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V. Ep. fin décrétée. Cette mesure effraya par ses suites. L'influence des sociétés affiliées assurait le choix des cinq hommes par canton, et leur réunion formait une force armée aux ordres de ceux dont les projets se développaient chaque jour.

A la suite de la dénonciation du comité autrichien par Chabot, un député peu connu, 4 juin. prit la parole: « Et moi aussi, dit-il, je viens dénoncer une faction, la faction d'Orléans. » Son discours, à la fois véhément, pressé, décousu, semblait fait pour éloigner l'attention par le ridicule, et pour détourner les soupçons par l'incohérence des motifs de suspicion. Cependant les rapprochements étaient sensibles, les indications assez appuyées de vraisemblance, pour que, malgré le peu d'importance qu'y mit l'assemblée, l'affaire fût traitée plus gravement aux jacobins, où plusieurs orateurs se firent un devoir de repousser une idée, que l'on ne vou lait point voir accueillie. On se hâta de la traiter comme une chimère ; et déja alors on parlait avec avantage de l'aîné des jeunes princes de cette maison. Le parti d'Orléans n'était pas alors une faction qui suppose une association s'avouant et se connaissant. Des chefs habiles savent se rallier à un parti avoué et connu, tel qu'était celui des patriotes exaltés, s'y ménagent avec suite et avec art, une prépondérance d'habitude; et,

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éloignant tout ce qui n'est pas leur plan, peuvent V attendre et espérer du concours des événements, que leur plan débarrassé de tout obstacle, devienne un plan unique et nécessaire. Le parti des Guise n'arriva pas à son but; mais il exista.

Pour ne pas quitter le fil souvent très-brouillé de ces différentes intrigues, il ne faut pas perdre de vue que tous ces partis n'existaient point en masses réunies; on pourrait, avec justesse, les comparer à ces corps militaires que l'on appelle des cadres, où les chefs et les personnages destinés au commandement, existent d'avance, classés et organisés, en attendant que la troupe des soldats vienne remplir les intervalles que l'ordre de bataille laisse entre eux. Or, la masse imposante des citoyens était patriote, aimait, voulait la liberté; le grand nombre même des exagérés l'étaient de bonne-foi et ne croyaient pas l'être. L'exagération était le résultat de la disposition des esprits, et plus souvent une suite de la fermentation que produit toujours la réunion pressée des individus. Tel avait fait un chemin prodigieux dans la carrière, qui ne s'apercevait pas qu'il eût avancé. Les discussions journalières dans les clubs, échauffaient les têtes, exaltaient les ideés; le très-grand nombre n'y prenait aucune part active, écoutait seulement la parole, et croyait. L'affluence, le spectacle, l'importance des matières, le ton, le geste, la

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V. Ep. véhémence, la réputation des orateurs, faisaient en politique ce que ces mêmes moyens avaient souvent fait en religion, des fanatiques, des persécuteurs et des martyrs. L'atmosphère seule de ces rassemblements agités, suffisait pour exalter les fluides nerveux et les esprits moteurs de l'organisation physique. L'émulation ajoutait encore à l'effervescence. La société des cordeliers voyait avec indulgence le modérantisme de la société des jacobins, et tel club existait dans Par ris, pour qui les cordeliers n'étaient pas exempts d'aristocratie. Si l'excès de fermentation ne produisit pas la dégénérescence des humeurs, si, comme en Allemagne et en Angleterre, l'épuisement ne produisit pas des sectes religieuses qui, par principes, s'isolèrent de la -société, et y renoncèrent, ne pouvant plus en supporter l'agitation, c'est que l'agitation et le tumulte furent tels, qu'ils ne permirent même pas à ces sectes de s'établir. Après l'inflammation, à force de stimulants, on évità la gangrène.

Les chefs seuls, qui donnaient l'exagération sans la partager réellement, avaient un plan secret, par intérêt personnel, par dévouement à des systèmes ou à des personnes. Le parti d'Or-. léans n'était pas plus coupable que tout autre. Un changement de dynastie ne l'était pas plus qu'un changement de gouvernement quelcon

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que. Le parti républicain méme existait si peu V. Ep. à cette époque, que l'assemblée se leva deux fois par un mouvement unanime et spontanée, pour en désavouer la pensée, et pour en démentir l'inculpation. Deux causes immédiates firent la république ; le conflit des autres partis qui, en équilibre de force, se neutralisèrent; et l'influence de l'étranger, calculant sur de fausses données, il crut perdre la France par la subversion intérieure, et la sauva par l'énergie. L'opium donné comme poison, devint remède ; la force de tempéramment du sujet résista à la crise, et la crise devint celle du salut public.

Et pourquoi serait-il interdit au philosophe d'élever sa pensée vers des causes supérieures? Celui qui forma l'homme pour vivre en société, ne peut-il pas baisser quelquefois ses regards sur les sociétés que l'homme a formées? Le messager de Jupiter va partager un brin d'herbe entre des fourmis. L'immensité ne connaît pas nos proportions de grandeur et de, petitesse; le sort d'une portion du globe peut la distraire un moment de l'administration de l'univers. Elle peut régir comme elle crée, ou comme elle ordonné. Les balances du destin doivent être assez justes pour peser également des sphères et des atômes. Les causes premières sont hors de la portée de nos organes ou de notre intelligence : les résultats qui seuls nous intéressent, tombent Tome II.

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au milieu de nous et notre sort se trouve fixé.

Tous les partis préparaient la république, et croyant ne travailler que pour leur intérêt privé, ils travaillaient à l'intérêt général, qui devait se composer de tous leurs éléments.

La formation du camp de 20 mille hommes excita l'attention de Paris; on prit texte de quelques expressions du discours de Servan, et une députation des gardes nationales Parisiennes vint à la barre dénoncer le ministre qui avait calomnié la garde nationale, en élevant des doutes sur son patriotisme; les pétitionnaires furent mal reçus. Après une discussion plus aigre dans l'attaque, que zélée dans la défense, les honneurs de la séance leur furent refusés, et les huissiers firent exécuter le décret, aux battements de mains redoublés des tribunes. Un moment après, de nouveaux députés se présentèrent avec une petition plus ferme et plus prononcée, qu'ils annoncèrent comme soutenue de 8 mille signa10 juin. tures. On demanda pour eux les honneurs qui venaient de leur être refusés, et sans trop attendre la réponse, ils passèrent la barre en nombre. Alors le président leva la séance. Vergniaud s'était prononcé pour ce refus avec plus d'âpreté qu'on n'en attendait de sa sagesse. Il était un des chefs du parti de la Gironde, alors réuni à ce qu'on appelait la montagne ; c'est

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