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tions avortées, il fallait un coup d'éclat. La V. Ep. garde constitutionnelle du roi venait d'être formée; elle avait dû être constituée et composée d'après des bases légales; et, faute de bien connaître l'état des choses et l'esprit du moment, on avait, dans le choix des sujets, eu plus d'égard à ce que l'on appelait dévouement à la personne du roi, qu'à un attachement à ses vrais intérêts publics. Il était bien difficile d'ailleurs que la réunion prompte de 1200 soldats, les uns envoyés par les départements, les autres, par les corps de l'armée de ligne, ne prêtât en quel- 50 mai que chose, à des défauts de forme, que l'on avait besoin d'y trouver. On s'attacha donc à former un corps de preuves, en rassemblant des faits, des dits, des indices; Bazire se chargea de la dénonciation, Guadet, Vergniaud et Chabot la soutinrent. En vain des orateurs du parti constitutionnel, Ramond, Dumas, Girardin, Jaucourt essayèrent de rappeler les principes de la constitution : ils firent sentir que cette première invasion du pouvoir législatif rompait tout l'équilibre entre les deux pouvoirs établis par la loi; qu'il mettait l'un à la discrétion de l'autre. On répondit qu'il ne s'agissait pas de supprimer la garde, mais seulement de la renouveler, et que l'expression licenciement ne pouvait se prendre que dans cette acception. A l'aide de cette distinction illusoire, puisque

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V. Ep. l'intervalle indéterminé laissait le pouvoir exécutif isolé, et que l'on pouvait prolonger ou re nouveler à volonté l'intervalle; le décret passa ; quelques opposants, trop tenaces, furent envoyés à l'abbaye.

Cette mesure fut un coup décisif, et montra toute la force d'un parti et toute la faiblesse de l'autre. La faute que fit le roi en cédant sans résistance, fut irréparable, prouvant ainsi qu'il n'était pas un appui pour ceux qui se dévouaient à lui. Il avertit de son insuffisance, découragea ses amis, et décida, pour ses ennemis, le grand nombre toujours incertain, et qui attend que l'événement décide, pour se ranger du côté des vraisemblances de succès. Quoique l'assemblée eût d'avance prononcé que la sanction n'était pas nécessaire à ce décret, si le roi y eût apposé son veto très-légal, il eût été difficile d'en poursuivre l'exécution, et sa résistance eût rallié ses partisans; mais il céda avec une facilité qu'il crut capable de désarmer ses ennemis : ils y répondirent en mettant en accusation le commandant de cette garde, Brissac, et il resta prouvé que la loi et le roi n'étaient qu'un formulaire insignifiant dans la constitution adoptée. Dès-lors tout équilibre fut rompu ; et l'empressement à se jeter du côté qui l'emportait, précipita si rapidement la prépondérance du bassin qui l'avait acquise, qu'il n'y eut bientôt plus

d'espoir de maintenir aucune balance: le des- V. Ep. tin abandonna le côté devenu trop léger. Une 1792. dernière faute acheva de tout perdre. Le roi conserva aux individus de sa garde un traitement pécuniaire; c'était prouver, encore une fois, son impuissance et ses regrets. La garde constitutionnelle, c'est-à-dire la caution personnelle et légale de l'un des pouvoirs, demeura, par le licenciement, supprimée et ne fut point renouvelée. Il importait sans doute assez peu que 1200 hommes fussent tels ou tels; il importait même assez peu qu'ils existassent en corps réuni; ce moyen de défense ne pouvait garantir que l'effort d'une première irruption soudaine et imprévue; mais il fut bientôt prouvé que ce genre d'attaque était précisément celui que l'on méditait, et sur lequel, même les chefs de partis en apparence les plus opposés, étaient d'accord. L'inquiétude succéda bientôt aux mesures de rigueur; et tel en est toujours le résultat dans tous les gouvernements. On investit le comité de surveillance d'un pouvoir de police plus actif et plus étendu, sous le nom de comité de sureté générale. On étendit * cette mesure à tous les corps administratifs de district et de département, et aux municipalités des grandes villes, qui se trouvèrent ainsi chargées de la police révolutionnaire, autorisées à remplir les fonctions judiciaires pour

V. Ep. l'information des délits de haute trahison et 1792. pour l'arrestation des prévenus. Ce pouvoir nou

veau qui créait une sorte d'inquisition politique
locale, ne sortit son effet que longtemps après;
mais quand la terreur fut à l'ordre du jour, elle
trouva ses tribunaux tout organisés, leurs fonc-
tions déterminées, leur pouvoir reconnu, et
pour en activer l'exercice, il ne fallut que chan-
ger ou choisir les membres qui les composè-
rent; cependant cette influence révolutionnaire
qui maîtrisait si souvent l'assemblée sur les cho-
ses, échouait quelquefois contre les personnes.
Les dénonciations, les rapports même n'avaient
pu frapper deux ex-ministres, Montmorin et
Bertrand un encore, Duport-Dutertre, était
sous le poids d'une accusation. Duport, avocat à
Paris, avait été un de ceux qui, dans la réu-
nion des électeurs, au temps de l'explosion du
14 juillet, avait le mieux servi la chose publi-
que: ensuite, comme membre de la commune,
il avait, pendant les années de la première ses-
sion de l'assemblée constituante, beaucoup aidé
au maintien de la police de Paris ; il en exerçait
les fonctions, lorsqu'il fut choisi pour être
garde-des-sceaux et ensuite ministre de la jus- .
tice. Au départ du roi, lors de son arrestaion à
Varennes, embarrassé par l'injonction du roi, de
ne faire aucun usage du sceau de l'état pendant
son absence, Duport s'était fait relever de cette

défense par un décret. Homme d'un esprit droit v.• £p: et juste, et d'un caractère ferme et éprouvé, il 1792. avait suivi le sort du ministère lors du déplacement général qui en avait changé tout le système; depuis, rendu à la simplicité de sa vie privée, on ne pouvait l'y attaquer. Son administration fut recherchée et inculpée dans un long rapport d'accusations, tellement vagues, incohérentes et isolées, qu'après une défense modérée, mais décisive, prononcée par Beugnot, l'accusation fut presque unanimement rejetée, ou plutôt ajournée au temps où la probité ne devait plus trouver de défenseur, où la loi même ne lui permettrait plus d'en avoir.

Aux mesures de prévoyance, on en ajouta de plus actuelles. Le ministre de la guerre, Servan, avait succédé au général Grave. Celui-ci, préférant les périls de la guerre aux tracasseries de la tribune, avait donné sa démission et pris son poste à l'armée. La garde du roi était licenciée, L'opposition détruite, il restait à créer une force d'attaque. Servan, dans un rapport im ́prévu et qu'il n'avait point communiqué au roi, proposa, à l'occasion de l'anniversaire de la fédération, d'appeler cinq hommes armés par chaque canton, et d'en former un camp de vingt mille hommes sous les murs de Paris. Cette idée convenue d'avance, fut accueillie par l'as semblée, discutée et arrêtée aux jacobins, en

4 juin.

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