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air de chanson qui devait faire déserter les soldats autrichiens.

Lukner avait un camp de 40,000 hommes au complet, et de 25 à l'effectif, à Famars près de Valenciennes. Lafayette avait pris une position sur les hauteurs de Givet, d'où il détacha une avant-garde de 3,000 hommes à Bouvines, et ensuite près de Philippeville; elle fut attaquée, et se retira sans échec sous le canon de la place. Cazote, chef de bataillon de garde nationale y fut tué. Dumourier, éloigné du ministère, avait pris rang, en sa qualité de lieutenant-général, dans l'armée de Lukner. Ce vieux général, trop étranger aux intrigues, ne savait reconnaître ni ses amis ni ses ennemis. Plus fait pour commander une avant-garde qu'une grande armée, il s'emportait quand tout ne se faisait pas comme il le voulait, et pleurait quand il n'y trouvait pas de remède. Toute l'activité de la jeunesse, toute l'expérience de l'âge mûr, toute la sagacité d'un politique habile n'eussent pas été de trop pour se conduire dans la situation où les circonstances l'avaient placé. Dumourier qu'il tint d'abord éloigné de sa confiance, la força en peu de jours par cet ascendant d'un esprit entier sur un esprit affaibli; dès lors les plans changèrent, et le plan personnel de l'ex-ministre fut de commander en chef. Rochambeau

1792.

en quittant l'armée, avait conseillé d'attaquer V. Ep.
la Flandre maritime. Lafayette, avec un corps
de 18,000 hommes, dut occuper un camp sous
Maubeuge pour opérer une diversion, se bor-
nant à contenir l'ennemi dans cette partie. L'a-
vant-garde française placée à Grisvel, trop en 15 juin.
avant, fut attaquée et se replia sous Mau-
beuge; là, Gouvion fut tué; les colonnes qui se
portaient à son appui, devaient passer la Sam-
bre, et tomber sur le flanc de l'ennemi, n'arri-
vèrent que lorsque l'ennemi retournait déja
à Mons. Cette attaque se fit par une nuit ora-
geuse; les nouvelles parvinrent lentement, et
les ordres ne purent être reçus à temps.

L'armée de Lukner avait marché, le 11, de Saint-Amand à Orchie; le 15, elle occupa le camp de la Magdeleine près de Lille, et le 17, elle entra sans résistance dans Menin. Le 18, Lukner écrivit au ministre de la guerre : « J'ai laissé hier mon avant-garde et ma réserve à Menin; ce matin, j'ai fait partir de Warvik mon corps d'armée qui a été renforcé par le corps de cinq mille hommes venant de Dunkerque. Mon avantgarde s'est avancée vers Courtrai. Je compte demain faire un grand mouvement vers ce point; l'ennemi est en force dans ce camp. L'armée a montré jusqu'à présent de bonnes dispositions; mais un objet qui m'afflige, ce sont les manœuvres qu'on emploie pour dé

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)

V. Ep. truire la discipline, malgré mes soins et ma 1792. sévérité. »

Le même jour, Courtrai fut attaqué par l'avant-garde. 8 à 900 hommes occupaient une redoute qui fut emportée par les généraux Valence et Jarri, et l'armée entra dans la ville.

Cette nouvelle arriva pendant la séance du 20 20 juin. juin elle était sue dès la veille, et ce succès avait contribué à décider cette journée fameuse. Ce que l'on appelait la montagne, et ce que l'on appelait la gironde, étaient encore réunis, et ne disputaient encore que de popularité, dans les séances aux jacobins; dans celles de l'assemblée, les constitutionnels luttaient avec des efforts trop continuels pour pouvoir être prolongés; l'épuisement ou le découragement devaient bientôt y mettre un terme. Dumas, Ramond, Jaucourt, Vaublanc, devaient bientôt être forcés à la retraite, pour éviter, comme ils le disaient, la complicité."

Entre ces deux partis, ceux qui se nommaient eux-mêmes les indépendants, tenaient la balance, votant alternativement et selon leur opinion du moment, avec l'un ou l'autre parti. Celui de la cour, continuant ses relations avec tous, se flattait de les déjouer, et était joué et desservi par les uns, servi avec hésitation par les autres; et dans cette complication de manœuvres secrètes, de négociations sans con

fiance, de demi-mesures et de, demi-moyens, V.• Ep.. la nation incertaine, embarrassée, attendait les 1792 événements pour se décider en leur faveur. Dès la veille, pendant la séance du soir, une députation de Marseillais vint à la barre, et l'orateur prononça ce discours :

« La liberté française est en péril; les hommes libres du midi sont prêts à marcher pour la défendre. Le jour de la colère du peuple est enfin arrivé : ce peuple, que l'on a toujours voulu égorger ou combattre, est las de parer des coups; il veut en porter, et anéantir les conspirations. Il est temps que le peuple se lève. Ce lion généreux, mais trop courroucé, va sortir de son repos pour s'élancer sur la meute des conspi

rateurs.

«La force populaire fait votre force; empłoyez-la. Point de quartier, puisque vous n'en avez point à espérer. Le peuple français vous demande un décret qui l'autorise à marcher avec des forces plus imposantes que celles que vous avez décrétées. Ordonnez, et nous marcherons avec la capitale sur les frontières.

« Le peuple veut absolument finir une révolution qui doit assurer son bonheur, son salut et sa gloire; il veut vous sauver en se sauvant lui-même vous ne refuserez pas l'autorisation de la loi à ceux qui veulent mourir pour la défendre. »

V. Ep. 1792.

L'impression et l'envoi aux 83 départements, d'abord incertains à une première épreuve, furent décrétés par une seconde. Des avis répétés arrivèrent, pendant la nuit, au roi et aux magistrats de police; et, dès le point du jour, les rassemblements se formèrent dans les deux fau-. bourgs Saint-Antoine et Saint-Marcel. Ils commen. cèrent à défiler vers les huit heures, en plusieurs colonnes, armés de piques, de bâtons ferrés, de haches, de scies, portant des bannières chargées d'inscriptions menaçantes. Un homme, couvert d'habits déchirés, tenait élevés au haut d'une pique des lambeaux d'une culotte noire. On lisait écrit: Tremblez, tyrans! voici les sans-culottes! Un autre portait un cœur de bœuf percé d'un fer, attaché au bout d'une perche, avec cette légende: Coeur d'aristocrate. Tout ce qu'a de sombre et d'effrayant l'appareil affecté de l'indigence rassemblée, contrastait avec le visage assez tranquille et même gai des acteurs de cette scène. La générale avait appelé les gardes nationales dans leurs sections; et les bataillons, en allant prendre leurs postes, se rencontraient dans les rues, sur le même prolongement, avec les colonnes en marche; et nuls propos de colère ou d'animosité ne menaçaient de part ni d'autre.

Vers les dix heures, le département de Paris demande d'être introduit dans l'assemblée na

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