Page images
PDF
EPUB

1792.

députés furent arrêtés dans leur demeure, dès V. Ep. le point du jour, conduits par des soldats de police pardevant le juge. On sembla même affecter de les donner en spectacle, soit que l'on voulût essayer, contre l'assemblée, les armes du pouvoir judiciaire, soit que l'on voulût tenter une épreuve du ridicule et de l'inconsidération.

L'effet manqua, et le trait, mal assuré, blessa les amis de ceux qui l'avaient dirigé. En vain la loi permettait de lancer des mandats d'arrêt contre les députés, les orateurs, par une distinction subtile mais spécieuse, établirent la disparité avec le mandat d'amener le premier supposait le flagrant-délit, qui exigeait une prompte mesure; l'autre, qui ne supposait aucune urgence, laissait le laissait le temps de consulter le corps lés gislatif sur la mise en cause d'un de ses membres. Guadet, dans un discours préparé et savant, conclut à la mise en accusation du juge, et après une opposition peur soutenue, le décret fut porté. Le ministre de la justice, Duranthon, était intervenu pendant la discussion,et, malgré une lettre du roi, qui déclarait qu'il allait poursuivre aux tribunaux les dénonciateurs du comité au- 20 mai trichien, la délibération ne fut point détournée, et le juge fut conduit aux prisons d'Orléans. Cetté attaque, mal calculée dans son objet, maldirigée dans ses moyens, nuisit beaucoup au parti de la cour, gêna le parti constitutionnel,

V. Fp. et le parti opposé à l'un et à l'autre se fortifia

1792.

de leur perte.

Cette dénomination de comité autrichien avait été habilement imaginée pour présenter, d'un mot, au peuple, une image odieuse et alarmante. Sans doute, sous cette dénomination, comme légation patente et accréditée, un comité autrichien n'existait pas ; mais il est très-vrai qu'il existait alors une réunion, dont la reine était le chef invisible pour le grand nombre des adeptes.

Après la réintégration du roi dans ses pouvoirs constitutionnels, ceux qui s'étaient dévoués au succès de cette grande affaire, virent leur ancienne popularité déchoir journellement, et se perdre dans l'autorité même qu'ils avaient relevée. Inculpés, poursuivis, rejetés de ces mêmes associations populaires qu'ils avaient fondées maintenues, et dont ils avaient au loin étendu l'empire; ils purent dire, pendant cet orage po litique, avec ce roi fugitif, proscrit par ses fils:: «Vents, soufflez; déployez contre moi votre rage;. vous n'êtes pas mes enfants; je ne vous ai pas. donné un royaume. » Il n'appartient qu'à ceux dont la sagesse a vieilli dans les tempêtes révolutionnaires, de savoir se laisser honorer par l'ingratitude du peuple. Le jeune âge s'irrite contre elle. Aristide s'éloigne et se taît; Alci-, biade fuit et se venge. Cette intelligence même,› avec la reine, repousse l'idée de trahison et de

connivence

connivence avec l'étranger. La reine craignait le v. Ep retour des princes, qui eussent, pour prix de 1793. leur service, voulu partager un crédit qu'elle voulait seule ; la pensée de favoriser un démem. brement, était trop contraire à ses propres intérêts; mais ceux qui la servaient, ceux qui lui promettaient de restituer au trône, non pas l'antique autorité absolue qui l'eût rendu bientôt indépendant d'eux ; mais cette portion de pouvoir, qui n'avait pu trouver place dans la révision; ceux-là, pour prix de leur service, atten daient l'exercice de cette même autorité. Ils ouvraient cette mine féconde, à condition d'avoir le privilége et l'assurance de l'exploiter; ils promettaient du pouvoir et demandaient du crédit ; ils élevaient la première place, pour rehausser les secondes ; ils étayaient le trône, afin d'en occuper les degrés et s'y assurer un abri.

Ce conseil intime, auquel le roi n'était pas toujours appelé, avait ou croyait avoir des affinités et des intelligences dans tous les partis. On flattait les constitutionnels de maintenir leur ouvrage; et, pour cela, on mettait, en temps utile, la parole du roi en avant; on le produisait, au besoin, dans l'assemblée, pour y rassurer la majorité, et en imposer un moment à l'opposition. On calmait les jacobins en s'assu rant de leurs chefs. Danton, et peut-être Brissot', étaient soldés; et lorsqu'à cette attaque contre Tome II.

Y.. Ep.

le comité autrichien, Grangeneuve parlait de dé1793. chéance et d'accusation, Robespierre lui répondait, à la tribune des jacobius: Je déclare que Pièces j. je préfère le roi que m'ont donné la naissance et la constitution, à tous ceux que l'on pourrait me proposer.

(4).

Pour s'entendre avec ceux du dehors, il suffisait de se désigner, parti de la cour; on leur faisait espérer une chambre des pairs, et ce voeu était celui de la grande majorité des dissidents, quoiqu'il y eût en même temps parmi eux plu sieurs subdivisions de système; les uns tenant pour l'ancien régime, sans aucun amendement; les autres consentant des assemblées représentatives, toujours sous la primitive et expresse condition: trois ordres, trois chambres et trois voir. Mais aucun d'eux n'était déja plus libres que de leur opinion intérieure; ils éprouvaient que l'étranger n'accorde ses secours qu'au prix d'une servitude décorée ; ils étaient dans les conseils ce qu'ils furent bientôt dans les camps, réduits par système à une nullité pénible, et à une dépendance, que l'espérance et la nécessité pouvaient seules faire supporter. Il est permis de douter jusqu'à quel point l'empereur, le véritable cabinet autrichien, consentait à prêter ses armées et ses trésors, uniquement pour donner à la monarchie française une forme de gouvernement plus stable, plus heureuse, plus propre à dé

1792.

ployer ses forces au dehors et assurer sa tran- V. Ep.
quillité au dedans ; il eût été difficile de concilier
ce plan généreux avec la convention de Pilnitz,
Ce qui est vraisemblable, c'est qu'à cette époque,
tous les systèmes politiques, fidelles à leur an-
cien régime, se jouaient mutuellement, ou plutôt
ne se trompaient pas; car, se rendant mutuel-
lement justice, aucun d'eux n'accordait plus de
confiance qu'il ne prétendait en inspirer et en
obtenir.

(5).

Nos relations avec le cabinet britannique étaient basées sur les mêmes principes. L'ambassadeur Chauvelin notifia la déclaration de guerre au roi de Hongrie et de Bohême. Le ministre Grenville protestait de la neutralité et Pièces j des intentions pacifiques de sa cour, en faisant des vœux pour le rétablissement de la concorde entre les hautes puissances belligérantes. Cette guerre, commencée sous de fâcheux auspices, se continuait sans activité, et ce délai même était favorable à l'ennemi. Peu de troupes défendaient les Pays-Bas, les armées coalisées de Prusse et d'Autriche étaient en mouvement, mais ne pouvaient encore de quelque temps, entrer en action. Cependant nos armées se recrutaient lentement et difficilement; les officiers se retiraient ou émigraient. Des corps entiers passaient à l'ennemi; le régiment de cavalerie Royal allemand, le quatrième de hussards; d'au

1

« PreviousContinue »