissentions intestines coïncident avec V. Ep. la guerre étrangère, lorsque des méchants veulent exciter le trouble, que les citoyens paisibles ont besoin d'être rassurés; il faut prouver aux armées qu'elles combattent pour la paix et la liberté. J'ai vu qu'il n'y avait pas de garantie plus sûre à leur donner que la réunion des deux pouvoirs, renouvelant le même vœu, celui de vivre libre ou mourir. (On applaudit.) Un grand nombre de Français accourent de tous les départements; ils pensent doubler leurs forces, si, prêts de partir pour nos frontières, ils sont admis à la fédération avec leurs frères de la ville de Paris. Je vous exprime le desir d'aller au milieu de vous recevoir leur.· serment (nouveaux applaudissements ), et de prouver aux malveillants qui cherchent à perdre la patrie en nous divisant, que nous n'avons qu'un même esprit, celui de la constitution et que c'est principalement par la paix intérieure que nous voulons préparer et assurer nos

victoires. >>

Le sens de ces mots : J'exprime le desir d'aller au milieu de vous recevoir leur serment

provoqua des interprétations qui firent renvoyer

la lettre à la commission des douze. Cette lettre avait été très-accueillie, même par les tribunes. En vain le ministre de la justice vint donner une explication à ces mots desire recevoir, annon

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çant que le roi n'avait entendu que recevoir conjointement avec le corps législatif; en vain, dans un message, il communiqua à l'assemblée les nouvelles de la marche des Prussiens, et finit 6 juillet. par ces mots : « Ce sont-là, messieurs, des hos« tilités imminentes; aux termes de la constitution, j'en donne avis au corps, législatif, et je «< compte sur l'union et le courage des Français << pour combattre et repousser les ennemis de « la patrie et de la liberté. » En vain, dans une proclamation brève et énergique, il désayoua nominativement les démarches de ses

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frères, et déclara que le roi des Français ferait usage de tous les moyens que la constitution met dans ses mains contre les ennemis de la France, quelques prétextes qu'ils emploient pour tolérer les rassemblements armés des émigrés ou pour les soutenir dans leurs démarches hostiles, on repoussa ces avances. Brissot prépara et annonça un rapport sur les mesures de sureté générale: on en connaissait la teneur, et l'on essaya encore de parer cette attaque, il fut permis même un moment de croire au

succès:

que

Un membre (Lamourette ) prit la parole, dit les dangers extérieurs de la patrie exigeaient, avant tout, la seule démarche qui pût 'assurer des succès au dehors, le rapprochement des partis divisés dans l'assemblée,

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« A quoi se réduisent en effet toutes ces dé- V. Ep. fiances? Une partie de l'assemblée attribue à l'autre le dessein séditieux de vouloir détruire la monarchie; les autres attribuent à leurs collégues 'le dessein de vouloir la destruction de l'égalité constitutionnelle, et le gouvernement aristocratique, connu sous le nom de deux chambres. Voilà les défiances désastreuses qui divisent l'empire. Eh bien ! foudroyons, messieurs, par une exécration commune et par un irrévocable serment, foudroyons et la république et les deux chambres. » La salle retentit des applaudissements unanimes de l'assemblée et des tribunes, et des cris plusieurs fois répétés : Oui, oui, nous ne voulons que la constitution. «< Jurons de n'avoir qu'un seul esprit, qu'un seul sentiment, de nous confondre en une seule et même masse d'homes libres, également redoutables et à l'esprit d'anarchie et à l'esprit féodal; et le moment où l'étranger verra que nous ne voulons qu'une chose fixe, et que nous la voulons tous, sera le moment où la liberté triomphera, et où la France sera sauvée

«Je demande que M. le président mette aux voix cette proposition simple: Que ceux qui abjurent également la république et les deux chambres, se lèvent. » Les tribunes retentirent d'applaudissements: l'assemblée se lève toute entière, et tous les membres, simultanément et

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V. Ep. dans l'attitude du serment, prononcèrent la déclaration.de ne jamais souffrir, ni par l'introduction d'un système républicain, ni par l'établissement de deux chambres, aucune altération quelconque à la constitution. Un cri général de réunion suit ce premier mouvement d'enthousiasme. Les membres assis dans l'ex▼ juillet. trémité du ci-devant côté gauche, se levant, par un mouvement spontanée, vont se mêler avec les membres du côté droit.-Ceux-ci les accueillent par des embrassements, et vont à leur tour se placer dans les rangs de la gauche; tous les partis se confondent, et plusieurs instants se passent dans ces communications fraternelles.

Il était permis de croire ce rapprochement sincère, et il n'y avait pas dix membres dans l'assemblée pour qui ces mouvements ne le fussent pas. Aussitôt une députation de vingt-quatre membres fut nommée pour porter au roi le procès-verbal rédigé sur place, et le roi revint avec la députation. La salle retentit des cris vive la nation! vive le roi! « Messieurs, dit

il, le spectacle le plus attendrissant pour << mon cœur est celui de la réunion de toutes les volontés pour le salut de la patrie. J'ai desiré, depuis longtemps, ce moment salu<< taire mon vou est accompli. La nation et «son roi ne font qu'un ; l'un et l'autre ont le

même but; leur réunion sauvera la France.

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«La constitution doit être le point de ralliement V. Ep. «de tous les Français; nous devons tous la « défendre; le roi leur en donnera toujours

« l'exemple. »

D'abondance et d'émotion, le roi ajouta après la réponse du président: « Je vous avoue, << M. le président, qu'il me tardait bien que la députation arrivât, pour pouvoir courir à « l'assemblée. »

«

La séance fut levée, et le roi reconduit, au milieu des acclamations d'alégresse de l'assemblée et des tribunes.

La pensée ne peut se refuser aux rappro chements d'événements et de circonstances qui précédèrent et suivirent cette séance. Dira-t-on que chacun jouait un rôle qu'il s'était préparé d'avance? Tant d'hommes rassemblés et divisés d'opinions, d'intérêts personnels, de systèmes, ne s'accordèrent pas pour jouer des sentiments factices. L'assemblée et le roi étaient, pour le moment, ce qu'ils se montraient. Chacun voulut, ce jour-là, union et constitution; chacun isolé, eût tenu sa parole. Le lendemain, tout ce qui s'était fait, fut encore confirmé par un élan unanime: le procès-verbal dut être envoyé aux quatre-vingt-trois départements.

Au moment même, la pomme de la discorde roulait dans la salle; un arrêté du département venait de suspendre de ses fonctions le maire

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