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V. Ep. leur compte; la méfiance du soldat, le décou ragement des chefs, et la désorganisation complète de tous les moyens de défense.

Lafayette, après une marche forcée de cinq jours, était arrivée à Givet; il se porta, le 30, à Bouvines, sur le chemin de Namur, avec environ dix à onze mille hommes; il y apprit les désastres de Valenciennes et de Lille. Le but était manqué. Il laissa à Bouvines une avantgarde de 3 mille hommes, aux ordres de Gouvion, et revint prendre une position au camp de Valenciennes.

La politique intérieure peut seule expliquer ce concours d'ineptie et de fausses mesures. Rochambeau était parti pour joindre son armée laissant un plan de campagne convenu et arrêté au conseil. Lafayette, plus au fait, disait le maréchal, des guerres de révolution, devait entrer en Flandres avec une armée de 40 mille hommes, et le maréchal se réservait une armée en seconde ligne pour le soutenir. On comptait, sur des intelligences avec les patriotes brabançons, et peut-être qu'à la vue de forces nombreuses, et pendant l'absence et l'éloignement des armées autrichiennes, qui ne pouvaient pas arriver avant deux mois, il eût été possible qu'une insurrection secondât les premiers efforts d'une armée; des demi-moyens n'étaient pas faits pour la décider. On s'attendait à une in

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vasion imposante, on ne vit qu'une tentative V. Ep. ridicule; mais il fallait, pour satisfaire des prétentions ambitieuses, rebuter Rochambeau et perdre Lafayette; il avait été calculé assez juste, qu'averti au dépourvu, privé de moyens, il ne pouvait pas se trouver à Givet au jour indiqué dès-lors, ce défaut de mesures aurait servi d'excuse au non-succès des deux autres expéditions; le tort lui en aurait été imputé, et sa condamnation, prononcée à la tribune des jacobins, aurait devancé sa justification tardive à l'assemblée.

Depuis la déclaration de guerre, la société des jacobins avait vu s'accroître rapidement, non plus son influence politique, mais sa prépondérance avouée et vantée; en vain deux schismes de doctrine opposée, les feuillants par leur modérantisme, les cordeliers par leur exagération, essayèrent de lutter avec la société-mère, ainsi qu'on la dénommait ; l'ancienne vénération des sociétés affiliées, lui conserva la prééminence; et, comme le cratère exhaussé de l'Etna, elle dominait toujours les montagnes que ses éruptions avaient amoncelées autour d'elle; le Titan avait cent bras; mais tous aux ordres d'une seule tête. Le local de ses séances s'était agrandi comme son pouvoir; la nef de l'église des jacobins avait été transformée dans un vaste cirque, dont les gradins s'élevaient circulairement en

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V. Ep. amphithéâtre jusques au ceintre de la voûte. Une haute pyramide de marbre noir, appliquée à l'un des côtés, et qui servait jadis d'ornement à un tombeau, avait seule été conservée; le bureau des officiers du club y était adossé ; là, sur une estrade élevée, siégeaient le président et les secrétaires; derrière et au dessus d'eux, les bustes blancs de Mirabeau, puis de Marat. En face était la tribune, exhaussée jusqu'à moitié distance du parvis et de la naissance de la voûte. De là tonnait la voix des orateurs, qui retentissait dans toute l'Europe; plus bas se préparaient les feux et les foudres qui l'ébranlaient ou l'embrasaient. En pénétrant dans cette enceinte imposante, où tout était démesuré et gigantesque l'ame ne pouvait se défendre d'un mouvement de terreur et d'admiration, et l'imagination exaltée se rappelait avec effroi ces temples redoutés que la poésie a consacrés aux divinités vengeresses. Tout, dans cette époque de la révolution, garda toujours un caractère excessif; la grandeur fut gigantesque, le stoïcisme de la vertu fut impassible, les victimes insultèrent avec orgueil aux bourreaux, et le crime dédaigna les remords. On y avait déja décidé que la présence des membres de l'assemblée nationale n'était pas nécessaire pour prendre des délibérations: on y avait décidé la déchéance du roi et le licenciement de l'armée ; on y vit ensuite des matelots venir

demander justice de leurs officiers, et ensuite, V. Ep. des soldats condamnés par des tribunaux mili- 1793. taires, y porter l'appel de leur jugement; des suisses du régiment de Château-Vieux, condam. nés aux galères après l'affaire de Nanci, vinrent demander leur réintégration et l'obtinrent. On y défendit la cause des soldats qui avaient massacré Dillon; mais cependant l'assemblée, effrayée des désastres de Mons et de Lille, prit quelques mesures de répression contre les excès de l'anarchie militaire. On sentit le besoin de la discipline dans les armées; une loi martiale créa des tribunaux conseils de guerre, pour le jugement des délits de l'insubordination; on mit, par une loi expresse, les prisonniers de guerre sous la sauve-garde de la nation. « Ce n'est pas l'ennemi, 4 mai, << (écrivait Lafayette) qui le demande; c'est l'ar<«<mée française : l'indignation que nous avons « éprouvée, m'autorise à dire que de braves sol« dats répugneraient à combattre, și le sort de << leur ennemi vaincu devait être livré à de lâches «< cannibales. » On ne prévoyait pas encore que l'on touchait au temps où la loi prescrirait le massacre et défendrait de faire des prisonniers; et les grenadiers répondaient alors à la publication de cette loi: «Eh bien! nous ne connaî<< trons que des déserteurs. » Ce contraste du caractère national et de sa législation à cette

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V. Ep. époque, est une remarque qui appartient au 1792. philosophe, au naturaliste et à l'historien.

Ces désastres, qui auraient pu embarrasser ceux qui avaient provoqué la guerre, loin d'intimider les clubs des jacobins, avaient exaspéré leur audace. On y tonna contre les généraux; Rochambeau y fut déclaré traître; le meurtre de Dillon y fut une juste vengeance des soldats; l'empereur, dans une sorte de manifeste, avait dénoncé les jacobins comme une secte isolée, à laquelle seule il déclarait la guerre ; ils s'honorèrent de l'exception, et relevèrent le gage du combat; en représailles, on dénonça un comité autriPièces j. chien comme un centre secret d'opposition à la liberté.

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Montmorin et Bertrand furent désignés par les journaux des partis; ils mirent les écrivains en cause, et les traduisirent, comme calomnia teurs, pardevant les tribunaux. Un juge-de-paix, 18 mai. nommé Larivière, vint à la barre réclamer du

comité des recherches certaines pièces utiles au jugement: l'assemblée en refusa la communication; on motiva le refus sur la nécessité du secret dans les affaires de sureté publique. Le juge alors eut l'imprudence, tout au moins illégale, de lancer un mandat d'amener contre trois députés, membres du comité, Bazire, Chabot et Merlin. On ajouta au défaut de formes légales, des formes d'exécution peu mesurées. Les trois

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